Ma première impression de SOTC aura été celle d'un jeu vide et linéaire, c'était un à priori plutôt négatif jusqu'a ce que je comprenne que c'était là deux de ses qualités. Peu à peu je me suis laissé happer par ces immenses pleines désolées sur la surface desquelles l'ombre est la lumière se disputent leur place. SOTC c'est d'abord une impression d'immensité jamais vue sur un jeu tournant sur une console, en tout cas sur PS2. Tout semble surdimensionné, à commencer par le splendide viaduc que Wander montant Agro, son fidèle cheval, et portant Mono, sacrifiée à cause de son destin maudit, traversent pour pénétrer dans les terres interdites où nul homme ne doit fouler le sol. Le sanctuaire, immense lui aussi, abrite seize statues représentant chacune un des colosses que Wander devra affronter et terrasser pour espérer ressusciter sa bien aimée, et à l'extrémité se trouve un autel où il déposera son corps inerte, habillée d'une robe immaculée brillant d'un éclat presque surréaliste.

La mystérieuse voix de l'énigmatique Dormin semblant provenir des hauteurs du sanctuaire, à un emplacement bien précis : un puit de lumière, nous indiquera la marche suivre pour redonner vie à Mono. Cette indication est on ne peut plus simple, puisqu'il s'agit d'exécuter tous les colosses les uns après les autres, et la belle devrait revenir d'entre les morts. Dit comme ça, ça a l'air d'un parcours de santé mais il n'en sera rien car les colosses dont il est question dépassent pour la plupart plusieurs dizaines de mètres et Wander semble minuscule face à eux et à leur ombre menaçante.

Tout se jouera dans l'ascension des impressionnants autant que magnifiques colosses et cela ne sera pas toujours chose aisée, car il faudra en plus trouver leur point faible, ou leur talon d'Achille en quelque sorte, et souvent cela s'avèrera extrêmement périlleux, car si le premier colosse est relativement simple à escalader pour trouver son fameux sigil, la tâche se complexifiera au fil des combats.

Dès la première victoire, on ressent un paradoxal mélange de fierté et de tristesse, et même si ce n'est pas forcément une première dans le domaine vidéo ludique (je n'ai pas d'autres exemples à donner, cela aura donc été ma première expérience de ce type), c'est ici particulièrement poignant, le tout accompagné par la musique de Kō Ōtani qui reflète bien l'aspect tragique de la situation de notre héros : abattre ces créatures magnifiques et gigantesques qui ne demandaient rien pour ressusciter notre bien aimée, voilà qui soulève un sérieux problème moral. D'ailleurs, Wander ne sortira pas indemne de ces combats, l'aspect de son visage changeant durant la progression de la mission qu'il s'est lui même lancée.

La structure de SOTC est très simple et linéaire ; il s'agit de vaincre les colosses les uns après les autres, je l'ai dit, mais encore faut-il les trouver dans cet immense territoire. Je ne sais si c'est vrai ou pas, mais j'ai lu quelque-part que la surface du monde du jeu est à peu-près équivalente à celle de New-York, autant vous dire qu'Agro vous sera de grand secours pour parcourir ces plaines qui n'en finissent pas et ces chemins creusés dans les montagnes dans lesquels la lueur de l'épée ne brille plus pour nous indiquer quelle voie prendre pour rencontrer un nouveau colosse. N'allez pas croire que cet aspect du jeu est ennuyeux, non, il est véritablement enchanteur, et chevaucher ce magnifique équidé dans cet espace vide à perte de vue est source d'un réel plaisir.

SOTC est presque un monde ouvert, en tout cas sa taille en donne l'impression. Mais il n'en est rien, et plusieurs zones du jeu semblant accessibles de prime abord, ne le sont en fait pas. Quelle n'a pas été ma déception, lorsque ayant terminé le jeu un certain nombre de fois pour obtenir le parachute, pensant pouvoir me jeter du haut d'une falaise et atterrir plus bas au niveau de chutes d'eau, je n'ai récolté qu'une mort sans même avoir touché l'eau. il y a donc des murs invisibles un peu partout, et nous ne pouvons pas escalader les falaises. C'était trop en demander à la PS2 qui crachait déjà ses tripes lors des combats dantesques contre les titans avec un framerate souffreteux et un peu exaspérant par moments, il faut bien le dire.

SOTC est en tous points un pur chef d'œuvre pour qui est sensible à la poésie, à un gameplay osé et original pour l'époque, et aux moments simples de contemplation (le mode photo dans le remake ps4 est un vrai plus pour capturer des superbes panoramas). Pour ma part ce jeu à transformé ma vision du monde vidéoludique, on est avec lui passés à un autre niveau, SOTC mérite son rang d'œuvre d'art interactive, rien de moins.

Electrocouak
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le 9 juin 2024

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