C'est le genre de premier film par lequel son auteur semble avoir rêvé d'apparaitre le premier de sa classe et un auteur reconnu dès sa première tentative. Obsédé par la pseudo-profondeur de ses personnages et par l'apparente originalité de sa mise en scène, Jacques Audiard en oublie tout simplement de raconter une histoire intéressante. Gros plans de visages, cadrages étriqués, couleurs sombres, toute l'artillerie esthétisante et emphatique du film douloureux y passe, à peine égayée par les quelques instants fantaisistes entre Trintignant et Kassovitz. La solitude et la marginalité des personnages ne sont exprimées qu'à travers des artifices de mise en scène et, en définitive, ce polar sans ressort ne suscite ni émotion ni suspens. Les déambulations de Jean Yanne, parallèlement au duo sus-nommé, perdent, à cause des partis-pris affectés du metteur en scène, le peu d'intérêt humain et psychologique qu'elles impliquent. Le regard "humaniste" porté sur des gens ordinaires ou considérés comme tels n'est déjà plus, dans le jeune cinéma français, qu'une démarche banale. Cela donne envie de revoir des Rohmer, lequel, pour ne citer que lui, pour étudier les comportements et les caractères, n'a jamais soumis, lui, son récit et ses personnages aux artifices prétentieux de la technique.