Nobody gets married on halloween
Avertissement : j’écris cette critique sans avoir revu le film, en grande partie me basant donc sur les images qui se sont ancrées en moi, les musiques qui les accompagnent, quelques dialogues qui m’ont marqués, quelques souvenirs épars de sensations éprouvées alors, ainsi que quelques recherches complémentaires pour me remettre en mémoire tous les noms des protagonistes. Vous êtes donc en droit de penser que cette critique se trouverait modifiée par une nouvelle lecture du film.
Avertissement (2) : je vais réellement écrire sans filet, après avoir constaté que le Wikipédia du film est erroné de façon grossière (j’ai soumis une modification, car même après des années je me souviens que le chef de gang se fait appeler Top Dollar et non pas Top Dog comme j’ai lu avant mon passage…). (Note : ok, mauvaise source que Wikipédia, de toute façon, vous avez raison).
Basée sur d’anciens souvenirs ou sur un visionnage récent, la critique de cette œuvre me semble quoi qu’il en soit compliquée, notamment en raison de l’extinction en cours de tournage de la possible / probable future étoile Brandon Lee. Suis-je d’ailleurs moi-même en train de faire ressurgir plus de sentiments que de raison en citant cet événement d’emblée ? Difficile de faire autrement. Je me souviens d’ailleurs que certains détracteurs du film avançaient à l’époque (je me fais l’impression d’être un vieux crouton, là, note pour plus tard, dernière utilisation de « à l’époque ») que c’était la mort de Brandon Lee, et seulement sa mort, qui rendait le film intéressant.
Je ne suis pas de cet avis, le film regorge de qualités que l’apparent traitement simpliste des thèmes centraux ne doit pas occulter. Attention, je ne dis pas que le scénario est très fouillé, mais que le traitement du thème n’est pas si simple qu’il en a l’air. Le personnage central est lui aussi plus complexe et il évolue à mesure que sa vengeance s’accomplit, nous y reviendrons.
"People once believed that when someone dies, a crow carries their soul to the land of the dead. But sometimes, something so bad happens that a terrible sadness is carried with it and the soul can't rest. Then sometimes, just sometimes, the crow can bring that soul back to put the wrong things right."
L’entame (par l’entremise de Sarah, petite fille amie du couple défunt et future lien terrestre et humain de l’âme de Draven) pose les choses de façon claire : tristesse, vengeance, justice… tout en apportant le postulat de départ et le lien entre l’âme d’Eric et le corbeau. On y trouve également un élément important qui peut être facilement occulté : c’est bien le corbeau qui choisit d’emporter ou non l’âme au royaume des morts. On retrouvera dans le parcours d’Eric cette idée qu’il suit un appel et qu’il n’est pas libre d’aller où bon lui semble.
Tristesse, vengeance, justice, donc. Ne manque pour moi que l’amour obsessionnel, romantique (le vrai, au sens premier, le romantisme de Byron et des poètes maudits, celui qui implique souffrance et noirceur, oui, voilà, celui-là !) pour introduire l’histoire. Mais faute d’être clairement exprimé dans l’entame, ce romantisme transpire néanmoins durant tout le film, peint en noir, blanc et rouge. Un coup d’œil rapide pourrait amener à simplement parler de « gothisme », et cela ne serait pas faux car le film est effectivement gothique, mais cela serait incomplet, plus précisément la dimension émotionnelle ne serait pas complète. Un raccourci pourrait être de voir le noir et blanc comme la marque gothique et le rouge comme celle des émotions et donc du romantisme. Aller, prenons ce raccourci, il ne me gêne pas outre mesure.
Pour obtenir cette photo que je juge pour ma part fort convaincante, l’image saisie par la caméra de Alex Proyas (dont j’aimerais plus tard le travail sur Dark City) est passée à travers différents filtres, différentes lumières sont ajoutées ou enlevées, la plupart de ces effets privant notre pupille du vert, du bleu et de toutes les nuances de couleurs froides. La pluie perpétuelle sur la ville achève de nous donner ce qu’il faut de glauque et de triste pour aborder l’histoire de la vengeance d’Eric Draven dans les « bonnes » dispositions. Dans le registre du visuel, n’oublions pas les plans en « caméra objective depuis les yeux du corbeau » qui nous donnent un angle de vue complémentaire à celui d’Eric et une vue d’ensemble de cette suintante ville, et le travail sur les costumes / habits des protagonistes qui sont une grande réussite ! Malgré quelques effets moins réussis (je ne crois pas que le film bénéficiait d’un gros budget après tout), la direction artistique est globalement extrêmement soignée et cohérente, un travail remarquable selon moi.
Les musiques de Pantera, Rage Against The Machine, The Cure, et d’autres, viennent rythmer la progression sanglante d’Eric et appuyer encore un peu plus la noirceur de l’œuvre. J’avais acheté la bande-originale à l’ép… euh… après avoir vu le film et je crois qu’avec son soutien j’aurais pu écrire 1000 poèmes tourmentés si seulement j’avais pu réussir à me mettre à l’absinthe (je plaisante, ne prévenez pas mes parents ou mon agent de probation). Un très bon point pour la production en tout cas, totalement en phase avec le gothisme / romantisme dont je parle plus haut.
Enfin je trouve un certain charme à la plupart des dialogues entre Eric et ses interlocuteurs. Il me faudra nécessairement m’appuyer sur des ressources du vil internet pour être certain de ne pas citer de travers, pardonnez-moi, amis lecteurs, pour ce manque de confiance flagrant en ma mémoire. Pour des raisons de lisibilité de ma critique, je vais d’ailleurs placer les citations après ma conclusion (je fais ce que je veux, c’est ma critique ! :D).
Au-delà du postulat de départ (le retour d’Eric par le choix du corbeau, mais pourquoi attend-il un an, ce sale volatile, d’ailleurs ? Quel vicelard ! :D), le film a un pied dans le fantastique, Eric semblant disposer de certains pouvoirs. Il apprend ainsi (et nous par la même occasion) qu’il est invulnérable durant son affrontement avec le premier des gangsters, Tin Tin l’adepte des couteaux. Par la suite, Eric accède en plusieurs occasions aux souvenirs d’autrui, ainsi qu’aux émotions. Par l’entremise de l’inspecteur de police, il parvient même à retrouver la souffrance de Shelly durant sa longue agonie, souffrance qu’il restituera… plus tard… Eric est capable également d’extraire le mal qui court dans les veines de la mère de Sarah (voir les citations). Mais à l’instar d’un Dorian Gray, Eric n’est cependant pas sans faiblesse et si le portrait / le corbeau est pris pour cible, Dorian / Eric devient vulnérable.
Il faudra cependant plusieurs affrontements sanglants et victorieux pour Eric, avant que Top Dollar et sa demi-sœur / amante / conseillère occulte (avant même l’arrivée d’Eric, le couple a des penchants à ce sujet qui se retrouvent dans les motivations, et dans leurs habits et accessoires, par exemple une épée pour Top Dollar), avant que le couple, donc, ne fasse le lien et n’entame plus que sérieusement la résistance de notre revenant. Entre temps, le spectateur aura eu son compte de scènes d’actions et de combats à main nue, à l’arme blanche, à l’arme à feu. Le film n’est pas dénué d’humour (noir ?), que ce soit par Eric ou ses adversaire (voir citation de Top Dollar par exemple).
Contrairement à des commentaires lus ici et là, j’ai trouvé que l’inévitable affrontement final n’était pas si malvenu ou si mal orchestré que cela. Il n’est pas épique, certes, et le fan boutonneux (mais pourquoi ce commentaire gratuit ? Tant pis, je garde) de jeux vidéo ne trouvera pas le « boss de fin de niveau » assez… hum… hé bien… boss de fin de niveau, disons… :D pour ma part j’y trouve une conclusion suffisante dans sa dimension émotionnelle et symbolique, par la façon dont cela se déroule, par son adéquation avec le glauque, le suintant de la ville, pour que cela me convienne. Elle aurait pu être encore meilleure, je n’en doute pas, mais elle n’est pas si mauvaise.
En conclusion, et en attendant de revoir le film, peut être… ou pas… je dirais que The Crow est une réussite du film noir et du film d’action et qu’il laisse rarement indifférent. Pour ma part il a laissé une trace forte, chargée en émotions, et j’aime me souvenir de ce qu’il a suscité à sa première vision, que cela doive être remis en cause par la suite m’importe peu car c’est ce genre d’émotion que l’on recherche, parfois très longtemps, lorsque l’on regarde une œuvre cinématographie. Merci Alex, merci Brandon (et merci James O’Barr pour l’œuvre originelle).
Quelques citations d’Eric :
Eric, durant la recontre avec la mère de Sarah : "Mother is the name for God on the lips and hearts of all children. Do you understand? Morphine is bad for you. Your daughter is out there on the streets waiting for you."
Eric, lorsque le policier l’accuse d’avoir tué Tin Tin : "He was already dead. He died a year ago the moment he touched her. They're all dead. They just don't know it yet."
D’autres, de Top Dollar :
Top Dollar, devant ses sbires : "Our friend T-bird won't be joining us this evening on account of a slight case of death."
Top Dollar, après avoir tiré sur Eric : "Quick impression for you: Caw! Caw! Bang! Fuck, I'm dead!"
Top Dollar face à Eric : "For a ghost you bleed just fine."
Enfin 2 de Funboy qui porte bien son nom :D
En découvrant Eric et son maquillage à la Kiss : " You are seriously fucked up. Would you look in the mirror? I mean, you need professional help!"
Après avoir tiré sur Eric : "Bingo! He shoots, he scores!"