Quel étrange destin que celui de Premonitions, thriller balancé sans trop de conviction en pleine rentrée scolaire par un distributeur (SND) ne comptant pas sur son improbable succès et ayant déjà méchamment salopé sa campagne promotionnelle, contenant une toute petite bande annonce et deux affiches qui se bâtaient en duel.


Un comble quand on s'arrête deux minutes aussi bien sur son casting vedette indécent de talent (l'inestimable Anthony Hopkins, le sous-estimé Colin Farrell et les excellents Jeffrey Dean Morgan et Abbie Cornish), que sur son pitch des plus accrocheurs, comptant la traque d'un bon tueur en série mystérieux et glauque comme on les aime.


Alors certes, son cinéaste Alfonso Poyart est inconnu au bataillon, sa sortie US est toujours indéterminée - jamais un bon signe - et sa bande annonce laissait planer un lourd sentiment de déjà-vu (et pas uniquement pour son titre VF bateau qu'il partage avec bon nombres de films) au sein d'un genre qui n'est pas franchement celui qui attire le plus les foules dans les salles obscures hexagonales; mais force est d'avouer que la péloche semblait en avoir bien plus dans le ventre qu'elle ne voulait le montrer.


Et puis Hopkins dans la peau du flic et non du psychopathe, affrontant un Farrell tout juste sortie de l'une des plus belles et intenses performances de sa carrière (la saison 2 de True Detective) au sein d'un wannabe Se7en ou les deux bonhommes sont clairvoyants; si ça, ça n'a pas de quoi attirer un minimum le cinéphile lambda...


Prémonition aka Solace en v.o, ou l'histoire d'un tueur en série énigmatique qui sévit à Atlanta, laissant le FBI totalement désemparé.
Quoi qu’ils fassent, les enquêteurs ont toujours un coup de retard, comme si le tueur pouvait anticiper leurs mouvements à l’avance.
En désespoir de cause, ils se tournent vers le docteur John Clancy, un médium retraité dont les visions les ont aidés dans le passé.


En étudiant le dossier, Clancy devine rapidement la raison pour laquelle le FBI est incapable de coincer le tueur : ce dernier possède le même don divinatoire que lui.
Comment dès lors arrêter un tueur capable de prévoir l’avenir ? Commence alors une partie d’échecs impitoyable...


Inutile de dire qu'après vision, Prémonitions ne mérite nullement le (très) mauvais traitement qu'il a subi par son distributeur inconscient de son joli potentiel.


Prenant même si pas dénué de quelques défauts dommageable, tendu, réaliste et au suspens aussi habile qu'efficace, le film distille en bon wannabe Se7en qu'il est (à son stade embryonnaire, il était prévu comme sa suite), une ambiance oppressante et glauque au sein d'un cadre inédit - Atlanta - qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler un autre rejeton illégitime du chef d’œuvre de David Fincher, le plus fantastique Délivres-nous du Mal de Scott Derrickson.


Mais si les bonnes intentions formelles du cinéaste sont louables - l'esthétique est indéniablement travaillée et soignée - en revanche, sa mise en scène plate et clippesque (notamment dans les projections pas toujours réussites, du personnage d'Hopkins) diminue clairement l'impact de l'intrigue dynamique et captivante signée James Vanderbilt (Zodiac !), transcendant les passages obligés du polar (une enquête classique mais original puisque appuyer par les éléments paranormaux des deux protagonistes principaux) tout en offrant une description fine et profonde des personnages ainsi qu'une réflexion étonnante sur la mort.


Soit un terreau parfait pour des performeurs géniaux comme Anthony Hopkins et Colin Farrell, tous deux exceptionnel.


Le premier en impose, impérial et tout en retenue dans la peau du docteur John Clancy tandis que le second, parfait et en complet contre-emploi dans le rôle d'un maniaque christique méthodique et torturé (Charles Ambrose, dont l'aura n'a rien à envier au célèbre John Doe), est aussi séduisant que convaincant.


Jamais ennuyeux, nerveux et attractif malgré une réalisation brouillonne, Premonition est un excellent thriller sombre et macabre, une série B prenante et singulier dont on n'attendait pas grand chose mais qui s'avère pourtant in fine comme l'une des belles surprises de cette rentrée ciné 2015.


Une surprise qui aurait d'ailleurs très bien pu incarner une référence du genre avec à sa barre un cinéaste bien plus chevronné et talentueux...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.com/2015/09/critique-premonitions.html

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le 10 sept. 2015

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