Un pont trop loin (A Bridge Too Far) est basé sur le livre éponyme de Cornelius Ryan, qui raconte les événements réels de l'opération Market Garden durant la Seconde Guerre mondiale. Voilà 80 ans, jour pour jour, la plus ambitieuse opération aéroportée de la Seconde guerre, bien plus importante que celle du D-Day, tournait au fiasco. Chose surprenante c’est donc bien l’histoire d’un échec qui est ici au cœur de ce nouvel article consacré aux films retraçant l’été 1944.
Une pluie de star pour un projet digne du Jour le plus long
Un pont trop loin est d’abord un film au casting incroyable : Sean Connery, Robert Redford, Michael Caine, Anthony Hopkins, Gene Hackman,Laurence Olivier, James Caan, Edward Fox, Denholm Elliott, Hardy Krüger, Maximilian Schell et bien d'autres encore.
Les moyens mis à disposition ne furent pas qu’humains : le matériel utilisé est dantesque, à l’image des Dakotas décollant des bases britanniques, chargés de leurs parachutistes, des colonnes de blindés en tous genres fonçant vers les ponts néerlandais. Tourné aux Pays-Bas, le film s’inscrit dans la droite ligne du Jour le plus long et, sous une autre forme, dans celle de Opération Bagration.
En résumé, Un pont trop loin est un grand classique du film de guerre, apprécié pour son réalisme historique, ses scènes d'action impressionnantes et son casting exceptionnel. Mais, bien au-delà de ces moyens, ce sont les thèmes du film qui le rendent si important, encore aujourd’hui. Les actions héroïques pathétiques, mais les erreurs humaines, les souffrances des soldats, les conséquences tragiques d'une opération mal planifiée constituent la véritable richesse du travail, admirable, de Richard Attenborough et ses équipes.
Le film suit plusieurs personnages et fronts de cette opération, qui visait à capturer une série de ponts stratégiques aux Pays-Bas pour permettre aux forces alliées d'avancer rapidement vers l'Allemagne. En ce sens le traitement reprend l’approche du Jour le plus long, chaque séquence s’intéressant à un endroit du front, au fur et à mesure que les jours passent.
L’Opération Market Garden
Le film débute alors que les Alliés, galvanisés par la victoire en Normandie, cherchent à écourter la guerre en forçant une percée rapide dans les lignes allemandes. Le plan consiste à capturer plusieurs ponts au-dessus de grands fleuves néerlandais (la Meuse, le Waal et le Rhin) pour permettre une invasion rapide de l'Allemagne. Cette mission repose sur la coordination entre des troupes parachutistes, chargées de capturer et sécuriser les ponts, et des troupes terrestres, qui doivent avancer rapidement pour les rejoindre.
Dans le même temps les Soviétiques ont pulvérisé les lignes sur le Front de l’Est et la crainte monte que l’Armée Rouge déferle sur l’ensemble de l’Europe. Les Occidentaux s’engagent donc dans une course pour une victoire rapide. Les Allemands semblent sur le point de s’effondrer, définitivement.
Une planification qui tourne à la quadrature du cercle
Suivant le texte de Cornelius Ryan, Richard Attenborough met en lumière la planification complexe de l'opération, orchestrée par le maréchal Bernard Montgomery et son état-major. L'offensive combine une opération aérienne (Market) et une offensive terrestre (Garden). Très vite apparaissent des questions : des réserves sont émises par certains officiers alliés, conscients des difficultés. Les Allemands pourraient être bien mieux préparés qu'ils ne le pensent, les ponts pourraient être détruits avant qu'ils ne soient capturés, et la météo pourrait compliquer les opérations aéroportées. L’optimisme cependant l’emporte car il faut l’emporter, et vite. Les Allemands ont perdu la guerre, pourquoi se défendraient-ils avec acharnement ?
Lancement de l’opération
Les troupes alliées, composées des forces britanniques, américaines et polonaises, lancent l'opération en parachutant des milliers de soldats derrière les lignes ennemies. Ces parachutistes doivent sécuriser plusieurs ponts, dont ceux d'Eindhoven, de Nijmegen, et surtout celui d'Arnhem, qui constitue l'objectif final et crucial de l'opération. C’est ce dernier pont qui sera le fameux « pont trop loin ». Les scènes sont incroyables, à l’image de la longue séquence de décollage des avions, en colonnes, après avoir embarqué, pendant plusieurs minutes, les parachutistes britanniques et américains. C’est spectaculaire, la musique pompeuse nous embarque vers une réussite assurée, tant le sentiment de puissance est formidablement mis en scène.
Une opération, des fronts, des histoires
Le film suit plusieurs unités, chacune confrontée à ses propres défis :
Les Britanniques à Arnhem : dirigés par le général-major Roy Urquhart (joué par Sean Connery), les forces parachutistes britanniques doivent capturer le pont d'Arnhem. Cependant, ils se retrouvent rapidement coupés du reste des forces alliées et sont encerclés par des divisions blindées allemandes. Cette partie de l'histoire met l'accent sur la résistance héroïque des soldats britanniques, qui tiennent le pont plusieurs jours malgré des pertes immenses et des conditions désespérées, après avoir atterri à proximité d'un asile de fou. Il est aussi question de stupidité lorsque le ravitaillement par les airs envoie non point des munitions, mais des bérêts. Ceci rappelle furieusement les soldats encerclés à Stalingrad, recevant des pluies de médailles par le ciel.
Les Américains à Nijmegen : les troupes américaines, sous les ordres du major Julian Cook (Robert Redford), doivent capturer le pont de Nijmegen. La traversée du fleuve Waal par bateau est l'une des scènes les plus célèbres et dramatiques du film, illustrant la témérité et les sacrifices des soldats face aux tirs ennemis.
Les Polonais à Driel : Le général polonais Stanisław Sosabowski (Gene Hackman) et ses troupes sont parachutés près d'Arnhem pour soutenir les forces britanniques. Cependant, leur arrivée est retardée par la mauvaise organisation, et ils ne parviennent pas à franchir le Rhin pour rejoindre les Britanniques à temps. Cela met en évidence l'échec de la coordination et les tensions entre les commandements alliés.
Échec de la mission
Au fur et à mesure que l'opération avance, il devient évident que Market Garden a été trop ambitieux. Les troupes alliées sont confrontées à une résistance allemande bien plus forte que prévu. Les Allemands, renforcés par des troupes et blindés SS, repoussent les parachutistes britanniques et détruisent plusieurs ponts. Le film montre le chaos croissant, la confusion dans les ordres, et les retards des troupes terrestres qui ne parviennent pas à rejoindre les parachutistes à temps. Pire, dès le départ, le renseignement était sous les yeux des décideurs, qui n’en tiennent pas compte, assurés de leur victoire finale.
À Arnhem, malgré des efforts acharnés pour tenir le pont, les forces britanniques sont submergées, malgré le « courage des imbéciles » des troupes de Anthony Hopkins, inquiet avant de partir d’avoir le temps de pouvoir jouer au golf.
L'expression « un pont trop loin » fait référence à cette ambition de capturer Arnhem, qui s'avère être un objectif au-delà des capacités des Alliés. La résistance acharnée des soldats britanniques finit par être vaine, et ils sont forcés de battre en retraite, abandonnant le contrôle du pont.
Classique des classiques, Un pont trop loin mérite toujours d'être (re)découvert. Pour une analyse plus approfondie du contexte historique autour du film, je vous propose de retrouver une version plus développée de cet article ici : https://cinehig.clionautes.org/un-pont-trop-loin.html