La culture asiatique est très intrigante car elle est très différente de la notre. Le cinéma en est une des meilleurs preuves car une bonne majorité des films ne nous laisse pas insensible. Real, de Kiyoshi Kurosawa, est un très bon exemple car les codes de narration traditionnellement établis sont brisés. Le film offre donc une expérience assez étrange car il oscille constamment entre différents genres cinématographiques. Real est un bon film très ambitieux, ce qui en fait sa force mais aussi paradoxalement sa faiblesse.

Il est difficile de dire dans quelle catégorie placer le film. S'il arrive que régulièrement certaines œuvres entrecroisent différents genres, Real a l'audace de s'aventurer dans l'atmosphère des films d'horreurs puis de continuer dans le genre dramatique, en passant par quelques séquences romantiques. Puis il se dit que passer par la case ''film d'aventure'' n'est peut être pas une mauvaise chose, alors que son concept de base est typiquement une approche de science-fiction. Cet espèce d'énorme cocktail possède donc le mérite de nous surprendre constamment et ne nous permet jamais de pouvoir prévoir la suite des événements. Le film est donc vraiment très ambitieux, la trame de base est assez simple : un jeune homme amoureux tente de sortir sa moitié du coma en entrant dans son inconscient. C'est donc une histoire d'amour dont le traitement est assez complexe. Les situations jonglent tout au long du film entre une réalité futuriste et l'univers étrange des rêves et de l'inconscient. Certaines idées visuelles de Kurosawa sont très impressionnantes, on peut prendre pour exemple le plan de la ville lorsque les couleurs s'élèvent au ciel, ou encore le moment où Koichi enlace Atsumi et que cette dernière s’effrite doucement car elle n'est qu'une projection. Ces plans parmi d'autres sont d'une beauté très appréciable, l'ambition artistique du film est clairement très importante et fonctionne très bien. Même les plans sur les cadavres sont terriblement beaux. Cette ambition artistique et cette volonté de transgresser les codes de narration traditionnels sont très récurrents dans le cinéma asiatique, on peut citer dans d'autres genres plus spécifiques les films de Miyazaki, Lady Vengeance de Park Chan-Wook ou 2046 de Wong Kar-Waï pour ne citer qu'eux.
Nous pouvons donc dire que Real est un film sur la création artistique avec ses vertus et ses complications. Se basant sur la réaction habituelle de chaque créateur exigeant qui ressent le désir de se défenestrer dès qu'il est à court d'idées, la remise en cause du talent et le doute qui s'installe progressivement est bien retranscrite. L'appartement de Hoichi et Atsumi est symbolique de l'univers personnel d'un artiste lorsqu'il est en pleine phase de création : il est dans son propre monde et la réalité extérieure n'a plus vraiment d'importance, métaphorisé dans le film par un épais brouillard effrayant pour Atsumi. Et parallèlement, Real est un hommage à l'art à travers la tranquillité et l'amour porté par Atsumi à ses œuvres, clairement significatif lorsqu'elle dit qu'elle « se sent vivante lorsqu'elle dessine » et « ne ressent plus rien lorsqu'elle s'arrête ».
Et pourtant tous ces éléments qui offrent une grande richesse au film sont un peu dénonciateurs de sa faiblesse. Car à force de brasser différents genres, on ne sait plus vraiment à quoi se raccrocher et à identifier ce que l'on est en train de voir. Alors est-ce que c'est dû à un choc des cultures ou tout simplement à une confrontation face à une œuvre relativement originale ? Le fait est que nous faisons face à un film assez déstabilisant mais ce n'est pas une mauvaise chose. Nous pouvons reprocher à Real la maîtrise de son rythme : l'histoire ralentit quand elle doit accélérer et inversement lance un sprint quand on désire qu'elle prenne son temps. On peut noter certaines longueurs au milieux du film et c'est précisément dans ces moments là qu'on voudrait ressentir un basculement. Ce dernier arrive trop tardivement mais cependant il a le mérite de bifurquer le film dans une autre dimension. Et justement lorsque les domaines du réel et de l'inconscient sont subtilement mélangés, on aimerait que le réalisateur s'y attarde un peu plus afin que l'on perde nos repères spatio-temporels et soyons embarqués dans une direction incontrôlable. Le film possède quelques tournures scénaristiques dont on peut reprocher la facilité, notamment le retournement de situation du film ou le moment où Atsumi arrive à convaincre en trois mots les médecins qu'elle peut encore sauver Hoichi alors que ce dernier vient de mourir.
Real est un film très audacieux, il n'hésite pas à brasser différents genres et à proposer un univers visuel très riche. De ce fait, le film est constamment surprenant mais possède un scénario trop inégal. Cependant, cette œuvre est intéressant car elle pose la question de la barrière culturelle : le traitement est-il trop original ou est-ce simplement une question d'habitude ? Si la réponse ne sera jamais vraiment établie, le cinéma asiatique sera toujours un cinéma déroutant pour notre plus grand plaisir.
Poupart
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le 2 avr. 2014

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