Etant donné le sujet du film, je m'attendais à voir la pléthore de seins et de fesses nus, ainsi que des adulescents totalement bourrés et cokés. Si j'ai fini par le regardé, ça parce qu'on m'a répété bien souvent "Mais non, ça n'a rien à voir avec ça". Alors bien sûr, on en voit ; un peu seulement. Forcément, c'est le contexte, montré à l'écran comme un clip de rap explicite. Pourtant, le film ne tourne pas autour de cela. Spring Breakers ne parle même pas du Spring Break, ce n'est que l'élément perturbateur, le moment charnière où le non-destin de quatre filles va être provoqué.

Car ce film parle de la jeunesse actuelle, des no future 2.0 qui s'attristent de leur triste sort de pauvres sur leurs tablettes derniers cris. Il parle de la jeunesse qui s'ennuie et qui passe son temps à tenter de fuir la réalité à l'aide d'alcool et de drogues. Il parle de la jeunesse en suspend avec brio : pas de linéarité, nombreuses voix off, ralentis, répétitivité, samples qui résonnent, musique hypnotisante (soit un excellent montage, une excellente photographie, et une excellent musique). C'est le meilleur moyen de représenté une vie qui échappe à ses protagonistes parce qu'ils n'en veulent tout simplement pas. Et alors, comment peuvent-ils s'en sortir, ces enfants oubliés ?

Par le rêve américain et son outrance matérialiste. James Franco, en génial petit gangster, montre aux filles ses parfums et ses caleçons de marques. Il en est si fier ! Le rêve américain... C'est aussi les armes bien sûr... Avec des cagoules roses sur lesquelles sont cousues des licornes bleues : tout le ridicule de cette Amérique mis en exergue sur l'affiche : "Spring Breakers" se retrouve dans ces gangsters-minettes qui se font insulter à longueur de temps et qui trouvent ça cool. Ce film est une critique au quinzième degré sur l'Amérique. Pas étonnant quand on sait que Korine a aussi réalisé Gummo. Son rêve, ses armes, sa religion et surtout, l'incompatibilité, le paradoxe de toutes ces caractéristiques.

Le point le plus puissant de ce film, son paradoxe le plus fort est comment il a été vendu : "Venez voir le cul de quatre bonasses sur un écran, avec des armes et de la drogue ! Venez vous branler au ciné !". "ET NON HAHA ! BANDE DE PERVERS ! VENEZ VOIR LA CRITIQUE DE QUI VOUS ETES VRAIMENT !", forcément que ça ne pouvait être apprécié à sa juste valeur. Je me demande même si faire jouer ces rôles aux trois filles (sans compter la femme du réalisateur) n'est pas la même embrouille que lorsque Gainsbourg a fait chanter les Sucettes à France Gall...

"Spring Break Forever" répète James Franco, alors qu'il qualifiait lui-même cette période de l'année comme la pire au monde pour lui. Alors, pourquoi veut-il qu'elle s'éternise ? Peut-être parce qu'il n'y a pas d'autre avenir possible que celui d'un monde déchu, insensé, inexplicable, illogique, atroce. A l'image de la dernière scène.
EdouardWDebbie
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le 22 juil. 2014

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