Est-il encore nécessaire de faire l'historique de ce Snyder Cut? Une arlésienne comme on en a rarement vu. Quatre années d'efforts et au final un film extrait d'une terre embrasée par les conflits, la rancœur et la perte. Il aura fallu tout l'amour de fans pour que ce projet apparemment trop gros pour les salles se fraye quand même un chemin jusqu'à nos écrans. Zack Snyder n'en demeure pas moins lucide, cette seconde chance ne concerne que cette réunion au sommet. Si plan il y avait en 2016, il n'est pas plus d'actualité aujourd'hui qu'il ne l'était en 2017. Le réalisateur fait donc le choix de tout donner, pour s'assurer que cette mise au point soit finale. Ce qui sera également son erreur...
Format en chapitre, une mini-série en 4 X 1 heure ; il faut avouer que la situation était encore peu claire il y a deux mois. À l'issue de ces atermoiements, il s'agira donc d'un giga-film de 4 heures où Snyder a semble-t-il utilisé tous les rushes laissés de côté par la version salles. D'où le sentiment de malaise quand on constate qu'on obtient l'exact même film d'un strict point de vue dramaturgique. Évidemment, beaucoup de choses se sont greffées sur l'intrigue principale. Mais pour la plupart, il s'agit de séquences étendues sans qu'elles n'impactent réellement sur le récit. Barry Allen/Flash y gagne autant qu'il y perd. Pas gâté par l'écriture, Ezra Miller se voit cantonné à l'humour lourdingue (mon dieu, cet accident de voiture) jusqu'à cette percée inattendue dans la dernière partie. Aquaman et Wonderwoman restent sensiblement les mêmes. Si Jason Momoa conserve du charisme, Gal Gadot me semble peu sollicitée dans le jeu dramatique. C'est dommage, car la comédienne s'en sort bien lors de sa séquence confession. Mais c'est paradoxalement avec son nouveau point fort que cette version souligne des faiblesses qui étaient déjà présentes en 2017.
Avec le temps, Ray Fisher est devenu l'emblème de la résistance menée de front contre les exécutifs de la Warner et Joss Whedon (qui a partiellement mis en boite la version cinéma). Force est de constater que l'acteur avait une bonne raison puisque son Cyborg devient le ressors émotionnel de Zack Snyder's Justice League. Un temps de présence bien supérieur permettant de redécouvrir ce personnage touchant et taciturne. Et rend incompréhensible le choix d'un montage qui déborde de partout (flashbacks à rallonge, épilogues H.S) alors que partir de Victor Stone/Cyborg aurait permis de replacer le facteur humain au cœur du script ainsi que relier les personnages entre-eux. Si le film est plus cohérent esthétiquement, il est presque aussi perfectible que la précédente version sur le plan narratif. Fragilisée par ces deux problèmes (durée injustifiée, structure faiblarde), la version Snyder se heurte à une autre complication...Snyder lui-même.
Personnellement, je suis plutôt client de Watchmen, Man of Steel ou Dawn of Justice (en version longue) en dépit du goût prononcé de leur metteur en scène pour les effets de style. À mon grand désarroi, il a décidé cette fois-ci de se lâcher complètement sur ce point. Ralentis à toutes les sauces, sur-iconisation permanente, obsession du plan tape-à-l'œil ; si on devait occulter les fautes de goût ici, on ferait gagner au moins une heure à cette version longue. Je n'en rajoute pas, les mauvais réflexes du réalisateur barbouillent l'image. Les plans peuvent être beaux, si l'esthétisme écrase l'émotion, il ne reste que du factice. Au mieux cela surligne ce qui devrait être simplement montré, au pire cela ridiculise les situations. Cela devient encore plus problématique quand le spectaculaire est sujet à fluctuations. En dehors de sa bataille finale assez bonne, pas mal d'incrustations hideuses calment les ardeurs. Le constat final évoque une bouillabaisse de pixels, dont les bons morceaux ont du mal à faire oublier les parties les moins comestibles. La bande originale de Junkie XL suit la même trajectoire variable, par moments mélodieuse à d'autres inécoutable.
Le constat final est plus que mitigé, la Zack Snyder's Justice League confirmant autant qu'elle nuance les problèmes de la version salles. Son existence permettra néanmoins de remettre chacun face à ses responsabilités. À mon humble avis, un film aussi ambitieux doit se doter d'une écriture maligne et d'un metteur en scène qui sait trouver l'équilibre entre style et propos. Ce qui manquait à ce projet, manifestement dès le départ.