Je le sais, je vais me faire lyncher, mais voilà je le dis : je n’aime pas « Okami ». Pire, je n’arrive même pas à dire que, malgré tout, c’est un bon jeu. Jouissant d’une réputation hors pair, cité régulièrement par des émissions que je vénère comme « Bits » ou bien encore Game Next Door » et figurant carrément dans le Top 20 des jeux les mieux notés sur « SensCritique », j’ai conscience qu’en disant cela, je ne vais clairement pas me faire que des amis. Mais bon, c’est comme ça. Attiré par la glorieuse réputation de ce jeu, je m’y suis risqué l’an dernier, en 2017, et ce fut la douche froide.
Alors OK, c’est vrai, j’ai découvert ce jeu dix ans après sa sortie, sur Wii, ce qui pose forcément la question de l’évolution des standards du média. C’est vrai qu’en dix ans, les techniques et narrations du jeu vidéo ont grandement évolué ce qui peut parfois entrainer de vrais chocs thermiques dès qu’on retourne vers des jeux plus vieux. Seulement voilà, en 2017 cela faisait déjà un petit moment que je n’avais plus touché un jeu contemporain, et les derniers jeux par lesquels j’étais passé étaient « Skyward Sword » et « Paper Mario », deux jeux eux aussi sortis sur Wii et à des dates assez proches et pour lesquels je n’ai pas ressenti de gênes à ce niveau là. Donc non, me concernant, mon problème avec cet « Okami » il vient d’ailleurs. Et en toute honnêteté il vient quasiment de tout…
Comme tout le monde, je pense que si je suis allé vers cet « Okami », c’est parce qu’il respire d’audace dès le premier regard. Son visuel ne ressemble à nul autre. Il y a à la fois ce cell-shading crayonné qui rend magnifiquement bien mais aussi et surtout tout cet univers très japonisant et ô combien enjôleur. Alors forcément, si on rajoute en plus à ça cette remarquable idée de gameplay qui consiste à utiliser un pinceau pour modifier les toiles que l’on parcourt, c’est juste orgiaque. Tout cela semble tellement cohérent et magique à la fois que oui, je comprends parfaitement qu’on puisse être totalement envouté par cette œuvre.
Seulement voilà, moi quand j’ai mis ma galette d’Okami dans ma Wii et que je me suis mis à jouer, je n’ai fait qu’enchaîner les frustrations et les tristes constats. Premier problème qui apparait dès l’introduction, c’est la narration. Avant de commencer à jouer, il faut qu’on se bouffe des taaaartines de texte. C’est surchargé d’éléments d’intrigue qui, pour la plupart d’entre eux, sont vraiment superflus. Et l’écriture sera pour le coup l’une des grosses faiblesses du titre, notamment quand il s’agira de discuter avec les PNJ. C’est assez lourd et souvent vain. Pour moi qui aime d’habitude me balader et discuter avec tout ce qui passe aux alentours, autant vous dire que mon plaisir s’est vite mué en fardeau.
Mais bon, passons. Au-delà de l’histoire il y a une expérience de gameplay. Un game design. Un univers à explorer… C’est vrai… Sauf que le problème c’est qu’à mon sens, tous ses éléments finissent par jouer en défaveur du titre. C’est beau certes, mais ça rend parfois le titre peu lisible. Encore une fois, le gros problème c’est la surcharge. Le simple fait d’avoir un disque enflammé qui tourne sur le dos de notre avatar est en soi une gène visuelle. Ça attire le regard en permanence et c’est sur le long terme assez agressif. Or, au regard des performances visuelles limitées de la Wii, c’est le genre de futilité dont on aurait pu se passer car les décors sont parfois assez sombres et pas toujours nettement définis. La navigation dans les espaces proposés en pâtit donc forcément, surtout que ces derniers sont souvent restreints, assez linéaires, et beaucoup moins interactifs que suggéré. L’interaction pose d’ailleurs la question du gameplay qui est aussi pour moi l’un des grands points faibles du titre. Parce qu’au-delà de la manipulation passable du loup, le gros problème c’est surtout l’utilisation de ce fameux pinceau.
C’était censé être la grande idée de ce jeu. Interagir avec le pinceau pour modifier des éléments de la toile ; des éléments du jeu. Et pour le coup, les particularités de la Wii en termes de hardware étaient pleinement exploitées puisque c’était la Wiimote qui faisait office de pinceau. Seulement voilà, le gros hic, c’est que non seulement je trouve que le recours au pinceau dans ce jeu est au final très accessoire et peu intéressant, mais en plus le gros hic c’est que techniquement, le dispositif ne fonctionne tout simplement pas. Quand tu te retrouves à passer dix minutes à repasser vingt-mille fois la même surface et que tu bloques non pas parce que tu ne fais ce qu’il faut mais parce que le jeu – pour une raison que tu ignores – considère que tu n’as pas accompli précisément le geste demandé, c’est quand même plus que gonflant. En gros, à part me ralentir, ce pinceau ne m’apporte rien en termes de gameplay. Il s’agit juste de peinturlurer de temps en temps quelques surfaces de l’écran pour espérer voir apparaitre un élément qui aurait pu être là dès le départ. C’est très dirigiste. Ça ne laisse aucune marge de manœuvre ou de créativité dans notre manière de jouer. Ça ne développe aucune dextérité. Je suis désolé, mais pour moi, ce pinceau c’est un flop.
Alors après j’entends ceux qui me diront que certains aspects que j’évoque pour dénigrer ce jeu sont propres à la Wii, que sur les autres plateformes les graphismes seraient plus nets, plus jouables, et que la Wiimote ne serait pas là pour emmerder tout le temps son monde, ce qui serait sûrement vrai. Seulement voilà, ce jeu existe aussi sur Wii, et quand on est possesseur d’une Wii et pas d’une PS2, c’est ça qu’on paye, c’est ça qu’on a, et c'est cela qui constituera notre expérience du jeu, pas celle d’hypothétiques autres versions. Et puis quand bien même : je considère que même au-delà de ces aspects techniques là, je ne vois pas ce qu’il y a de si intéressant que cela à cet « Okami ».
Structurellement parlant, ce jeu n’a rien de spécial pour lui. Ça ressemble à n’importe quelle autre copie d’un Zelda, sans aucune plus-value ni génie. Les niveaux sont répétitifs, peu interactifs, et surtout l’intrigue nous oblige à repasser tout le temps par les mêmes endroits pour faire les mêmes choses. On retire à ce jeu son esthétique globale et il n’a absolument plus rien pour lui : juste une mécanique basique qui, sans être atroce, n’a rien pour faire fantasmer.
Néanmoins, il est quand même à noter que cette esthétique globale, cet « Okami » l’a malgré tout. On ne peut pas lui retirer ça comme si c’était quelque chose de secondaire. Or, oui, cet univers visuel et sonore est effectivement assez riche, original et véritablement séduisant pour qui y est sensible. En cela, je ne peux vraiment pas reprocher à ceux qui aiment ce titre de l’aimer à ce point. Moi-même il m’arrive de défendre contre vents et marées des œuvres imparfaites techniquement mais qui ont su malgré tout me transporter et me fournir une expérience unique. En cela, oui, « Okami » est unique. Et donc « Okami » est un jeu méritant ne serait-ce que pour ce seul aspect là. Je ne lui renie d’ailleurs absolument pas le fait qu’il puisse être considéré comme le jeu phare d’une époque, voire d’une œuvre fondamentale dans l’histoire du jeu vidéo. Seulement voilà, les faits me concernant sont têtus. Quand le fond n’a rien d’extraordinaire et qu’en plus de cela la technique n’est pas à la hauteur, je ne peux pas prendre mon pied.
Donc « Okami » en tant que jeu culte, moi je dis « oui ». Par contre « Okami » en tant que chef d’œuvre intemporel, par contre là je dis « non ». Et même si la version Wii n’est certainement pas la meilleure qui soit pour découvrir le titre, je pense malgré tout que c’est un jeu qui n’a pas eu la rigueur nécessaire à son époque pour qu’aujourd’hui on puisse le découvrir et être touché par sa grace sans être rebuté par sa rigidité de forme. C’est ce que je pense. Alors tant pis, lynchez moi. Après tout, c’est peut-être moi qui ne mérite pas mieux que ça…