Retour sur un fiasco démentiel.
Mass Effect, c'est un peu une histoire d'amour. Tout commence le jour où je vais dans mon magasin préféré pour acquérir la 360. Je cherchais un jeu pas trop cher pour tâter la bête dès mon retour, et le choix étant limité, mes yeux se posèrent sur un certain "Mass effect", un jeu dont j'avais déjà entendu parler. Ni une ni deux, j'achète ce jeu, et dès que la console fut installée, je ne me fis pas prier pour lancer tout ça. Et j'ai vécu quelque chose de beau. Je n'étais pas familier de Bioware (bouuh, le casual), et ce fut un grand moment vidéoludique que de découvrir ces choix moraux, cette mise en scène, et même si au final beaucoup de points m'ont frustré dans ce jeu, ça reste toujours aujourd'hui une très belle expérience.
Vient ensuite Mass Effect 2. Et là, ce fut un coup de coeur comme j'en ai rarement eu, tout simplement. Toujours aujourd'hui, je le place dans mon top 5 des jeux de cette génération, à côté de grands noms comme Portal 2, Nier, ou encore Dragon Age Origins. Ce jeu, je l'ai acheté J-1 sur PC, et je l'ai racheté J-1 sur PS3, j'ai des centaines d'heures dessus, je connais chaque pixel par coeur, et pourtant, je m'amuse encore et toujours, et j'y rejoue régulièrement. Forcément, avec un amour si profond, je ne pouvais qu'attendre le troisième opus avec une impatience démesurée.
Comment aurait-il pu être mauvais ? Avec une base aussi exceptionnelle que ce qu'est le second épisode, comment faire un jeu bancal ? Il y a quelques mois, je vous aurais répondu que c'était impensable et franchement déplacé d'avoir des pensées aussi absurdes. Sauf que voilà, le jeu est sorti depuis, et il est triste. Tellement triste.
Rien que le premier niveau, le tutoriel, est déprimant. Entre les sprites lointains des humains qui fuient qui sont dignes de la PS1, entre les bugs du mixage sonore qui coupent l'action, entre les ennemis bêtes comme mes pieds, entre les graphismes assez hachés, entre le côté Call of Duty avec un mec qu'il faut suivre comme un petit toutou sur une ligne droite, je craignais le pire pour la suite. Et même si il faut un peu calmer le jeu, je ne peux décemment pas dire que tout se règle et que c'est un happy ending pour mes goûts.
Là où le second opus avait un level-design parfait (par exemple la mission de la clinique de Mordin, il y a des chemins annexes, des pièces secondaires avec des dialogues et des PNJ que nous ne sommes pas forcés de rencontrer, il y a des petites quêtes annexes comme le galarien malade du début, il y a plusieurs chemins ...), on se retrouve ici avec des couloirs à peine camouflés, et sans aucune possibilité de s'émanciper de ce carcan linéaire. D'ailleurs, notre Shepard(ette) n'a même plus la possibilité de ranger son arme, ça peut être un détail pour vous, mais ça prouve bien qu'ici on ne s'embarrase plus de l'exploration, mais on fonce à l'avant et on tire sur tout ce qui bouge, point final.
Graphiquement, le jeu est très étrange. Comme sus-cité, la mission du début est d'une mocheté absolument sidérante, alors que toute la séquence suivante (sur Mars) est de toute beauté. Là où le second opus était d'une propreté remarquable et inaltérable (le jeu est toujours incroyablement beau en 2012), on se retrouve ici avec des textures baveuses, avec des contours coupés à la hache, et avec de sérieux goûts douteux en terme de patte artistique.
Et si ça ne suffisait pas, le jeu continue à remuer le couteau dans la plaie. J'ai mal, je souffre. Les dialogues entre les coéquipiers deviennent encore plus rares que dans le second épisode (les commentaires de Kasumi me manquent), les choix moraux ne changent absolument rien, et l'on finit par être scandalisé, entre deux torrents de larmes. Pourquoi l'item du DLC Firewalker si mystérieux ne mène à rien ? Pourquoi commencer des intrigues si c'est pour ne pas les finir ? Pourquoi n'a-t'on pas la cinématique si l'on charge un Shepard mort ? Pourquoi la scène d'intro du 2 est culte et celle du 3 est pourrie ? Pourquoi le DLC courtier de l'ombre est inutilisé malgré les infos en pagaille qu'il apporte ? Pourquoi les personnages qu'on se casse le cul à recruter dans le 2 ne sont plus là et sont à peine égratignés (j'exagère un peu, certes) ?
Le pire dans l'histoire, c'est que l'accentuation de l'action au détriment du reste ne sert même pas spécialement le jeu ! Le level-design des zones de combat est parfois loin d'égaler la qualité de celles du second opus (encore lui), les mécas sont affligeants d'inutilité, et même si les raccourcis pour nos alliés sont vraiment bien pensés et d'une ergonomie sans failles, il n'y a rien dans les combats qui justifiait de sacrifier tout le reste.
Au niveau de l'équipement, le jeu a un peu le cul entre deux chaises. Mass Effect 2 avait peu d'armes, certes, mais avait ce côté upgrade avec les ressources et le laboratoire de Mordin. Ici, on retourne plutôt du côté du premier épisode, et il faut reconnaître que pouvoir équiper n'importe quelle arme avec n'importe quelle classe est un gros avantage, à vrai dire c'est même un peu du cheat tant on est puissant. Et ça incite moins à varier son style de jeu, au final ça sert la facilité au détriment peut-être de l'investissement du joueur.
Je tiens quand même à temporiser un peu mon énervement, en saluant par exemple le jeu de lumières sur certaines missions, en saluant le fan-service ici et là, en saluant la romance avec Thane qui est magnifique, ou encore en appréciant les efforts mis en place pour convaincre autant les fans du premier que du second. D'ailleurs, pour avoir une partie avec une save parfaite du 2, et une partie sans aucune save, je confirme que le jeu n'a AUCUN intérêt sans ce fan-service omniprésent, on ne ressent plus aucune émotion car tout les personnages de l'équipe du 2 sont dès lors remplacés dans les cinématiques par des PNJ lambdas dont on se fiche éperdument. Je tiens aussi à saluer la qualité de mise en scène sur certains passages, qui sont presque capables de mettre la larme tant c'est bien fait et tant on ressent le savoir-faire de Bioware. Et c'est bien là l'intérêt de jouer à ce jeu, c'est bien là l'intérêt de le vivre, car honnêtement, les phases d'actions linéaires pas toujours très inspirées ne suffisent pas à amuser.
Par contre, d'autres choix moraux sont un foutage de gueule absolument scandaleux, j'en viens à comprendre les procès pour pub mensongère. Le choix moral de la reine rachni par exemple, j'ai TOUT tenté, et la cinématique est IDENTIQUE à une phrase près, donc en gros, vos choix n'ont AUCUNE influence, je dis bien aucune. Ils avaient prévu de faire ce qu'ils ont fait, et tant pis pour vos choix, tout le monde aura ça, point final. On peut aussi cracher sur la première fournée de fins, qui est probablement le plus gros foutage de gueule que j'ai vu dans ma vie de gamer, avec des cinématiques copiées/collées avec simplement le bord de l'écran qui change de couleur. Consternant.
D'ailleurs le scénario, c'est un peu un plantage. Désolé, mais c'est la vérité. Là où le premier était énigmatique, là où le second était épique, on a ici des faux raccords qui peinent à convaincre. Le script originel leaké sur le net était génial. C'est vraiment le mot. Mais ici, malgré un final plutôt intéressant avec une excuse plutôt bien trouvée (détruire les races fortes pour laisser les faibles évoluer), le jeu peine à se réinventer, et trouve des justifications sorties de nulle part pour se dépêtrer d'un background très riche (le catalyseur, la solution magique qui tombe pile au bon moment et que Liara trouve en deux minutes quand tout semble perdu). Les nouvelles fins sont par ailleurs plutôt émouvantes et bien mises en scène, même si je reproche de vouloir parfois trop expliquer les choses, notamment avec la première scène (où l'on voit nos alliés partir en navette) complètement incohérente et qui casse le rythme d'une jolie séquence.
Enfin, je terminerais ici en critiquant la mission finale, d'une nullité démentielle, après la suicide mission du 2 qui restera dans les annales, on a ici un vulgaire jeu de survie avec des vagues d'ennemis pourris avant de pouvoir appuyer sur un bouton. Raté. On peut également reprocher au dialogue de fin avec l'illusive man d'être unidirectionnel, et de réduire un personnage si charismatique à quelque chose d'aussi bancal. Parce que oui, au final il est méchant parce que c'est comme ça, faut arrêter de réfléchir, non mais !
Mais il est temps de parler du seul bon point du jeu, le seul point inattaquable : l'OST. Parce que les musiques sont absolument géniales et d'un travail remarquable, que ce soit Leaving Earth ou même encore la musique des crédits, on y croit, assurément. Et même si la liste est un peu courte, il n'y a clairement que de bons morceaux, qui n'arriveront peut-être pas à faire oublier The End Runs ou Humans are Disappearing, mais qui font leur petit effet.
Au final ce jeu, c'est quoi ? Des jolies scènes, et une bonne OST, le tout entouré d'un torrent de ratages expliqués ci-dessus. On se surprend à être ému, à y croire, mais pas assez. Parce qu'en dehors de ces moments de plaisir, le jeu n'arrive jamais à la hauteur d'un second épisode quasiment culte, et pire, en vient à réduire des choix moraux et autres tournants scénaristiques drastiques à un chemin unidirectionnel, pour au final dénaturer une série qui partait pourtant si bien. Pour moi, ce jeu est un semi-ratage, oui, je n'ai pas honte de le dire, et le rush du développement se sent terriblement, au point que l'on est triste de voir ce que Bioware est devenu, et triste de savoir que des jeux d'une profondeur digne d'un Dragon Age Origins n'existeront plus de leurs mains.