Une surprise au sein du genre essoré du biopic musical est toujours bonne à prendre. James Mangold surpasse largement ce premier essai qu'était Walk the line avec une approche qui brille autant par ce qu'elle fait que par ce qu'elle s'évertue, justement, à ne pas faire.
Exit les tentatives de dissection d'une personnalité insaisissable à grands coups de psychologie de comptoir, dans un geste qui rappellera celui opéré par Milos Forman avec son magnifique Man on the moon où l'Andy Kauffman de Jim Carrey, tout comme le Dylan de Timothée Chalamet, stagnait à l'état d'énigme existentielle du début à la fin du film.
La raréfaction - autant que faire se peut - de pontifiantes et statiques scènes dialoguées, qui parasitent d'ordinaire la grande majorité de ces productions, en est un corollaire bienvenu. Si elle laisse toute leur place aux chansons de l'artiste comme moyen d'expression privilégié de ses états d'âme contradictoires, les titres rivalisent d'ingéniosité dans leur élégante illustration des mouvements socio-culturels de l'Amérique d'alors.
Une certaine séquence, figurant le pic de tension attenant à la crise des missiles de Cuba, en constitue un exemple canonique. Dans un précis de montage d'une étonnante fluidité, Mangold parvient à entremêler organiquement l'évocation d'un contexte politique plus large et la réaction, via le chant et la composition, de Dylan à ces évènements précis.
En d'autres termes, le cinéaste inscrit l'homme dans son environnement et en fait un commentateur privilégié de son époque chaotique, dont l'impact est pensé comme générateur des paradoxes qui habitent un être en perpétuelle recherche de lui-même. Il permet à son œuvre de se concevoir comme un voyage dans une parcelle d'histoire américaine et non pas uniquement comme le portrait réducteur d'une figure majeure de la musique.
Identité nationale et identité personnelle, toutes deux protéiformes, sont ainsi indissociablement liées dans Un parfait inconnu. Sa construction est d'ailleurs pensée comme un très long morceau ininterrompu, aux variations baladeuses qui épousent les humeurs, les états d'esprit d'un pays autant que de son protagoniste principal jamais totalement démythifié, ni à contrario idéalisé. Simplement miroir déformant d'une Nation qui ne sait sur quel pied danser. Grand film.