La note et le coup de cœur accordés à Control pourraient laisser croire que le jeu m'a directement emballé. Pourtant, ce ne serait pas mentir que dire que mes premiers pas dans le Bureau Fédéral de Contrôle auront été compliqués.
N'y voyez ici aucune référence aux contrôles du jeu (merci au titre qui pour peu que l'on veuille parler un peu du gameplay nous entraîne dans un abysse de calembours métas). C'est un réel plaisir d'explorer les moindres recoins des décors dans la peau de Jesse Faden, tant celle-ci est facile à prendre main. Dès les premiers pas on se sent très à l'aise avec cet avatar qui répond au doigt et à l’œil. Comme beaucoup de monde je pense, une des premières choses que je fais dans un jeu vidéo, c'est de courir un peu dans tous les sens pour voir quelle impression laisse la manipulation du personnage. Dans le cas de Control, c'est une véritable sensation de légèreté et de fluidité qui se dégage. On sent que ce personnage va être très facile à faire courir.
Et courir il faudra, car en tant que jeu de tir, Control ne lésine pas sur les hordes d'ennemis qui nous tombent dessus. Il n'est pas rare de devoir foncer récupérer des points de vie, esquiver une grenade ou simplement entamer un repli stratégique pour éviter d'avoir à affronter d'un coup 5 soldats un peu trop zélés. Là encore la maniabilité de Jesse est un vrai bonheur, qui participe à nous immerger dans les batailles. Ses animations en mouvement arme au poing, en tirant ou non sur ses adversaires, donnent l'impression de jouer une véritable héroïne de films d'action en train de foncer sous le feu ennemi ! Le système de tir est tout aussi agréable, et quelque soit votre capacité à viser manette en main, il y a de fortes chances que vous preniez votre pied dès la première échauffourée !
Enfin, les fameux pouvoirs que Jesse acquiert au fur et à mesure de l'aventure impressionnent par leur facilité d'utilisation. Souvent dans les jeux, il faut se faire la main avec les capacités spéciales des personnages, pour bien comprendre comment les utiliser au mieux. Dans Control à peine débloqué un pouvoir que l'on s'en sert déjà pour bastonner. Le lancer par exemple est particulièrement intuitif parce qu'il nous autorise à nous planter (ne pas saisir l'objet que l'on veut) sans nous pénaliser (un autre objet sera saisi, et il risque de faire tout aussi mal si ce n'est plus). Et quel plaisir de saisir un missile qui nous était destiné pour le renvoyer à l'expéditeur sans passer par la case départ !
Control est un jeu de tir qui s'assume comme tel, et de fait, le cœur du jeu est constitué de ces embuscades endiablées. Il parvient pourtant à se renouveler grâce à sa bonne variété d'ennemis et quelques boss dantesques. Le seul défaut de ces derniers est qu'ils ne se trouvent que dans les missions secondaires, ce qui n'est évidemment pas un problème en soi étant donné qu'ils sont tout de même présents, mais prive malgré tout l'aventure principale de gros temps forts. En l'état, elle est une succession de fusillades contre des ennemis sans visage, et manque d'antagonistes véritablement marquants.
Reste tout de même la sensation de montée en puissance tout au long de l'aventure. Plus on accumule les armes et les pouvoirs, plus on se sent capables de déchaîner les flammes de l'enfer sur les ennemis, sans que ceux-ci ne perdent pour autant de leur férocité (on est loin de la promenade de santé). Ce sentiment culmine lors du formidable passage du labyrinthe du cendrier qui donne son titre à cette critique et qui est probablement la meilleure séquence de tout le jeu !
Que de dithyrambes me direz-vous, mais alors qu'en est-il de cette introduction moins enthousiaste ? Ce qui a rendu difficile mes premiers pas dans Control c'est sa narration, du moins l'introduction de sa narration. Jesse arrive au bureau, elle a un objectif en tête... mais ne le partage pas avec nous. Je peux comprendre la volonté de garder un peu de mystère pour ménager des révélations et autres retournements de situations, mais il est très difficile d'incarner une héroïne dont on comprend au bout de 5 minutes qu'elle en sait plus que nous.
Comme pour ne pas trop nous brusquer, on nous fait malgré tout comprendre qu'elle vient tout juste de découvrir ce fameux Bureau Fédéral de Control, et qu'elle va en apprendre le fonctionnement en même temps que nous. Intentions louables, mais quand on lui explique au bout de 10 minutes qu'elle est devenue directrice parce qu'un pistolet l'a choisie, elle n'a pas l'air plus bouleversé que ça. Et ce ne sont pas les personnages secondaires qui traitent l'affaire avec la même désinvolture qui vont faciliter notre entrée dans ce monde.
Alors comment ce fait-il qu'après quelques heures de jeu j'étais complètement accro à cet univers ? Il y a d'abord ces décors, qui sans être des éléments de gameplay (certaines critiques qui insistent sur la qualité de l'environnement laissent parfois croire qu'il prend une place plus importante), ont cet aspect étrange qui en font des purs objets de fascination. Des bâtiments administratifs et des bureaux d'une banalité quotidienne confondante mais que toutes sortes de petits pas de côtés viennent perturber: des employés immobiles en lévitation qui murmurent en permanence, des couloirs aux angles peu naturels, des salles immenses situées au dessus de grottes aux plafonds bas, des salles d'expériences dignes des plus grand laboratoire de physiques placées juste à côté des incontournables toilettes d'entreprise... Un monde étrange dans son sens le plus littéraire: le quotidien détourné pour devenir inquiétant.
Mais surtout, il y a les documents, grands classiques de la narration vidéoludique. Personnellement j'ai tendance à toujours les lire / regarder / écouter quelque soit le jeu, mais pour être honnête, je trouve très rarement qu'ils apportent quelque chose. Par exemple, dans The Witcher 3, qui est certainement un de mes jeux préférés, j'ai beau avoir lu tous les livres sur lesquels je tombais, très peu d'entre eux ont contribué à mon immersion, là où une unique balade à cheval à travers les champs suffisait à donner corps à cet univers. En revanche dans Control, se plonger dans ces documents aide énormément à comprendre le jeu. Je pense que cela tient au fait que le monde décrit est si étrange, à la fois proche du notre et différent, qu'il est finalement passionnant de tenter de le comprendre à travers les compte-rendus scientifiques et autres correspondances récoltés au gré de nos pérégrinations. Et là encore, l'utilisation d'enregistrements audio, et surtout de vidéos filmées diversifient l'ensemble et contribuent à l'atmosphère générale.
Et d'une certaine façon, cela participe a la montée en puissance dont je parlais pour le gameplay. En se forçant un peu à lire les documents au début, on finit par complètement maîtriser les codes de cet univers, et ressentir autant de plaisir à utiliser un adversaire comme projectile qu'à comprendre la différence entre objet de pouvoir, objet altéré, événement d'altération du monde et autres appellations bureaucratiques complètement absconses. Je serais malgré tout curieux de savoir s'il y aurait eu moyen de faciliter un peu l'accès à cette univers .
Facile à prendre en main, agréable à jouer avec une véritable sensation de montée en puissance, et doté d'une histoire qui sait se révéler fascinante, Control est sans conteste un excellent jeu !