L'habit ne fait pas la nonne
Quand Park Chan Wook s'accoquine avec les États Unis pour un essai outre Atlantique, il n'y va pas avec le dos de la cuillère et ne se laisse pas aller à affadir ses thématiques pour faire du consensuel. Le coréen possède son panache et l'insuffle en grandes pompes à son nouveau film, n'en déplaise aux âmes sensibles qui ne le connaîtraient pas. En s'appropriant un script tortueux d'un auteur inattendu, il permet à ses premiers pas ricains de frapper fort, de frapper en tout cas comme il tente de le faire depuis ses premiers films, avec vigueur et audace, que ce soit par sa mise en scène ou ses histoires peu communes.
Stoker rappelle d'autres films qui dérangent par leur analyse de la nature humaine qui n'est pas commune. On pense à Pasolini qui s'amusait lui aussi à faire éclater la cellule familiale en y insérant une tierce personne dans théorème par exemple. On pense aussi à la récente série Dexter qui s'intéressait à la domestication des envies de meurtres d'un tueur en série, thème central du film qui nous intéresse. Mais s'il convainc autant, c'est avant tout grâce à la fougue dont fait preuve Park Chan Wook dans sa mise en scène. En plus de mettre sur pied des ambiances lumineuses à tomber, l'homme tente, en permanence, d'apporter à l'image une valeur ajoutée par des placements caméra subtiles. Certes son traitement peut par moment sembler too much, mais il contribue par son côté très créatif à développer le personnage presque fantastique incarné avec beaucoup d’aplomb par la jeune Mia Wasikowska. Associée à l'excellent Matthew Goode, ils tirent littéralement le film vers le haut.
En bref, Stoker porte la marque des grands films, d'une part parce que son sujet peu commun ne sombre jamais dans un déroulement uniquement fait pour choquer, d'autre part parce qu'il est servi par une palette d'acteurs dirigés avec précision et mis en scène avec beaucoup de savoir faire. Park Chan Wook prouve une nouvelle fois qu'il est homme à suivre sa voie, n'en déplaise à ses détracteurs. En tout cas, saluons-le pour avoir réussi à imprimer aux états unis sa marque de fabrique sans se faire bouffer intégralement par des enjeux financiers qui anéantissent généralement les esprits trop marqués par leur univers.