Déconseillé aux personnes qui n'ont pas vu le film. La version qui n'en dit pas trop ici > http://www.sueursfroides.fr/critique/requiem-pour-un-massacre-2695

En 1943, dans la campagne biélorusse, Fliora est un jeune adolescent qui quitte son village natal pour s'engager chez les partisans. Ignorant l'ennemi et la guerre de par son âge, il va traverser un chemin de croix bouleversant profondément ses valeurs humaines.

Initialement, Elem Klimov voulait titrer son film « Tuer Hitler » en ne désignant pas Adolf mais le Hitler qui est en nous. Déconseillé par la production car le nom du dictateur aurait été trop peu vendeur, le film fut titré IDI I SMOTRI, en référence au chapitre 6 de l'Apocalypse selon Jean. Repris littéralement VA ET REGARDE pour la sortie en salles en France, le film sera ensuite vendu sous le titre REQUIEM POUR UN MASSACRE, d'abord en VHS par l'éditeur Choc, et en DVD par Potemkine.

Inspiré des propres souvenirs du réalisateur apportant son témoignage, le film retrace le parcours du jeune Fliora qui découvre l'horreur humaine en pleine guerre. Il avoir quitte sa famille, rejoint un groupe de partisans et rencontre une jeune fille nommée Glasha avec qui il noue une relation d'amitié. Le film évolue avec l'arrivée progressive de l'ennemi. Entièrement du point de vue de Fliora, celui-ci est d'abord montré par juste un avion haut dans le ciel, tel un aigle fixant sa proie. C'est par la suite que les premières attaques se font par des bombardements, un village retrouvé massacré et des tirs à balles traçantes. Les sentant de plus en plus proches mais toujours invisibles pendant longtemps, le film prend son véritable climax par l'apparition des soldats allemands, et marque un véritable tournant moral pour son personnage principal et le spectateur.

Projeté au festival Hallucinations collectives 2013, et tourné en 4:3, le film dégage la véritable puissance d'un cinémascope. Nous donnant une profondeur de champ où l’on voit le paysage et l'horizon au-dessus d’un visage, on ressent toute l'oppression des personnages dans cet environnement isolé, ne montrant aucun autre signe de vie que le conflit présent. En prenant l’unique position de Fliora, la nature cache l'ennemi et représente constamment une menace en elle-même. Les attaques se font de plus en plus proches, et l'atmosphère de plus en plus pesante. Les actions peu perceptibles et environnantes sont inconnues pour le jeune garçon, l'ambiance en est mystérieuse et fantastique. Le climat inhabituel iconisé, on découvre y découvre avec Fliora des images peu compréhensibles au premier abord. Un épouvantail d'Hitler, des tirs à balles traçantes tuant une vache, son village retrouvé sans vie, autant de choses macabres qui lui sont insoupçonnées. C'est avec la découverte de l'ennemi en chair et en os et un massacre non suggéré que le film marque le point de non-retour pour le personnage.

Et le réalisme est bien un point qui ne manque pas à REQUIEM POUR UN MASSACRE. Le tournage ne manque d'ailleurs pas d'authenticité. Bombardements et tirs réels sur animaux, véritable traversée du marais où l'acteur se débat pour ne pas se noyer, le film va jusqu'à faire apparaître de réels survivants des brasiers de l'époque. Le spectateur a beau connaître les faits historiques, c'est une redécouverte de par son angle de vue rare. Le moment du massacre est le plus intense du métrage. La violence se fait frontale et tourné à hauteur humaine, c'en est d'une immersion rarement ressenti dans un film de guerre. Renforcé par le point de vue interne, cette immersion nous fait ressentir ce massacre de façon viscérale et nous fait témoin, à notre façon, des évènements. Le temps semble s'arrêter à quelques instants pour s'attarder sur certaines personnes, allemandes et biélorusses, victimes et filmées lors de gros plans, montrées comme témoins. Et comme les souvenirs du réalisateur décrits par lui-même, c'est l'Apocalypse qui est recrée ici, du massacre en lui-même à la notion de témoignage.

Il y a clairement deux parties dans ce film : avant et après le passage de l'ennemi. Et de nombreuses images marquantes se trouvant au début ont leurs doubles par la suite. C'est tout d'abord avec le plan magnifiant les deux sœurs jumelles. Elles sont ensuite représentées, dans un plan similaire, par deux poupées couchées sur le sol pour suggérer leur mort. Quand Fliora voit pour la première fois les soldats allemands, qui n'étaient jusqu'ici représentés que par leurs actes, ce sont les ressemblances avec les partisans qu'il remarque. Les expositions des deux groupes présentent les mêmes caractéristiques. Et celles des partisans en début de film trouvent donc leurs équivalents chez l'autre groupe. La tenue, les moyens, la prise d’une photo de groupe, la camaraderie et même la présence d’une jeune fille blonde ressemblant étrangement à Glasha, les ressemblances créent la confusion chez Fliora et bouleversent ses valeurs humaines. Suite à ça, celui-ci comprend les enjeux et l'ampleur des partisans, et sa traversée dans la nature est parsemée de victimes de chaque camp.

L'ambiguïté abordée par ces parallèles aura son paroxysme jusqu’à faire l'analogie entre Fliora et Adolf Hitler enfant. Jusqu’à expliciter une certaine ressemblance physique, un montage fait ce rapprochement qui montre les images du dictateur, derrière tout ce qu'il symbolise, de plus en plus jeune. Et alors qu’il n’était jusque là considéré par un épouvantail fabriqué à partir d’ossements, il prend ainsi vie contrairement à la population biélorusse que l’on voit dans le film, et au visage de Fliora qui se décompose progressivement. Ce montage en confrontation avec le jeune garçon donne tout son sens au titre voulu par Elem Klimov, montrant la profonde nature humaine qui rejoint deux personnages radicalement opposés. Mettant tout le monde égal à égal, REQUIEM POUR UN MASSACRE marque la fin de l'innocence de Fliora et remet en question chaque personnage, voire le spectateur.

REQUIEM POUR UN MASSACRE est un film incroyablement abouti sur ses thèmes de la complexité et de la barbarie humaine, son réalisme écrasant tout autre film de guerre, et aussi sa narration interne de son personnage halluciné. Tout le film et l'évolution de ce dernier se suivent avec l'image. De part ce récit visuel, il est difficile de le raconter à ceux qui ne l'ont pas vu. Avec le langage cinématographique et sans recours à des dialogues pour épauler le fond, le film est peu facile à décrire et est un très grand exemple de la puissance de l'image, irremplaçable même par des milliers de mots. Un coup de poing rare et que l'on ressent de façon viscérale et aux images à voir absolument au cinéma.
Siry
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Label Paul Siry, Extrême cinéma 2010: Inferno, La Nature destructrice, Vus sur grand écran, hors du contexte d'une sortie en salles et

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le 20 mai 2013

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Siry

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