Looking cool, Joker !

Après deux parties terminées, je peux sans aucun doute prononcer mon avis sur ce jeu. Le constat est que Persona 5, dernier opus de la série de JRPG dérivée des Shin Megami Tensei (abrégé SMT par la suite), développé par Atlus et sorti en 2017 après de nombreux reports, a bel et bien volé mon cœur !

On peut déjà commencer par la réussite la plus apparente du jeu : si l'on oublie les cinématiques de qualité médiocre, tout est réalisé de manière propre et cohérente, des graphismes à la musique. Tout est très bien intégré à l'univers du jeu. Nos voleurs fantômes sont ainsi accompagnés par les excellentes compositions jazzy de Shoji Meguro, ainsi que par une interface d'un rouge particulièrement classieux, couleur dominante de cet opus.

Elle brille d'ailleurs tout autant par son accessibilité et sa fluidité grandement améliorée en comparaison des opus précédents de la série. Les combats sont les premiers bénéficiaires de cette interface, qui permet de choisir son type d'attaque d'une simple pression de bouton et non à travers un quelconque menu maladroitement assemblé. De ce fait on a accès à nos options très rapidement : le rythme du combat est défini par le temps de réflexion du joueur et non par le temps passé à naviguer dans les menus.

Et grâce à cette fluidité, on peut apprécier l'excellent équilibrage et la complexité dont les combats de Persona 5 jouissent. Le jeu permet aussi bien au joueur novice de se frayer un chemin dans le jeu à l'aide des mécaniques de base qu'au joueur expérimenté de prendre du plaisir au combat en diversifiant les manières possibles de battre un ennemi. Cela se fait à travers de nombreuses mécaniques de combat, dont aucune n'est totalement inutile ou situationnelle.
Cependant si j'ai un reproche à faire au système de combat, c'est l'intérêt assez limité du système de négociation. L'idée de base est bonne, on nous donne le choix entre 4 options lorsque tous les ennemis sont en position de faiblesse : faire une "all out attack", une attaque puissante, qui a de grandes chances d'achever votre ennemi, et négocier avec l'ennemi, pour le recruter, récupérer un objet ou gagner de l'argent. On se retrouve cependant souvent à délaisser les deux dernières options, par manque de récompenses adaptées au risque que l'on prend si la négociation échoue.
Ainsi, les combats, malgré les défauts cités ci-dessus, restent à mes yeux extrêmement bien équilibrés, accessibles, grâce une palette de coups très étoffée, en offense comme défense.

Ensuite, parlons des donjons dans lesquels se déclenchent ces combats, les "Palaces".
Déjà, gros point fort comparé aux précédents opus, nous avons le droit à des donjons aux plans prédéfinis et au style marquant, avec des structures de progression globalement intéressantes qui varient de donjon en donjon.
Mais si je dis globalement, c'est parce que ces donjons restent à mon goût encore trop linéaires. Même si il y a dans ces donjons de bonne idées dans le scénario et les mécaniques de jeu, mises en place afin de les différencier et de faire des pauses bienvenues dans la progression, il n'aurait pas été mauvais d'approfondir ces idées pour apporter à chaque donjon une véritable touche d'originalité...
On retrouve ce manque de développement des idées dans la mécanique de discrétion, beaucoup trop simple pour être intéressante et pourtant indispensable. On passe juste la plupart du temps à se mettre en couverture, attendant que l'ennemi revienne vers nous pour le prendre en embuscade... C'est ennuyeux et ça rend pas le principe de niveau d'alerte du palace très inquiétant, vu qu'il sera difficile de faire autre chose que des embuscade en utilisant cette mécanique.
Pour ce qui est du Mementos, le donjon "spécial" du jeu, généré procéduralement, dont les étages se dévoilent au fur et à mesure que le joueur avance dans le jeu, je trouve son utilisation parfaitement exécutée. Il offre un endroit parfait pour grind, les "Palace" linéaires étant plutôt inadaptés à la tâche. Il permet en plus de résoudre les quêtes secondaires de manière plutôt agréable malgré le fait qu'elles soient répétitives. En effet, contrairement à la plupart des quêtes secondaires de JPRG où après une séance de combat intense contre des monstres de l'enfer, le héros se retrouve à livrer du merlan frit pour le poissonnier du village, celles de Persona 5 sont justifiées scénaristiquement et participent à notre implication dans l'univers du jeu.
Ainsi, à l'exception du Mementos et du palace "du désert", qui arrive en milieu de jeu, les défauts de ces donjons se résument au fait qu'Atlus n'a pas su choisir entre guider scénaristiquement le joueur ou le laisser explorer librement l'endroit pour se frayer un chemin jusqu'au trésor. On se retrouve alors avec des donjons relativement fades, même si meilleurs que ceux des précédents opus.

La partie relevant du Metaverse étant mise de côté, intéressons nous maintenant à la partie "tranche de vie" du jeu.

D'abord, les personnages, sont, je trouve, assez réussis, même si certains souffrent de leur stéréotype. Je pense notamment à Ann, qui pourrait être un bien meilleur personnage si Atlus n'avait pas à tout prix voulu la rendre "girly". Ils se sont rendu compte en écrivant ses dialogues que ce caractère serait vite ennuyeux sur le long terme et ont décidé de ne le laisser paraître que rarement, hors des lignes de dialogues correspondant à l'histoire principale. Cependant, cela rend un personnage qui était, avec les dialogues principaux, intéressant et juste ce qu'il fallait de divertissant, légèrement ennuyeux et peu cohérent.
Un autre point faible est le manque de développement des relations amoureuses : les rencards sont malheureusement un peu vides et sont une perte de temps car non intégrés à la progression du personnage. Il y a aussi le fait que l'on ne puisse pas avoir de relation avec les personnages du même sexe, qui pourra aussi être gênant pour certains joueurs.
Mais Persona 5 réussit malgré tout à nous donner majoritairement des personnages à la fois divertissants et intéressants, aux personnalités diverses.

Ensuite, qui dit Persona, dit gestion du temps, et dans le 5, comme dans les opus précédents, mettre ses stats sociales ainsi que ses confidents au max en une partie est possible. Mais il est alors impératif de savoir à quels personnages parler en priorité, et à quelles mécaniques faire appel pour faire avancer les niveaux rapidement. Cela implique l'usage d'internet. Je ne pense cependant pas que ce soit pour autant un problème vu que ce n'est pas non plus un calendrier strict à suivre jour par jour.

De plus, le monde "normal", recréation de Tokyo, est réalisé avec une attention au détail saisissante et rend particulièrement bien dans le style graphique de Persona 5. Séparé en plusieurs zones, le voyage rapide permet heureusement de les relier sans avoir à se perdre dans les couloirs du métro de Shibuya virtuel. Les écrans de chargement sont particulièrement soignés et les temps d'attente, vraiment corrects pour de la PS3. Un des seuls défaut que je trouve à ce monde est de ne pas permettre au joueur d'aller seul dans les zones où il peut pourtant aller en invitant des confidants, ce qui donne parfois l'impression d'être muselé...
Les graphismes, même si il n'y a pas des reflets en temps réels et des ombres en 4k partout, restent jolis et s'accordent bien avec le style de cet opus, entre manga et réalisme.

Finalement, un autre aspect réussi est l'aspect sociétal, avec les sondages réguliers de la population et leur impact dans les évènements du jeu. Tout cela rend le monde de Persona 5 plus crédible et contribue à vous y immerger encore plus. Cet aspect possède d'ailleurs un lien intrinsèque à la notion fondamentale du jeu, la liberté. Exposée sous différentes formes, au fur et à mesure qu'on complète le jeu, on pourra ainsi, pour peu que l'on soit intéressé par la philosophie, repérer un peu de dialectique du maître et de l'esclave de Hegel, ou des passages poussant à réfléchir sur la notion de justice prônée par le jeu, etc. etc.

Mais pour l'instant, vous aurez remarqué que beaucoup de défauts sont recensés pour une note finale de 9/10...

Alors pourquoi cette note ? Tout simplement parce que ces défauts ne me semblent pas si importants que ça : si les palaces font preuve d'une exécution hasardeuse, ils sont visuellement loin d'être inintéressants à parcourir et les passages scénarisés permettent de continuer à garder l'attention du joueur dans sa progression . Si certains personnages souffrent de leurs stéréotypes, cela ne vient pas entacher l'histoire principale, que je trouve d'ailleurs excellente.

En conclusion, Persona 5 est un jeu qui brille du début à la fin par ses qualités non seulement en tant que JRPG mais aussi en tant que jeu vidéo, malgré des erreurs pourtant apparentes. Ainsi je ne peux que recommander ce titre à toute personne s'intéressant de près ou de loin au jeu vidéo et espère que le titre servira à de nombreux gens d'introduction au JRPG, genre encore trop méconnu en Europe.