Outre sa force historique notoire, immortalisant un temps révolu, outre sa valeur anthropologique, reflétant les pratiques culturelles, croyances, structures sociales et comportements humains d’une époque et d’une société disparues, Regain bénéficie d’un verbe solaire, humain et tellurique à la fois, grâce au talent combiné de Pagnol et de Giono.
Pourtant, adapter Giono au cinéma n’est pas une tâche aisée : comment retranscrire ses images, ses synesthésies, sa sobriété et sa profondeur ? Pagnol a beau s’appuyer sur le texte originel et suivre fidèlement son récit, il faut avouer que la poésie du roman perd de sa vigueur et de sa grâce. Certes, il ose quelques plans élégants, comme celui, symbolique, où les deux amants convergent leurs semences, néanmoins il lui manque une certaine créativité et une connaissance plus approfondie de la mise en scène pour réussir son pari.
De plus, chez Pagnol, les personnages parlent trop : au minimalisme et à la profondeur de Giono se substituent parfois un bavardage de café, ponctué de l’universalisme poétique de Giono, certes, mais pas toujours bien mis en valeur. La discussion entre Panturle, Lamoureux et sa femme par exemple, quoique embellie par des saillies pleines de sagesse paysanne, est assez lourde, redondante, presque pathétique - et de plus mal jouée par Henri Poupon qui campe Lamoureux. La même chose pour la conversation entre Panturle (avec un Gabriel Gabrio qui joue mal et dont le faux accent provençal est ridicule) et Gédémus au sujet de l’âne – conversation pourtant centrale.
Soit, la magie de Giono perce, malgré tout, la mise en scène et l’adaptation plutôt grossières de Pagnol.
7,5/10