The Brutalist était annoncé comme le messie. Le retour du cinéma jusqu'au boutiste. Le come back du cinéma américain ambitieux et gargantuesque. Sur l'affiche 4 journaux différents semblent avoir entonné en coeur "MONUMENTAL".
Je badge donc mon pass :
- il y a un entracte de 15 minutes au bout d'1h40 et ensuite il reste 1h30 de film, me dit l'ouvreur.
- Même pas peur ! lui réponds l'éminent cinéphile que je suis, prêt à tout pour vivre un grand moment et braver l'oeuvre MONUMENTALE avec courage et honneur.
Pas de réponse de l'ouvreur qui n'a aucune envie de créer du lien avec ma personne. Je viens à peu près tous les 4 jours chez lui depuis 3 ans, ce mec ne m'a jamais adressé la moindre once de sympathie. On fera sans.
Dès le premier plan du film, la forte musique, les bruits constants qui s'apparentent à une horloge qui tourne et le final sur la statue de la liberté à l'envers, je sens le MONUMENTAL emplir la salle d'une odeur réconfortante.
La première partie est en effet très réussie, l'arrivée aux USA, le premier accueil, les premiers écueils, on est rapidement happés dans le récit d'un génie qui doit tout reconstruire. Une fois la première brique posée avec la bibliothèque, on sent l'ambition monter et on frétille d'impatience de voir où ça nous mène. Hormis l'énorme fashion faux pas de faire une bibliothèque où on ne voit pas les livres, cette première partie est un délice. On pense évidemment à There Will Be Blood dans sa capacité à retranscrire une ambition démesurée et un projet destructeur.
Malheureusement, si le souvenir du film se fait ressentir à chaque scène, il va être encore plus difficile de s'en détacher et carrément impossible de surpasser un film qui pour moi est un des chefs d'oeuvres du XXIème siècle. (PTA j'ai hâte de toi et moi cet été <3)
La deuxième partie n'arrive pas à la hauteur des attentes. On s'égare dans des histoires et l'on n'arrive pas à garder un cap bien clair sur ce qu'on veut raconter. Même dans l'horreur, on a bien du mal à se sentir impliqué et atteindre ce sommet du 7ème art que l'on nous avait promis. Manque d'esprit Kaizen pour ma part. L'exemple le plus flagrant est l'épilogue sans aucun sens et ni lien avec le reste. Comme pour nous dire "on avait beaucoup d'ambition, on voulait faire un film de 6h avec 3 entractes donc y'a pas tout". On soulignera tout de même la force des comédiennes et comédiens, Adrien Brody comme d'habitude mais aussi Felicity Jones qui relève cette seconde partie.
Finalement, The Brutalist et le propos du film se rejoignent. Une trop grande ambition qui mène à une trop grosse attente. Mais face à ces envies démiurgiques, le commun des mortels se casse les dents et le projet est revu à la baisse. On espère toutefois revoir Brady Corbet dans d'autres projets pour qu'il puisse continuer de faire honneur à un cinéma d'ambition qui disparaît.
(Petit coup de foudre avec l'entracte au cinéma : tout le monde sort le gros dwichos et s'échange de timides regards au milieu de cette étrange aventure de 3h30. Il m'a semblé croiser le regard d'une personne familière dans la salle, lui non plus ne m'a pas calculé. En plus d'être un éminent cinéphile, je suis apparemment invisible.)