La communauté de Basse-Bavière ou se déroule l’action a son lot d’exclus : mais la prostituée du village est trop indispensable, les travailleurs turcs trop discrets, l’infirme trop inoffensif, le hippie trop peu différent, l’idiot trop à part pour faire les frais de l’intolérance des gens respectables : ils se rabattront sur Abram, anti-fils prodigue dont le retour ouvre le film. A-t-il vraiment été en prison, préfère-t-il vraiment les hommes, comme le dit la rumeur ? On n’en saura rien. De toute façon, comme l’affirme sa propre mère, « Ça compte, ce que disent les gens ». Il n’y a même que cela qui compte.
D’ordinaire, je ne soutiens pas qu’une fiction doive susciter chez son public de l’empathie pour ses personnages : ça peut mener à la recherche du film le plus "sympa", du héros auquel on s’"identifie" le plus, et on se retrouve à préférer "Bambi" à "Apocalypse Now", "Harry Potter" à "Voyage au bout de la nuit" — ce qui, passé l’âge de dix ou douze ans, me met mal à l’aise. Dans "Scènes de chasse en Bavière", film en noir et blanc très noir, Peter Fleischmann semble avoir consciencieusement tué dans l’œuf la moindre velléité de compassion. Même pas les gamins pour donner le change… Ne parlons pas de la victime elle-même.
Le film est bien construit, bien filmé, bien joué, pas mal dialogué, riche de bien des interprétations. Ça pourrait être du Haneke, quoique Haneke soit plus joueur. Ça se finit, logiquement, dans la bière et l’hypocrisie, sans qu’on sache ce qu’est devenu Abram. C’est que ces "Scènes de chasse" sont avant tout une ambiance, les personnages — tous — n’étant que des faire-valoirs, comme les choristes de cette ambiance.