Un nanar vidéoludique
Attention, jeu pour jeune public féminin mentalement retardé et aux attentes TRES basses. Freak Out a un parti-pris graphique qui peut être qualifié d'"osé" jusqu'à ce qu'on se rende compte que...
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le 7 juil. 2010
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Strech Panic aux États-Unis alias Freak Out chez nous alias Hippa Linda au Japon souffre d’une trop grande discrétion chez les joueurs. Sorti à la fin 2001, ce jeu proposait une approche assez nouvelle. Et ce n’est pas surprenant quand l’identité des développeurs se révèle être Treasure, génial créateur de Gunstar Heroes, Guardian Heroes , Radiant Silvergun, Ikaruga, Sin & Punishment et j’en passe. Mais ce passif plutôt penché vers l’action était-il suffisant pour développer un titre aussi original lors de sa sortie?
Car Freak Out est un jeu atypique jusque dans le moindre pixel, et cela se retrouve dans trois de ses composants: son concept, sa manière d’être joué et son design.
Le concept du jeu est indissociable de son histoire. Le joueur incarne Linda, la plus jeune sœur, qui va devoir libérer ses douze autres sœurs des démons de la vanité qui se sont emparés d’elles.
En sous-texte Freak Out cherche donc à valoriser la modestie et la simplicité, ce qui change des motivations si imprégnées dans la culture du jeu vidéo de pures princesses à sauver ou de vengeances. Hélas, en parcourant la notice, il flotte néanmoins des préjugés sexistes. Ainsi, si les sœurs ont pu être corrompues par les démons de la vanité, c’est parce qu’elles étaient déjà vaniteuses et que, surtout, elles tiennent ce trait de caractère de leur mère. Si Linda n’a pas été contaminée comme ses sœurs, c’est parce qu’elle « ressemble à son père qui travaille dur et a bon caractère ». Le préjugé « vanité=femme » est donc un peu décevant, mais ne représente qu’une faible partie de ce qu’il faudrait retenir du jeu.
Le jeu s’apparente en réalité à un boss-game, puisque combattre pour délivrer les sœurs occupe la majorité du temps. Le reste du temps, le joueur doit se rendre dans les royaumes des Ex et combattre les Boniita Zakos. Ces dernières sont les protégées des démons de la vanité et en échange ont reçu de leur part…Des poitrines disproportionnées, aussi grandes qu’elles. Celles-ci sont plutôt inoffensives, la faute à une IA mollassone (voulue? Après tout, on ne peut pas avoir des gros lolos et être intelligente, non?), mais leurs attaques, à coups de seins, ou en essayant d’écraser Linda, en font des personnages assez amusants à regarder. Ces séquences, une fois la surprise passée, n’en sont pas moins répétitives puisqu’il faut souvent faire des aller-retours entre ces royaumes et que ces créatures poitrinaires se combattent toujours de la même façon.
Pour faire un bon boss-game, il faut que les différents affrontements soient variés. Heureusement, c’est le cas et le joueur n’a jamais l’impression de combattre la même sœur. Ainsi, Anne Droid V2.1 rêvait d’être un satellite : le duel se déroule donc sur une planète sphérique dont on peut faire le tour (Super Mario Galaxy avant l’heure). Face à Demonica, fan de films d’horreur, le combat se déroule dans une pièce où il ne faut pas la laisser entrer. Chaque combat entre sœurs a donc ainsi sa propre personnalité et la variété est reine. D’autant plus que la façon de les combattre apporte un peu de fraîcheur.
L’élément le plus révolutionnaire de ce jeu est certainement sa façon de jouer. Linda ne peut que se déplacer et enjamber de petites parcelles du décor. Tout le reste, elle le fait grâce à son foulard. Ce dernier n’est pas qu’un bête morceau de toile puisqu’un démon de la vanité y a pris place et il s’y plaît. Ce foulard se contrôle avec le stick droit et d’une seule pression, il agrippe tout et n’importe quoi. C’est l’une des particularités du jeu qui le rendent unique: tout peut être tiré, que ce soit les seins des Boniita, les éléments composant le corps des sœurs et même le décor. L’effet rend particulièrement bien, on a vraiment l’impression de tirer de la matière, au point que cela donne au monde du jeu une impression d’élasticité surprenante et amusante.
Cela permet donc de pincer et d’attirer n’importe quoi mais aussi, comme un élastique trop tendu relâché brusquement, d’être propulsé sur l’élément que le foulard tirait. Pratique pour faire plus de dégâts aux boss mais aussi pour se déplacer. La bombe de foulard est une attaque spéciale qui fait surgir deux autres bras pour étirer l’ennemi, chacun contrôlable avec un stick. Cette attaque n’enlève pas seulement de la vie, elle est aussi le seul moyen pour chasser le démon de la vanité possédant la sœur, à condition de ne pas se faire toucher pendant l’ « exorcisme ».
Et comme si le jeu n’était pas assez atypique, il l’est aussi visuellement. Le design du jeu, épuré jusqu’à l’extrême et composé de gros polygones et de textures simplistes mais criardes et colorées, a été occulté de la part de certains joueurs qui n’y ont vu qu’une fainéantise technique de la part des développeurs. Même s’il est tout à fait possible de croire à cette version, je préfère penser qu’il s’agit là d’une volonté manifeste, celle de donner à l’univers une ambiance très plastique, qui colle tout à fait avec les possibilités élastiques du moteur du jeu, très cartoon dans l’esprit. Cela va de pair avec le travail fourni sur les animations, notamment sur celles du foulard. Ce dernier se déplace dans l’espace avec crédibilité et il arrive même à être attachant avec certaines de ses animations comme quand il tape légèrement sur la tête de Linda quand elle n’a plus de vie, comme pour la réveiller.
Malheureusement Freak Out est captivant à étudier, mais n’est pas le grand jeu qu’il aurait dû être. Il lui manque un peu plus de fonds, de contenu et de possibilités. Il fait penser à une démo technique maquillée en jeu avec quelques ratés sur le mascara. Ce mode de contrôle aurait pu être mieux exploité, tout le jeu ne se limitant qu’à l’utiliser pour tirer tous les éléments du jeu. Au lieu de limiter le jeu à un boss-game, certes extrêmement réussi, Treasure aurait gagné à intégrer des niveaux plus classiques, tirant parti des possibilités du foulard avec des petites énigmes à la clé et de nouveaux mouvements. De même, l’absence de contenu à débloquer accentue les faiblesses d’une durée de vie très faible. Il n’est pas possible de passer sous silence qu’il aurait pu, avec plus d’ambitions, marquer un peu plus le paysage vidéo ludique. Treasure avait habitué à mieux à cette époque. Mais quelle originalité, quelle fantaisie ! C’est une curiosité assez unique, à découvrir.
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Créée
le 11 déc. 2019
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