Dans les années 90, on n'avait pas besoin du tout numérique pour t'envoyer de la surenchère en plein dans la face par paquets de douze. On se permettait quasiment tout. Un pitch totalement improbable devenait en 30 secondes une idée de génie aux yeux des studios, et tant pis si les scénaristes étaient incapables de trouver la pirouette scénaristique qui rendrait le concept crédible.
Voilà donc pour les fondements de Face/Off.
Idée de génie, check : les ennemis jurés qui échangent leurs apparences, voilà un postulat qui donne le vertige tant les implications psychologiques sont potentiellement immenses.
Zéro crédibilité, check : la première heure est narrativement à peine digne d'un nanar, et assène son lot d'absurdités traumatisantes. Le paroxysme de la fumisterie cocasse intervenant lors d'une scène d'opération qui restera dans les mémoires comme l'un des moments de n'importe quoi scientifique les plus chers de l'histoire.
Ca ne vole guère plus haut par la suite, mais à défaut d'originalité et de brio, le film a au moins le mérite de nous placer en terrain connu et de ne pas se montrer trop désagréable à suivre.
Pour tout dire, Face/Off souffle autant le chaud cacao que le froid polaire, capable en l'espace d'un instant de faire preuve d'une malice étonnante puis d'une bêtise ahurissante. De même que John Woo adopte une réalisation aussi esthétique (parfois) qu'esthétisante (souvent), nous gratifiant tout de même de quelques plans mémorables (le reflet du visage décharné de Castor, l'impasse mexicaine face aux miroirs). Mais malgré les clichés et les excès, ses scènes d'action pétaradantes et montées avec métier procurent pas mal de fun.
En tous cas plus que le reste du film, qui ne vaut que par les performances de Cage et Travolta. Même si les deux acteurs n'atteignent pas non plus des cîmes himalayesques, ils apportent une touche de profondeur bienvenue à des personnages exploités de façon trop décevante par le scénario. Et bien qu'on ne sente pas toujours qu'ils incarnent réellement un personnage dans la peau d'un autre personnage, leur duel s'avère suffisamment ludique pour convaincre.
Finalement, malgré tous ses défauts, c'est le premier John Woo que je trouve d'un niveau un tant soit peu acceptable. Face/Off sait aussi se faire aimer pour ce qu'il est : l'un des derniers représentants d'une espèce disparue depuis belle lurette, celle du film d'action ultra-violent à gros moyens produit par une major historique.