"Il faut n'être qu'un pauvre prêtre pour connaitre l'effroyable monotonie du péché."
Il a sans doute fallu à Pialat un certain courage pour se lancer dans un projet d’une pareille envergure. Tout, a priori, l’éloigne de ce sujet, son propos comme son cadre, son époque comme ses implications esthétiques.
C’est un film âpre et austère, profondément littéraire et dont les enjeux philosophiques sont assez ambitieux. Personnellement, j’ai toujours du mal avec le mysticisme et les débats théologiques, et le rejet des notions de salut, de bien et de mal s’est tout naturellement aussi tourné vers les propos du film, qui me laissent au mieux indifférent, au pire me hérissent. Le débat initial entre les deux prêtres, Pialat et Depardieu, est cependant prometteur, car il met aussi en scène une lutte sociale, entre l’érudition semi bourgeoise et l’homme rustre, authentique mais maladroit dans sa foi. Sur le même principe, le personnage de Mouchette, (Bonnaire toujours aussi fabuleuse sous la houlette de son maître) provocatrice et dévastatrice, dévoile la faiblesse des hommes et leur gout pour une chair, une incarnation absente des saintes écritures.
On ne peut cependant, en dépit d’une grande distance par rapport aux enjeux du récit, ne pas apprécier le travail plastique de l’image réalisé par Pialat. Aussi austère que son propos, la photographie en clair-obscur, le cadrage carcéral sont superbement étudiés. Les rares scènes d’extérieur, dans une campagne verdoyante, semblent sortir des plus belles prises de vues de Barry Lyndon (et annoncer l’épaisseur fantastique de la terre dans les films de Bruno Dumont) : sans véritable lumière, cadrée par des arbres décharnés, tout est splendide. La fin du film progresse ainsi vers une picturalité de plus en plus forte, pietà blafardes et visages transfigurés. Cette beauté à elle seule justifie le visionnage d’un film certes rude, mais dont la concomitance de la forme et du fond est une véritable réussite.
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