Dans un premier temps, on peut saluer l’initiative du distributeur de projeter en avant propos le 1er court-métrage de Damien Manivel, « La dame au chien ». Véritable prémices d’un style dans sa manière d’appréhender un film où il ne se passe rien, le propos tenant à l’attitude des personnages (nonchalance de la Dame et gaucherie du jeune homme) placés dans un réel anodin (ce qui se passe vraiment à l’écran), détourné par l’interprétation que nous en faisons, voire notre anticipation d’une action future que l’on pense voir arriver. Sur un format de 16 mn, cela fonctionne plutôt bien. Pour « Un jeune poète » (1h11) c’est un peu plus discutable. J’entends d’ici les détracteurs portant a hue (et à due aussi) ce film qui tient de l’escroquerie filmique. Ce serait ne pas voir le charme fou qui s’en dégage, être insensible à une forme d’expression pour le moins original et surtout se priver du bonheur de retrouver un environnement rohmerienn revisité. Rémi, une espèce de pierrot lunaire, se voit en poète du XXIème siècle. A la recherche d’une vaine inspiration, il parcourt tel un spectre, la ville de Sète. Si ses rencontres, ses déambulations diurnes et nocturnes, son dialogue (?) avec le poète mort (Paul Valery ? Brassens ?) ne lui donnent que peu d’inspiration, ils participent toutefois à sa remise en question personnelle, et plus généralement, à celle de la poésie. Ce personnage central et autocentré est interprété par Rémi Taffanel (déjà présent dans « La dame au chien »), pâle silhouette longiligne et le cheveu en bataille, il apporte à ce poète en herbe toute la candeur, l’indolence et une certaine grâce à faire pâlir les jeunes auteurs romantiques du XIXème. C’est ce contraste entre cette vision du passé et notre contemporanéité dont se joue Manivel avec beaucoup d’humour et de fraicheur. On aurait aimé qu’il aille plus loin dans sa démarche (la redondance de l’action pèse un peu). Toutefois, son film, dans sa profonde simplicité, se regarde avec beaucoup de plaisir, provoque même par moment une certaine fascination, des qualités rares aujourd’hui dans le cinéma français plus rares encore pour un premier long métrage.