Apocalypse Ñow
Ce qui fait de Denis Villeneuve, depuis maintenant quelques années, une véritable valeur sure du cinéma nord-américain, c’est qu’il est tout sauf un pur produit hollywoodien. Prisoners n’était pas...
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Ça y est. Maintenant chaque film de Denis Villeneuve devient un petit évènement pour moi. Après les bonnes surprises Enemy et Prisoners, et les chefs d’œuvres Premier Contact et Blade Runner, regarder un de ses films c'est potentiellement se faire un gros dossier. Et c'est le cas ici.
Sensibilité
Il y a une constante dans le travail de Villeneuve, c'est la qualité d'écriture de ses personnages. Ils sont toujours très justes, pas nécessairement très élaborés, mais ils transmettent juste ce qu'il faut de leur caractère à travers leur sensibilité pour que l'on développe une vraie empathie pour eux. Et je ne dis pas sympathie parce que justement nous ne sommes pas forcément 100% en accord avec eux tellement ils sont sur la brèche: ce sont des personnages qui mettront à l'épreuve leurs limites, morales ou psychologiques, et dont les choix pourraient parfois nous paraître mauvais (Prisoners et Premier Contact, notamment), pourtant ces parcours sont cohérents, et on peut les comprendre sans forcément adhérer. Ceci grâce à la juste distance proposée par Villeneuve qui sait capter la sensibilité de ses personnages sans jamais faire du pathos, faisant de nous les témoins privilégiés de la vie de ses héros, et non des complices.
Si bien que dans Sicario on ne peut que respecter la rectitude morale de Kate Macer (superbement interprétée par Emily Blunt), sa volonté d'agir "by the book", c'est à dire de respecter le droit, car elle trouve inadmissible de s'octroyer le droit de tuer, la fin ne justifiant pas les moyens. Et en même temps nous avons le personnage de Alejandro (joué par un incroyable Benicio Del Toro, à la fois charmant et glacial), cet électron libre à la fois expert et homme de terrain au profil flou, qui sera le bras armé de ces méthodes expéditives, motivées par un désir de justice
et de vengeance
, compréhensibles dans leur volonté d'endiguer la violence systémique, mais bien sûr choquantes.
Frontière
Cette ambivalence sert un des thèmes du film, à savoir la frontière entre la morale et la justice. une zone floue que l'on retrouve aussi dans l'aspect géographique, car nous sommes baladés dans ce désert de la frontière Américano-mexicaine, où un bon flic père de famille travaille aussi pour un cartel, et où les lois contre le narco trafic sont plus permissives que sur le territoire US, comme l'apprendra Kate Macer.
C'est donc une certaine photographie du monde de la lutte contre la drogue, ou le système mafieux plus globalement, comme avaient pu le faire Soderberg avec Trafic et Mann avec le sous-estimé Miami Vice, où le combat contre le mal transforme les justes en monstres de cynisme, véritable lutte s'apparentant à une guérilla urbaine, ou comment vaincre le mal par le mal.
Un cinéma à la fois sensible et grand public, avec une mise en scène efficace mais qui reste discrète, toujours au service de son sujet et de ses personnages (l'exact opposé d'un The Revenant de Alejandro González Inárritu, par exemple), loin du spectaculaire attendu et pourtant pétri d'une tension qui prend aux tripes. Villeneuve, un des meilleurs réalisateurs contemporain, assurément.
Mon avis sur Prisoners
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Créée
le 4 nov. 2018
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