"Il y a quelque chose de pourri au royaume de Ichimonji", paraphraser la célèbre citation du Hamlet de Shakespeare pour résumer d'une phrase le Ran (1985) du maître japonais du 7° art, Akira KUROSAWA fait totalement sens.
D'abord il y a l'histoire autour de laquelle vont s'articuler, les différentes intrigues, où vont se développer les alliances et se heurter les trahisons, telle une tragédie grecque ou pièce classique du dramaturge anglais.
Un vieux seigneur du temps du Japon féodal, Taro Takatora Ichimonji fait devant témoins à l'issue d'une partie de chasse, annonce à ses trois fils de ses intentions concernant sa succession. Le benjamin manifeste sa réprobation devant son père, prétextant que cette décision conduira les trois frères dans des luttes fratricides qui auront raison de l'unité du fief. Désavoué par son père qui ne tolère pas la moindre remise en cause de ses décisions, on s'apercevra très vite qu'il aurait été plus avisé de l'écouter.
Kurosawa met en scène une épopée grandiose, les combats succèdent aux alliances fragiles et aux trahisons qui émanent de vieilles rancoeurs font suites des débats passionnés sur les attitudes à adopter. Le vieil homme affaibli qu'est devenu l'ancien puissant chef du fief aujourd'hui en proie à toutes ces dissensions est réduit à errer avec ses derniers fidèles, son fou, son aide de camp et le fils aveugle d'un des précédents seigneur qu'il a naguère occis pour s'emparer du pouvoir.
La mise en scène et la photographie confère à chaque plan une beauté picturale rare, les jeux d'ombres et de lumières réveillent une palette de couleurs à rendre jaloux un peintre, les scènes de cavalcades sont d'une intensité qui n'ont d'égal que la poésie qui s'en dégage.
C'est une oeuvre où les figurants et les décors grandioses contribuent à l'émerveillement, bien plus que ne pourront jamais le faire les images de synthèses qui sont devenues la norme.
Ran est une splendeur qui trouvera sa place parmi d'autres grandes épopées cinématographiques telles Les Dix Commandements (1956) ou Napoléon (1927) ou encore le projet plein de promesses mais hélas à jamais oublié du Napoléon de Kubrick.