Clintie, défenseur des mulets, flingueur de chacals
#LI1
Attention, entame des critiques de la double trilogie mythique de Sergio Leone !
Avertissement : que tous ceux qui sont agités par des troubles de convulsion effrénée et de crises d'hystéries à la simple écoute de noms tels que "Sergio Leone", "Ennio Morricone" ou encore "Clint Eastwood", ne lisez pas cette critique mais plutôt celle sur Oui-Oui au pays des Bisounours.
18 janvier 1967. soit 3 ans après sa sortie en Italie et en France ; me demandez pas pourquoi !. 5, 4, 3, 2 ,1...0.
Les spectateurs américains découvrent devant leurs yeux ébahis (et un peu couillons aussi) un OVNI venu tout droit de la planète cinématographique du pays en forme de botte. Une blague pour les artistes ricains (Quoi ? Les Italiens font des films maintenant ? Y peuvent pas continuer à faire des pizzas, tri..euh jouer au foot, et faire poum-poum sur la police avec leur MAFIA [Maison d'Aide Familiale pour les Indignés de l'Autorité], il faut dire que les Italiens sont très revendicateurs de liberté...) qui qualifieront d'ailleurs de façon très amicale et affectueuse (putain, qu'est-ce que ça aurait donné si ç'avait été dit de façon méchante !) ce type de films de westerns "spaghettis", fidèles à leur réputation de non-racistes et de non-haineux envers les étrangers ; ben quoi on peut même pas faire une petite ségrégation entre nous maintenant ?!
Il faut dire qu'à l'époque, Leone, et un peu tous les spectateurs américains aussi, commencent à en avoir ras-les-burnes du western digne de l'Âge d'Or hollywoodien, même si ce dernier à connu ses belles heures de gloire : cf. Le Train sifflera trois fois (1952) avec l'inénarrable Gary Cooper, L'homme qui tua Liberty Valance (1962) La Prisonnière du désert (1956) avec aux manettes le grand John Ford et Mâle Bourru Ier en chef dans le premier rôle, j'ai nommé John Wayne (ce mec a quand même fait un film patriote sur la guerre du Viêt Nam, respect, comme quoi les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnait) ou encore l'indéboulonnable La Ruée vers l'Or (1960).
Seulement voilà, comme vous avez pu vous en apercevoir, ces films sont trop vieux, fatigués, dépassés, sur le déclin, à bout de souffle (c'est bon j'arrête là), nul à ch.. (non STOP là ! - ouais mais c'était pour la rime -), ABSOLUTELY CLICHÉ RIDDEN - je m'étais juré de caser cette expression apprise en cours de br..d'anglais un jour ou l'autre - et répétitifs au possible (tiens La prisonnière du désert, ça ressemble à La fille du désert, sorti en 1949)
Parce qu'évidemment, à chaque fois ou presque, on peut résumer ces long-métrages comme ça :
1) Y a un problème (en général, les Indiens viennent foutre le bordel ou alors y a une bande de mecs qui croient pouvoir rivaliser avec l'acteur principal [ah les c...] )
2) Le(s) héros se ramène(nt) avec sa (leur) dégaine/cigare/chique/gueule de crooner absolument ringarde
3) Biggest charge de cavalerie eveureuh ou duel final entre le héros, avec son colt 1889 dernier cri et les Indiens, ayant pour seule arme l'arc en bois de hêtre fabriqué par Bison Futé, le moins con de la tribu ; même pas de flèches (ben ouais, elles sont censées être fabriquées par Coyote fainéant, celui qui fait bronzette à côté du tipi)
Voilà ça vous donne une idée de ce que représentait l'époque de l'Âge d'Or du western.
Évidemment, ça pouvait pas durer (- pourtant les choses dans la Comté sont faites pour du.. - Ta Gueule !) et il faut un sursaut des Européens pour remettre tout ça en ordre, et de façon plus réaliste (enfin sauf dans les duels, mais j'y reviendrai) et un poil plus prosaïque.
Après mon réquisitoire contre John Wayne (ouais il l'a bien cherché aussi), passons au film en lui-même.
Si ce n'est pas le premier western spaghetti (Sergio Corbucci, l'un des représentants du type avec Leone, a signé Le Justicier du Minnesota, quasiment invisible dans l'univers cinématographique, la même année ainsi que l'excellent Django deux ans plus trad), il reste ZE modèle du genre, le patron, le gabarit à partir duquel les autres films (ne) seront (pas que) des améliorations pour le plus grand plaisir des critiques (pas américaines, bien sûr) et du spectateur.
Il est à noter que ce film est en fait un remake du Garde du Corps (Yojimbo) de l'immense Akira Kurosawa, sorti en 1961. Ce n'est pas la première fois que l'un de ces films constitue une review westernienne puisqu'il y eut aussi un réadaptation des Sept samouraïs en Les Sept mercenaires (en 1960). Cependant a l'inverse du second film japonais qui fit un carton plus que son doublon américain, Le Garde du Corps est passé quasiment invisible, éclipsé par le talent à l'italienne. Peut-être parce que Sergio Leone...
Mais revenons plutôt à nos mulets. Bien que l'affiche du film conserve néanmoins le côté kitschien de ce type particulier de long-métrage que constitue le western, le héros avec une demoiselle dans ses bras et devant lui un type qui n'a qu'une idée par seconde (on a trouvé pire que toi, Débilla) depuis 30 ans, c'est à dire le flinguer ; les premières scènes du film ont déjà quelque chose de pas banal. Fini les États-Unis, direction le Mexique, pas pour ses paysages pittoresques mais pour ses déserts arides crépusculaires et caillouteux où les cactus possèdent une espérance de vie supérieure à celle des cow-boy solitaires, grillés sous un soleil de plomb.
Leone ne tergiverse pas. Il nous dévoile dès la 20e seconde l'apparence de son héros. Rien sur lui n'évoque directement ses illustres prédécesseurs : mal rasé, il a troqué son veston en cuir noir contre un poncho vert-de-gris, son Stetson est marron et sa monture n'est pas un fier canasson blanc d'une quelconque pure race mais un mulet noir de paysan. De l'image antique du héros des plaines, il n' a conservé que le colt, pas fièrement arboré, le jean poussiéreux, les bottes éperonnées salies par le sable et le regard d'acier, ce regard qui dit tout sans qu'il ait besoin de parler, ce regard à travers lequel filtrent des idées qui ont au moins un milliard d'années-lumière d'avance sur les vôtres.
Perdu dans ses pensées après s'être âprement désaltéré, il est ramené à la réalité par les cris d'un enfant mexicain qui demande sa mère en pleurant et observe sans broncher de drôles de types corriger le père de celui-ci. Cependant il s'interroge longuement, et il faudra attendre 1 h 40 pour voir ses desseins enfin dévoilés. Sorti de nulle part tel un deux ex machina, sa présence fantômatique constitue un atout précieux, on ne le remarque pas mais lui n'oublie rien.
Il est anonyme, personne ne connaît son nom, lui semble déjà l'avoir oublié, mais son patronyme importe peu, bien qu'on le connaisse un peu plus tard dans le film sous le nom de Joe, mais comme c'est le croque-mort qui l'appelle comme ça...Ses actions sont bien plus importantes.
On lui ferme les portes des maisons, qu'importe, il trouve refuge chez l'aubergiste et se lie d'amitié avec un croque-mort un peu (beaucoup) cinglé (le mec s'appelle PériPéro, c'est vous dire !) qui va voir son chiffre d'affaires décupler en moins de deux jours.
Doté d'un cynisme à toute épreuve, lucide dans les duels comme dans la torture, Clintie ne se démonte jamais, il ne s'en fait pas. Son plan, utiliser la manière douce. Si elle ne marche pas, pas grave, on emploie la manière forte et on fait digérer des pruneaux à ceux qui veulent pas suivre la première. Il sait qu'il gagnera toujours parce qu'il est le plus malin, le plus habile au revolver et le plus rapide : son regard le laisse transparaître et en interpelle le spectateur, au détriment de ses ennemis. Ne souhaitant pas triompher de la violence par la violence, évitant les rapports de force pour une question éthique, même s'il sait qu'il l'emporte, il se montre même prévenant avant d'envoyer ses détracteurs dire bonjour au Diable.
Car sa position confère au personnage de "l'homme sans nom" une dimension quasi christique, messianique même. Motivé tout d'abord par l'appât du gain, il ne s'en cache pas, fourbe en se présentant d'une famille à l'autre et en récoltant de l'argent par ci - par là (enfin tout de même plus de 2000 $ à la fin, un bien joli magot) en rendant des services pas toujours recommandables ; il apparaît en fait peu à peu comme le sauveur de la population opprimée du village, le seul rempart contre l'injustice et la cruauté, le bras armé du châtiment vengeresque envers les pêcheurs menés par un Ramón Rodos / Gian Maria Volontè d'une sordidité absolument sublime, d'un machiavélisme qui le rend presque charmant (et qui pourtant ferait passer Sauron pour un Télétubbies).
Avec une classe naturelle et un talent hors norme, Clint Eastwood campe un superkiller en poncho très juste.
Bref, il s'agit bien là d'une oeuvre baroque à tout point de vue, rien dans ce film n'est poussé à l'extrême, ce réalisme à l'italienne est plus fidèle envers les spectateurs qui ont désormais le sentiment qu'on s'est arrêté de se foutre de leur gueule concernant le mythe du Far West (on a pas besoin des Indiens pour s'entre-tuer, deux familles rivales peuvent très bien le faire tout seul après tout) et plus prenant. Et si, il est bon de le dire, les duels aux armes à feu semblent un poil exagéré (un poil ??! Non mais t'arrive à couper une corde avec une balle à 2 mètres toi ? - OUI C'EST BON !! On a compris m** !), ce n'est que pour mieux évoquer à travers les prouesses du héros, que la justice de Dieu, elle, est sans faille et qu'il n'y a aucun échappatoire possible pour les Salopards dans le genre de Ramón. L'une des scènes les plus marquantes à mon goût dans ce duel final, sans faire de spoil bien sûr (- Si fais un spoil fais un sp.. - la ferme !) c'est lorsque Ramón, accoudé au puits, la tête tournée vers un soleil hostile, ne sait plus si le personnage de "l'étranger" n'est pas un mirage et s'il n'est pas victime d'une hallucination, accentuant un peu plus l'effet DIVIN de la venue de ce cavalier solitaire, qui fait peur par son anonymat triomphant, ce même anonymat qu'on pourra retrouver notamment chez l'Homme à l'Harmonica, lui aussi inconnu, dans le cultissime Il était une fois dans l'Ouest.
La maîtrise des cadrages, évidemment essentielle pour cette scène, est quant à elle parfaitement bien gérée, et ce tout au long du film, mais l'assurance de Leone derrière la caméra ne battra son plein et n'atteindra son apogée que dans Le Bon, la Brute et le Truand, où la scène de frénésie dont le brave Tuco est animé dans le cimetière reste un modèle du genre. Et tout ça avec à peine 200 000 $ de budget - une poignée quoi :) - c'est qui le patron ?!
D'ailleurs, Sergio, avec ses plans panoramiques et ses contre-plongées qui déforment avec maestria la perspective, ses prises de vue devenues dès lors indissociables du western spaghetti, est presque aussi à l'aise derrière sa caméra qu'un certain Ennio Morricone devant son pupitre de chef d'orchestre. Le génie et le maestro se sont connus sur les bancs de l'école ; si ça paraît inconcevable, la bande-son que nous délivre ce dernier dans ce long-métrage ne le reste pas moins. Elle est extrêmement prometteuse, bien que pas assez variée, mais sa puissance quasi divine prendra son envol dans des films tels que Le Bon, la Brute et le Truand (1966), Il était une fois dans l'Ouest (1968), le clan des Siciliens (1969) ou encore Il était une fois en Amérique (1984). Notons également sa performance dans Le Professionnel (1981, Chi Mai).
N'étant pas un spécialiste (je sais juste l'apprécier), je ne peux la décrire en détail mais peux vous assurer qu'elle remplit parfaitement bien son rôle d'accompagnement des personnages (prenant d'ailleurs quelquefois presque le pas sur eux), en rendant obsolètes les dialogues puisque tout est déjà dit avec brio (- Ben c'est qui Brio ? - Punaise je vais le buter...) grâce à la partition superbement travaillée.
Parmi mes morceaux préférés, Titoli (#1) Quasi Morto (#2) Square Dance (#4) et depuis qu'une version inédite, remasterisée et complétée (plus de 17 titres donc 9 de plus que l'originale) est sortie en Mars 2006 j'ajoute aussi Per un pugno di dollari 1 (#8), Per un pugno di dollari Finale (#17) et le sublime Cavalcata (#10) qui fait appel à la scène mythique du film et qui manquait cruellement à la première B.O. Sans oublier bien sûr le très bon Per un pugno di dollari 2 (#16).
Si vous êtes intéressés par cette bande-son, go to --> le lien que j'ai mis dans cet article ! Puis je vous conseille bien sûr de la tél.. via yout.. de l'acquérir (très) légalement bien sûr !
Enfin bref, au vu de ce que j'ai écrit dans cette review, et en tant que cinéphile assuré, je ne conseille qu'une chose : que vous ayez des a priori ou non (d'ailleurs surtout si vous en avez), voyez ce film et savourez le si affinités :D Et surtout ne croyez aucune personne disant que tel film est cool, celui-là c'est une tuerie, ou alors tiens lui, c'est un étron ! Voyez par vous même, développez votre propre perception, votre ressenti personnel, bref acquérez un sens..critique ! (Attention néanmoins - oreille en plus - Pffffou !!!! - des longs-métrages où, dès les crédits apparaîtront des noms tels que Paul W.S. Anderson, Zack Snyder et autres réaliRateurs bien bouseux constituent une exception à ce conseil/règle)
Et pour finir, je vais reprendre une réplique des critiques Newsweek à propos du film Il était une fois dans l'Ouest et l'étendre au western spaghetti : "Il ne sert à rien de raconter ce qu'il se passe dans Il était une fois dans l'Ouest, disons que le film abonde en péripéties, même si toute la saga colossale peut se résumer à deux principes : des stars y font une apparition et tout le monde se flingue."
OUI MAIS ATTENTION ! CERTAINS FLINGUENT PLUS ÉLÉGAMMENT QUE D'AUTRES, Pour une poignée de dollars en est la preuve formelle !
Voilà, cette critique est finie, j'espère qu'elle vous a plu et on se revoit la semaine prochaine pour la suite de cette double première série de critiques consacrée à Leone : ce sera évidemment : Et pour quelques dollars de plus (!)
D'ici là portez vous bien, bonnes vacances d'été 2014 à tous, construisez-vous une base de données cinématographico-BDo-musicale, matez des tas de film, écoutez des tas de B.O. (ouais faites pas l'inverse hein, parce que c'est plus nul XD), vous pouvez même matez des film ET écouter des tas de B.O. (Incroyable, non ?) !
Et surtout surtouT surtoUT surtOUT surTOUT suRTOUT sURTOUT SURTOUT,
Faites gaffe, n'insultez jamais un mulet !! :D
PS : Quentin Tarantino a dit que ce film était le meilleur de tous les temps POUR LUI. Respect.