On m'en avait dit tellement de bien ! Psaume rouge, comme Pour Electre, parle de la révolution, de sa nécessité, de sa difficulté. Mais son histoire cède le pas devant l'allégorie, entraînant une narration qui dit flûte au principe de non-contradiction. Il faut donc voir le film comme une série de tableaux, une mosaïque où chaque scène est une pierre d'une couleur bien précise, qui n'a pas forcément à voir avec ce qui est juste avant ou ce qui est juste après. C'est déroutant et dur à suivre.
- Des paysans se révoltent contre les impôts trop lourds et l'accaparation des terres par les seigneurs. On leur envoie la troupe, mais ils restent unis. Ils tuent l'intendant et parviennent même à débaucher des soldats austro-hongrois. On leur envoie la troupe, mais il sortent leur arme secrète : trois femmes qui se déshabillent et font une ronde comme les trois grâces dans Le printemps de Botticelli. On leur envoie une sorte de réformiste-éducateur, qui meurt (de désespoir ?) car ils veulent la liberté avant l'éducation pour les masses. On tente aussi de christianiser leur révolte, puis la religion les menace, accompagnant son goupillon du sabre, comme il se doit. Mais les prêtres sont chassés à coups de fouet de cocher, et l'église est brûlée. Un des révoltés, tenté par le retour au christianisme, revient dans le droit chemin et un serment révolutionnaire laïc est créé. Il y a sûrement bien d'autres scènes dont je ne me souviens plus, mais l'idée générale est que la révolution, ça permet d'avoir des jolies filles qui sourient en faisant du topless, tandis que la contre-révolution, c'est moins sexy.
Finalement, la ronde des paysans révoltés est cernée de toutes parts par l'armée, qui les tue d'une décharge de fusils. Les survivants sont appelés à renier leur serment, mais il y a toujours quelqu'un qui se souvient et poignarde ces traîtres (le joueur de vielle, aussitôt après exécuté). Le dernier plan montre une des femmes leaders de la révolte, en rouge, armée d'un révolver enrubanné de rouge, tirer à la nuit tombée sur des silhouettes de soldat, puis élever son arme vers le ciel. La révolution vaincra.
Le film donne très peu de contexte historique, et chaque personnage incarne un concept (la réaction religieuse, la tentative de compromis, etc...). Dès la première scène, le film se place sous le signe de la musique : quasiment chaque scène est rythmée par une chanson populaire à message révolutionnaire. J'imagine qu'elles ont été puisées dans le folklore, et que Jancso donne à son film un caractère de conservatoire de cette culture. On a ici une vision marxiste de l'histoire, qui se focalise sur les masses populaires et leur degré d'organisation face au capitalisme oppresseur. Le problème est que les répliques qui campent les personnages sont rares et laconiques, et ne jaillissent qu'entre deux chansons, ce qui met rudement à l'épreuve la capacité d'attention du spectateur. N'ayant pas été d'une attention irréprochable, certaines choses me sont passées par-dessus, et la signification de certaines saynettes m'ont échappé. Il faudra que je revois ce film pour m'en faire une impression plus nette, mais c'est un peu problématique à mon sens. Sinon c'est toujours très beau visuellement, encore que les mouvements d'appareil ne m'aient pas non plus renversés comme dans d'autres films de ce réalisateur.
Vu en salle Georges Franju.