Ma relation avec ce film est toute particulière, et il garde dans ma collection une place spéciale.
C'est le premier film que je suis allée voir toute seule, à onze ans, dans la salle du cinéma « Le Pagnol » à Aubagne. J'ai tremblé de peur et pleuré, et quand je suis sortie dans le soleil je me sentais transformée. C'était le début de l'adolescence et ce film avait ouvert en moi une petite fenêtre magique.
Ce qui m'a toujours plu, émue, transportée, c'est cet univers féerique, que je retrouverai quelques années plus tard dans la forêt pétrifiée de la Vallée du vent chez Nausicäa, que Miyazaki sait si bien décrire avec des petites touches, tellement belles et tellement sincères que ça se glisse tout de suite dans le coeur, des libellules papillonnantes dansant dans la mousse, des insectes irisés qui volent dans les rayons filtrés du soleil à travers les branches, le souffle du vent, le silence moiré de la forêt, les lumières du couchant sur l'eau, les animaux sauvages paissant en silence dans la clairière… Le bruit de l'eau, des feuilles, la beauté pure et fraîche du torrent… Voilà ce qu'il me reste chaque fois derrière les paupières lorsque je visionne Princesse Mononoké.
Mais au-delà de la tendresse de ces sensations brutes et vives que l'on s'étonne de ressentir alors qu'il s'agit d'un dessin animé (comment fait-il pour, mieux qu'un film, transmettre la vérité sensorielle de la Nature?!), il y a aussi les personnages, et les messages doux-amers (amers et parfois doux) qui irriguent l'histoire.
Les personnages ne sont pas écrits comme des stéréotypes à la Disney, les uns fondamentalement bons, les autres vraiment irrécupérables et mauvais.
Chacun a sa destinée, qui va contre celle des autres personnages parfois, mais ce n'est pas toujours réciproque : Lady Eboshi ne souhaite pas la mort de la Princesse, qui pourtant essaye de l'assassiner régulièrement. Un personnage sauve le héros puis est à l'origine de la catastrophe. Les motivations des uns et des autres sont guidées par leur parcours de vie, par leurs expériences… J'aime bien ce regard distancié que l'auteur porte sur les agissements des uns et des autres. Il y a des héros, mais ceux-ci ne sont pas toujours irréprochables ; il y a des bourreaux, mais ceux-là peuvent aussi avoir leur part de lumière et protéger de plus faibles qu'eux. Par exemple, le personnage de Lady Eboshi, qui détruit la Nature pour alimenter ses forges, et souhaite la disparition des Dieux de la forêt, permet aussi à des êtres bannis de la société de vivre une vie laborieuse mais digne, de recommencer une existence comme une deuxième chance. Ce sont les prostituées qui alimentent le feu jour et nuit, et les lépreux qui conçoivent et réalisent des armes perfectionnées.
Bien que la fin du film me déçoive légèrement, j'aime ce conte pour toutes ces raisons, la beauté de son univers et l'aspect anti-manichéen de son récit. J'aime l'histoire, les personnages, les dessins, et, clou du spectacle, la musique entêtante et mélancolique de Joe Hisaishi.
Un de mes films cultes !