Spyro le dragon est un jeu très particulier pour moi car il est l'un des tous premiers jeux auxquels j'ai joué, il fait partie de ces jeux qui m'ont fait aimer le jeu vidéo à mes débuts, peut-être sans lequel je ne serais pas devenu gamer qui sait ? Un jeu qui m'aura profondément marqué dans tous les cas et que j’ai refait beaucoup de fois à différentes étapes de ma vie. Difficile de dire a priori si c'est par nostalgie ou grâce à des qualités objectives formidables que je l'apprécie autant, mais je vais essayer quand même de faire la part des choses dans cette critique d’un des plus grands succès de la Playstation 1 pour seulement le deuxième jeu développé par le méconnu Insomniac Games de l’époque.
Face à la vision en monde ouvert du jeu de plates-formes 3D instauré par Super Mario 64 pour Nintendo, ce titre avait l’ambition d’y opposer une concurrence directe sur ce terrain de jeu et les moyens de Sony et d’Universal pour y parvenir. Autant dire que le défi était de taille pour un si jeune studio, avec une concurrence aussi auréolée de prestige sur une console parfaitement appropriée à un tel concept de jeu. Je vous propose de découvrir ce que je pense dans le détail en écoutant le thème de la Caverne de Glace pendant la lecture.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★☆
Nous sommes encore au début de la 3D, même si les historiens aimeront vous rappeler que ce jeu est sorti 2 ans après Super Mario 64 qui est souvent considéré comme le jeu de plates-formes en 3D à avoir tout inventé, cette époque se traduit souvent par un gameplay lourd et approximatif dans des environnements pas si grands que ça. Ici le maniement n'a pas pris une ride, Spyro est très vif avec sa possibilité de charger, assez fort avec la portée de ses flammes et assez agile avec la possibilité de planer. Le seul élément de maniement qui a un peu vieilli c'est la caméra pas toujours pratique à déplacer, dû à l’absence de joysticks sur les premières manettes de la console, mais c'est vraiment un détail.
Toutes ces possibilités de jeu (flammes, charges, vols planés...) sont très bien exploitées et le jeu n’arrête pas de demander d’alterner entre elles pour progresser. Dès le début, on rencontre des ennemis mobiles et immobiles, demandant à être chargés ou enflammés... et on arrive toujours à comprendre de façon assez intuitive ce que le jeu nous demande sans qu’il est besoin de nous le dire explicitement. Le seul mouvement inutile auquel le jeu ne demandera jamais ou presque d’y faire appel : c’est la roulade latérale. La plupart des éléments constituant le maniement sont indispensables, intuitifs et récurrents.
Le gameplay en lui-même fonctionne très bien et surtout profite d'un bestiaire et d'un level-design qui l'exploite beaucoup. La cohérence du level-design de beaucoup de niveaux est remarquable avec passages secrets et chemins alternatifs à trouver en suivant les indices laissés par le jeu à cet effet, notamment via le positionnement ingénieux des ennemis et des objets à collecter. La preuve en est que certaines fins de niveau peuvent être franchies très vite alors qu'en fait quasiment rien n'a été trouvé et les différents points d’observation et possibilités de connecter les parties du niveau entre elles sont souvent très bluffants d’efficacité.
Quelques idées vraiment originales marquent le coup comme ces magiciens qui modifient le terrain, les ennemis qui peuvent changer de taille selon des paramètres sur lesquels on peut agir... Je me souviens encore de ma surprise quand je suis arrivé au canon chez les Tisseurs de rêve qui permettait de changer la taille des ennemis, pouvoir observer tout le monde, comprendre pourquoi ces rayons apparaissent et pouvoir moi-même les utiliser, une idée simple mais géniale. La difficulté est progressive et bien dosée (phases de plate-forme de plus en plus complexes, ennemis de plus en plus retords, soins de moins en moins présents...), à la fois accessible à un jeune public mais de plus en plus complexe pour en motiver l'intérêt d'y rejouer encore aujourd'hui je trouve, mais là ma nostalgie risque de brouiller un peu mon jugement.
Le jeu se concentre sur la plate-forme / action avec quasiment pas de mini-jeux, en-dehors des vols à chaque monde, c'est efficace puisque les situations de jeu se renouvellent souvent avec de nouvelles idées, de nouveaux ennemis... Le jeu n'a pas besoin de ces mini-jeux pour ne pas être répétitif. Le contenu est qui plus est honorable si on veut le finir à 120 % pour avoir la vraie fin après le dernier niveau, il y a très peu de contenu réellement difficile à localiser et à atteindre, je pourrai même dire qu’il n’y en a que 2 en fait, surtout pour qui est bien attentif aux dialogues du jeu et aux indices laissés par les développeurs.
C’est clairement un jeu de collecte, dans la tendance du moment où faire un niveau en ligne droite n’est plus l’objectif central du jeu de plates-formes, dans lequel on peut aller dans beaucoup de niveaux différents très vite et finir ces niveaux très vite également mais les faire à 100 % sera un défi non seulement encouragé mais aussi plus intéressant. Bon une fois l'avoir fini en vrai il n’y a pas de raison de le recommencer, même si j'ai plusieurs cartes mémoires avec 3 parties complètes d'effectuées qui prouvent le contraire, comme le dit Spyro lors du vrai ending « et c'est reparti ! » mais je pense tout de même vous avoir fait comprendre pourquoi je trouve ce gameplay particulièrement réussi, alors que ce n’est pas la seule force du titre.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Si visuellement Spyro accuse un âge certain dans sa version originale au fil du temps avec des textures anguleuses, une distance d'affichage pure limitée, des rares cinématiques faites avec le moteur du jeu... il n’est pas sans atouts non plus à ce niveau-là. Spyro est déjà très bien designé en soi, dans le ton de cet univers dragonnesque et cartoonesque, mais le bestiaire qu’il affronte profite également de beaucoup de skins différents et il y a assez peu de recyclage. Il n’est pas rare qu’un type d’ennemi se retrouve même uniquement dans un seul niveau pour ne jamais être recroisé ailleurs, et pourtant ça reste cohérent avec cette idée de Gnorks que l’on retrouve dans plein de situations différentes et accompagnés de créatures diverses que l’on se fera un plaisir de griller sur place.
Les animations sont nombreuses, celles de Spyro selon ses mouvements bien entendu comme celles de ses ennemis qui provoquent vulgairement, qui tremblent de peur, qui semblent vouloir en découdre... et elles sont très décomposées avec une visée humoristique très correcte dans un univers auquel ces animations et comportements apportent de la vie. En effet, es ennemis ne donnent pas toujours la sensation d’être juste là pour nous bloquer le chemin, ils interagissent entre eux à l’occasion, se baladent un petit peu dans l’environnement par moment... Ça contribue au charme du jeu et même en 1998, une très belle année pour le JV, ce n’était pas un petit détail technique anodin.
Ce qui le serait encore moins c’est la diversité environnementale très poussée et la taille des environnements à parcourir en toute liberté par notre petit dragon violet. Le jeu nous propose six mondes différents avec une certaine variété entre eux et en leur sein. Quand on analyse cela on se rend compte que c’est le choix des couleurs qui fait une grande partie du travail avec seulement 2 ou 3 types de couleurs très utilisées par monde et avec une multitude de nuances, la couleur violette de Spyro ayant été étudié pour se distinguer au premier coup d’œil sur à peu près tous ces environnements.
La cerise sur le gâteau c'est cette caméra subjective volante à la manière de Super Mario 64 qui parcourt les niveaux dans leur ensemble aux crédits de fin, absolument magistral ! Si on veut pinailler ça manque peut-être un peu de cohérence en jeu avec simplement des portails à franchir qui masquent les temps de chargement séparant nettement les niveaux de leur hub et un aéronaute avec qui voyager séparant les hubs entre eux. Néanmoins, ces transitions ne sont pas trop brutales non plus avec la continuité avec l’animation de Spyro entre le temps de chargement et l'arrivée dans le niveau qui est très sympa, ce qui prouve bien un effort de fait pour composer correctement avec les limites techniques de l’époque. Ça n’a l’air de rien mais pour moi ça renforce le sentiment d’aventure là où un temps de chargement beaucoup plus explicite avec un fondu au noir et un écran de chargement bien spécifique auraient un peu plus nuit à l’immersion.
Chaque monde a son petit fil rouge artistique avec ses ennemis et décors concordant avec une thématique récurrente et souvent pas si représentée que ça dans les autres jeux, ce qui confère une identité à chaque lieu que l’on visite et fait qu’on a beau voir du pays, on se souvient très bien de chacun de ces lieux. De plus, si ses suites seront bien plus belles, et c’est bien normal, il reste tout de même des environnements qui en jettent encore tout simplement, le port crépusculaire avec ses couleurs orangées en arrière-plan rend encore très bien par exemple et il est loin d’être le seul.
La composition musicale est signée par Stewart Copeland, dont ce sera globalement son seul travail avec les 2 autres Spyro dans le milieu du jeu vidéo, étant issu d’un groupe de musique et de la composition pour des films. Si les musiques ne sont pas superbes, elles font assez bien le travail, collent avec leur utilisation et contribuent à leur échelle à l’ambiance du titre tout à fait appréciable. C’est bien le seul point du jeu que je trouve modeste dans cette catégorie pour laquelle je reconnais une réalisation et un esthétisme de haute volée, ce qui est peut-être moins le cas pour la partie scénaristique malheureusement.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆
Bon alors évidemment, Spyro 1 The Dragon n’a jamais eu de grandes ambitions scénaristiques, ça n’aura échapper à personne et je le sais très bien également, mais j’ai pourtant des choses à en dire. Le scénario met en scène un dragon nettement plus chétif que les autres (qui ne semble pas lié à son âge) qui échappe à un sort cristallisant tous les dragons sauf lui, il part alors en quête pour libérer ses congénères et donner une bonne leçon aux méchants en compagnie de sa fidèle libellule, et c'est tout. Ce premier Spyro est sans doute le moins scénarisé de la série, il y a très peu de réels personnages et de dialogues pour faire évoluer l’intrigue.
Les dragons libérés deviennent plutôt un running gag avec leur merci de m'avoir libéré même si certains sont l’occasion de délivrer des indices intéressants pour découvrir les secrets ludiques très nombreux du titre, ce qui veut donc dire qu’ils sont loin d’être inutiles. Ils peuvent aussi renforcer le sentiment d’immersion avec un dialogue prenant en compte leur emplacement difficile d’accès, les ennemis environnants frustrants à combattre… Mais dans l’ensemble, il n’y a rien d’extra-ordinaire là-dedans, c’est simplement bien fait, sans plus.
C’est juste que l’intrigue en elle-même reste la même du début à la fin, sans péripéties intermédiaires, ce n’est jamais qu’une quête prétexte des plus génériques pour que l’on incarne un héros face à un méchant dont il est le seul à pouvoir venir à bout. C'est assez peu ambitieux présenté comme ça mais j'ai quand même quelque chose à en dire, c'était une réflexion que je m'étais fait déjà à l'époque et qui me parlait beaucoup : Spyro est un petit parmi les grands, situation à laquelle on peut facilement s’identifier étant gamin, et c'est lui le héros, les autres personnages ne servent à rien d'autres que d'être secourus ou vaincus.
Le fait que ce soit un personnage comme ça qui soit le héros me parlait beaucoup quand j'étais gosse et je pense que ça n'est pas étranger au fait que j'ai tant aimé le jeu. Je trouve ce héros-là plus charismatique qu’un marsupial un peu déjanté, si vous voyez ce que je veux dire. Mais cette réflexion est bien une interprétation personnelle, ce n’est pas appuyé par le jeu lui-même. Pour cela, il aurait fallu par exemple montrer Spyro moqué par les autres dragons dans l’intro et insister sur le fait qu’on l’aurait jamais cru capable de telles choses, ce qui donnerait plus de sens à sa quête qui serait pour lui l’occasion de montrer ce qu’il vaut, et la fin ne serait pas ainsi un bête retour à la case départ mais la conclusion révélant aux autres et à lui-même son potentiel.
Mais ça c’est une réflexion personnelle que je vous livre, le vrai problème à mon sens, beaucoup plus objectif, c’est qu’il y a une importante invraisemblance : on continue de se retrouver seul face aux Gnorks alors qu’on a libéré des dragons qui pourraient nous aider dans le scénario. Évidemment, l’explication est ludique, il fallait qu’on soit seul à poursuivre l’aventure pour que ça ait du sens, mais ça aurait été bien de justifier tout ça scénaristiquement. Déjà, je trouve que le pouvoir de Gnasty n’est pas très bien expliqué : comment est-ce que ça pu toucher tous les dragons, est-ce que c’est à usage unique ou réutilisable à loisir, comment Spyro y a-t-il échappé ?
Vous me direz que je cherche trop de détails dans un scénario enfantin sans ambition, mais même dans ce contexte ça ne me paraît pas déraisonnable d’en attendre un peu plus de cohérence. Expliquer rapidement dans l’intro et au premier dragon libéré que :
- Gnasty vient de trouver un sceptre surpuissant et inconnu, raison pour laquelle il ne pouvait pas l’utiliser avant et que les dragons ne pouvaient pas le prévoir,
- Spyro est un dragon atypique, unique, qui le met à l’abri de ce sort,
- le dragon libéré se rend dans un sanctuaire pour ne plus être gelé et que c’est pour ça qu’il ne peut pas l’aider.
Et ça y est, tout serait justifié avec une intro un peu plus longue et deux lignes de dialogues de plus pour le premier dragon, c’est pas mieux comme ça ? Et il y a aussi des invraisemblances plus mineures, comme l’absence d’explications sur la capacité de vol réelle de Spyro dans les niveaux dédiés, ça aurait été sympa d’y penser aussi. Je trouve ça regrettable, aussi peu ambitieux le scénario soit-il même si étant donné toutes les qualités précédemment citées ça n’enlève que bien peu à la superbe du jeu pour laquelle il est maintenant temps de conclure.
CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆
Spyro le dragon est sans doute l'un des jeux auxquels j'ai le plus joué dans ma vie. M'y replonger par pure nostalgie est devenu un petit rituel que j'apprécie grandement, son maniement reste agréable avec le temps et est particulièrement bien exploité avec un savoir-faire qui force le respect pour un studio encore si jeune, ses qualités techniques et esthétiques ne sont pas à sous-estimer... Il reste son scénario prétexte pas très cohérent ou intéressant pour en limiter le potentiel, mais c’est assez anodin au final. Quelle réussite commerciale et critique que celle de Spyro qui consacrera Insomniac Games parmi les plus grands studios affiliés à Sony pour les années et décennies à venir.