Après un deuxième épisode ayant placé la barre très haut, un game-director connu pour ce seul jeu en la personne de Kazuhiro Aoyama (moins emballant qu’un Shinki Mikami ou un Hikedi Kamiya à première vue) et un temps de développement plus court qu’à l’accoutumée avec sa sortie originale en 1999, j’ai lancé Resident Evil 3 Némésis avec pas mal d’a priori. Je me disais qu’il n’allait être qu’une suite peu inspirée et peu intéressante en soit mais je voulais quand même voir ça par moi-même. J’ai vu et j’en ressors plus convaincu que ce que je pensais figurez-vous. Je vous propose de voir pourquoi en écoutant le grand classique mais incontournable thème de sauvegarde Free from Fear.
GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10
Si Resident Evil 2 avait repris l’idée d’une campagne à vivre sous différents angles avec différents personnages jouables en améliorant ce qui avait déjà été fait, une seule campagne est disponible pour ce Resident Evil 3. Qu’il ne soit pas bien audacieux sur ce coup-là fut l’un de mes premiers a priori. C’est tout de même à nuancer puisque la campagne propose ici une petite feature inédite : des choix à faire modifiant légèrement la séquence de jeu à venir, c’est plus des choix ludiques que scénaristiques mais c’est tout de même intéressant et facteur de rejouabilité, mais surtout il y a d’autres choses à se mettre sous la dent.
Ce troisième volet comprend plein de nouveautés très appréciables et un peu sous-estimés à mon sens. Si les bidons explosifs sont un cliché vidéoludique récurrent, ce n’est qu’avec cet épisode qu’il se démocratise dans la saga, ça donne quelques phases très amusantes et ça se retrouve avec d’autres éléments plus inattendus. Le craft de munitions avec les poudres est vraiment original et intéressant puisqu’il pose là aussi pas mal de petits dilemmes ludiques pour décider quelles munitions on veut en priorité et il revêt un léger aspect addictif puisqu’on fait des munitions de plus en plus performantes au fur et à mesure. L’ergonomie a également été sensiblement améliorée : on peut passer les escaliers sans temps de chargement, les trousses permettent de regrouper des sprays, le code couleur dans l’inventaire permet de mieux s’y retrouver...
Le maniement comprend 2 mouvements inédits : le quick-turn et l’esquive qui dynamisent pas mal les choses. Le premier n’est pas forcément très original puisqu’en fait il existait déjà partiellement avec la visée auto qui pouvait permettre de se retourner rapidement pour viser un ennemi. Le second est beaucoup plus intéressant puisqu’il permet de contrer ou au moins d’esquiver les coups adverses à la condition d’avoir le bon timing et d’avoir la place pour bouger, ça renforce l’aspect technique des combats, notamment de boss, et je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas devenu un standard dans la saga, aussi bien pour les épisodes ultérieurs que les portages et remakes des anciens.
Ces combats de boss se résument très souvent à Némésis bien sûr mais tout d’abord ce n’est pas le seul et ensuite ce n’est pas trop répétitif vu que la zone d’affrontement et son pattern changent régulièrement, il est de qualité avec un certain challenge et une diversité dans ses attaques. Je comprends sans peine pourquoi le concept fut nommé après lui Némésis-like bien qu’il ne l’ait absolument pas inventé. Un défaut un peu stupide pour la gestion du challenge par contre c’est qu’il manque un niveau de difficulté intermédiaire, le mode difficile est très radin en ressources alors que le mode facile donne tout un arsenal qui dénature complètement l’état d’esprit du jeu, je ne comprends vraiment pas ce choix.
Ce que j’aurais surtout adoré au final c’est que ce jeu soit une version enrichie de Resident Evil 2, c’est-à-dire qu’il permettrait de refaire les campagnes de Claire et de Léon remaniés avec toutes ces petites améliorations et en fusionnant les scénarios A et B, la campagne inédite de Jill serait la cerise sur le gâteau pour un jeu d’une grande richesse et d’une grande qualité. Là on a la qualité mais pour la richesse... même avec les éléments facteurs de rejouabilité il manque encore du contenu et c’est vraiment dommage qu’il ne soit pas ce Resident Evil 2.5 sur ce point car il emprunte bien des aspects sur d’autres points.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10
Resident Evil 3 Némésis est scindé en deux grands environnements esthétiques marquants, le premier repris de Resident Evil 2, le second de Resident Evil 1... Normalement vous devriez comprendre pourquoi j’insiste tant sur le côté 2.5, ça se retrouve explicitement ici où Resident Evil 3 réussit très bien son esthétisme en reprenant très fortement, quand ce n’est pas à l’identique, des environnements ou des idées d’environnements de ses épisodes antérieures. Ça serait moins ennuyeux si c’était plus assumé j’ai envie de dire. C’est la critique majeure que je fais à cette partie-là parce que le reste franchement j’ai beaucoup aimé.
Pour les musiques et les bruitages je trouve que ça n’a rien à envier aux aînés, surtout à la fin où le thème du boss final, celui de la dernière cinématique et celui des crédits sont réussis dans 3 domaines différents (anxiogène, épique et dramatique). Des événements scriptés par pagaille rendent l’aventure un peu plus immersive, on arrive dans une ruelle et on voit un mec se faire attaquer et fuir, la ruelle d’après les zombis sont occupés à le bouffer pendant qu’on l’entend crier, on repasse plus tard un zombi de plus se trouve dans la ruelle avec la dégaine du mec qui se faisait bouffer...
Ça donne vraiment l’impression qu’on évolue dans un monde (mort) vivant. Cette blague était un peu pitoyable mais faisons comme si de rien était, ces scripts sont aussi sources de beaucoup plus de jumpscares qui de plus varient sensiblement d’un run à un autre avec une part d’aléatoire. C’est un procédé efficace, un peu trop répété peut-être et très surfait de nos jours mais ça passe encore, par contre il ne faut pas comparer ça au travail d’un Silent Hill sorti quelques mois plus tôt par exemple, ma préférence est sans conteste pour la nouvelle saga de Konami.
Les cinématiques en images de synthèse toujours très propres et très réussies en terme de mise en scène, encore plus dynamiques d’ailleurs avec beaucoup d’action explosive au sens propre du terme. On retrouve même cet effort dans les cinématiques réalisées avec le moteur du jeu dans lesquelles on reconnaît bien des animations in-game qui collent bien avec l’action. Avant, c’était plus statique même dans les moments assez tendus et c’est une évolution assez positive même si ma cinématique préférée des 3 épisodes de la console reste celle du Virus-G déployée pour la première fois dans Resident Evil 2.
Le chara-design de Jill a bien changé, ça se veut clairement plus sexy que l’uniforme (quoique me direz-vous peut-être), c’est plutôt pas mal mais je préfère vraiment la tenue de Claire qui a bien plus d’allure tout en faisant moins hot si j’ose dire. Il en va de même pour son modèle en images de synthèse. Par contre, le design de Nemesis est très réussi, se dégradant au fur et à mesure des affrontements tout en ayant les justifications visuelles pour sa force de plus en plus grande, là c’est mieux que le Tyran de Resident Evil 2 pour le coup. Du coup, c’est assez inégal quant à savoir si c’est plus à mon goût ou pas quand on regarde l’ensemble, c’est objectivement réussi mais ça manque un peu d’identité par moment... au final j’ai bien aimé la réalisation et l’esthétisme mais c’est pas non plus génial, comme pour le scénario.
SCENARIO / NARRATION : 7 / 10
Je n’ai pas aimé Jill dans Resident Evil 1, je la trouvais cruche, naïve, idiote... et du coup j’étais pas du tout rassuré de l’avoir comme unique personnage principal dans ce troisième épisode, c’était une erreur de ma part. Jill m’a beaucoup plus ici dans sa version badass, elle n’hésite pas à donner une tarte à un mec qui commence à se décourager alors qu’elle réagissait à peine quand on la trahissait et la menaçait de mort dans le 1, ses pensées quand on recharge la sauvegarde lui donne pas mal de caractère qu’elle n’avait pas ou peu avant... C’est une héroïne forte, déterminée, courageuse, intelligente... grosse surprise à ce niveau de par la mauvaise considération que j’avais du personnage depuis RE1.
De plus, on peut se dire que c’est cohérent qu’elle ait gagné en maturité et en assurance de par son expérience passée, c’est une évolution cohérente et de qualité. En face, le Némésis porte l’opposition à lui seul magnifiquement bien, se relevant des flammes tel Terminator, beuglant Stars pour donner la réplique finale à Jill bien marrante, toujours à sortir de nul part pour renverser la situation avec fracas, incarnant vraiment un mal absolu et implacable... Le juste équilibre trouvé entre la peur qu’il peut engendrer et la mise en valeur de celle qui lui tient tête avec difficulté mais réussite fait que Jill et Némésis portent vraiment efficacement le scénario.
Dommage qu’ils soient accompagnés de personnages beaucoup moins développés comme Carlos ou Nicholaï, très génériques dans leur rôle respectif à tel point que je me demande s’il n’aurait pas été préférable de les éjecter au cours de l’intrigue pour tout resserrer sur le combat entre Jill et le Némésis qui aurait gagné encore plus en intensité s’il y en avait besoin. Dommage également que la redécouverte des événements de Resident Evil 2 à travers un troisième point de vue ne soit quasiment pas exploitée, en-dehors de quelques clins d’œil amusants dans des notes par exemple, alors que le prétexte était trouvé. C’est vraiment dommage mais c’est là aussi à relier à cet aspect 2.5 non assumé.
Un petit mot sur la fin que je trouve très réussie, en dehors des musiques que j’ai évoqué plus tôt, je trouve que les enjeux marchent bien, sont bien mis en scène, que les répliques claquent comme il faut... J’ai juste une petite réserve sur les conditions qui débloquent une fin plutôt qu’une autre, de la même manière que pour le dernier document écrit qui permet de comprendre un peu mieux pourquoi Chris n’est pas à Racoon par exemple, mais c’est un reproche mineur pour le coup, c’est pas là que se situent le plus mes réserves.
Un autre détail qui peut gêner tant que j’y suis, mais là je commence vraiment à pinailler, c’est le début des incohérences selon certaines fins choisies dans des épisodes antérieurs mais le simple fait d’incarner de Jill de nouveau rendait ça inévitable. Même si ça aurait été encore mieux à mon sens si tout avait été misé sur Jill et Némésis, ils sont suffisamment au cœur du jeu pour que scénario et narration s’en sortent également bien malgré ces quelques petites réserves personnelles. C’est la première et dernière fois que Yasuhisa Kawamura signe tout un scénario, j’aurais bien aimé le revoir à l’œuvre personnellement, comme pour le game director.
CONCLUSION : 7 / 10
Sorti la même année que le chef d’œuvre horrifique de la Playstation 1 : Silent Hill, Resident Evil 3 Némésis garde la tête haute, pas assez pour être à sa hauteur mais tout de même, entre ses bonnes idées de gameplay, son challenge, sa réalisation, son protagoniste... il ne manque pas d’arguments pour être une bonne suite mais il manque de contenu et d’identité pour atteindre l’excellence. Je l’ai dit pour chaque partie de cette critique mais s’il avait assumé son côté 2.5 en revisitant et en améliorant les campagnes de Léon et de Claire tout en ajoutant celle de Jill qui se serait concentré sur son affrontement avec Némésis, plutôt que de se gonfler artificiellement avec Carlos et Nicholaï, on aurait tenu mon Resident Evil préféré de la PS1, voire de toute la saga.