Le plein de super
Dès les premières secondes où l'on a le contrôle de Link, c'est la claque. Je n'étais pas sûr de prendre la Switch quelques jours encore avant sa sortie, mais j'apprécie les licences Nintendo,...
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le 15 mars 2017
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Jeu de Nintendo EPD, Monolith Software, SRD et Nintendo (2017 • Nintendo Switch)
Cette critique a pour but d’expliquer pourquoi j’ai tant apprécié Breath of the Wild. Essayer de mettre en lumière les raisons qui font que ce jeu a su capter mon attention et m’impliquer bien plus que n’importe quel autre jeu d’action-aventure. Voire n’importe quel autre jeu tout court.
Il faut donc s’attendre à des propos dithyrambiques de ma part, puisque, pour déduire les qualités du titre qui ont tant résonné avec moi, je compte m’appuyer exclusivement sur mon ressenti qui, vous l’aurez deviné, est extrêmement positif. Je nuancerai peut-être un peu à la fin, mais vous savez maintenant à quoi vous attendre.
Mon ressenti, donc. Si je devais le définir, il tournerait sûrement autour d’un axe principal, un fil rouge, qui revient à chaque fois que je me pose la question “Qu’est-ce que tu as tant aimé dans ce jeu ?” : La notion d’aventure, de voyage.
Voyez-vous, si je devais deviner quel a été le leitmotiv des personnes ayant conçu BotW, l’idée à l’origine du jeu et la philosophie qui a imprégné chaque décision, ce serait sans aucun doute cette notion d’aventure. Mais d’aventure “crédible”. J’ai l’impression que l’objectif que le jeu a derrière la tête en toute circonstance, c’est de maximiser la sensation d’entreprendre un véritable voyage, et de minimiser la sensation d’être en train de jouer à un jeu vidéo et d’accomplir des tâches “pour avancer dans le jeu”. BotW se veut être une expérience immersive. Et cela ne passe pas par une notion de réalisme à toute épreuve, loin de là, mais j’y reviendrai. En tout cas, la magie a totalement opéré sur moi.
Mais comment le jeu s’y prend t-il ? Il y a selon moi un grand nombre d’éléments qui s’imbriquent pour parvenir à ce résultat, et je ne serai sûrement pas exhaustif dans cette critique.
Je commencerai donc par l’aspect le plus évident : la structure de l’aventure.
Comment rendre un voyage vidéoludique plus immersif et crédible que n’importe quel autre ? Après avoir joué à BotW, la réponse est évidente. Il faut permettre au joueur de planifier son voyage de A à Z. J’opposais plus tôt la sensation de voyage de BotW avec celle d’effectuer des tâches prévue par les développeurs pour pouvoir boucler le jeu. Breath of the Wild balaye ce problème en proposant une structure en apparence très simple.
C’est tout.
Dans Breath of the Wild, lorsqu’on accomplit une tâche, disons se rendre d’un point A à un point B, on ne le fait pas parce que le jeu nous a demandé de le faire pour progresser. On le fait parce qu’on a pris en compte notre objectif à long terme (vaincre Ganon et finir le jeu), nos sous-objectif à court terme, et qu’on a pris une décision sur la marche à suivre. Ca change tout. C’est ce qui constitue la notion de voyage plausible que j’abordais plus tôt : lors d’un voyage, on dicte nous même les étapes. Rien que ce simple fait a suffit à propulser mon implication dans le jeu comparé à tous les autres jeux d’action-aventure, y compris les autres Zelda. Bien sûr, cette implication passe aussi par l’univers, l’ambiance, le contexte et les enjeux. Mais je reviendrai sur ces points plus tard, car la structure même du jeu mérite qu’on s’y attarde encore un peu.
Pour permettre cette liberté de décisions, BotW a eu une idée très audacieuse (d’autant plus pour un Zelda) : Celle de détruire entièrement la barrière entre quêtes principales et quêtes secondaires. Alors certes, dans les menus, une distinction est faite entre les deux. Maintenant dans la pratique, libérer les quatres créatures divines et récupérer la Master Sword n’est pas un moyen plus valable de terminer le jeu que de chercher de bons équipements, ramasser énorméments d’ingrédients des quatres coins d’Hyrule, et cuisiner des plats pour se booster à mort lors de l’affrontement final. Il n’y a pas d’activités principales et secondaires, seulement des activités qui permettent, d’une façon ou d’une autre, de se rapprocher de l’objectif du voyage. Ca permet au jeu d’avoir un rythme parfait, car dicté par le joueur lui même.
Nous sommes bien d’accord que dans les faits, personne n’a skip entièrement les donjons lors de sa première partie, mais encore une fois tout est une question de ressenti et d’immersion. Comme tout le monde, j’ai fait la “quête principale”, mais je l’ai faite de mon plein gré, et dans un ordre entièrement dicté par moi et ma curiosité.
En plus de ça, l’idée d’avoir une multitude de façons de résoudre un problème ne s’applique pas uniquement à l’échelle du jeu entier, mais à toutes les échelles. Ce sujet a suffisamment été mentionné par tout le monde sur Internet, mais les moments où l’on arrive à résoudre un problème avec notre propre solution contribuent à l’immersion dans l’aventure, en plus de créer des moments forts et mémorables et de participer à la gigantesque diversité de situations offerte par le jeu. Pendant mon aventure, j’étais sans cesse entrain de planifier mon parcours, de gérer mes ressources, tout en étant constamment bombardé de découvertes et situations diverses et inattendues. Je sentais réellement l’écoulement du temps lorsque je rentrais me reposer à un relais après avoir vécu une autre journée remplie de péripéties uniques à ma partie.
En parlant de ce côté unique de ces péripéties rencontrées, il est entre autres permis par l’efficacité et la profondeur du système de jeu, qui a déjà été longuement discutée, mais que j’aimerais tout de même aborder rapidement. Je veux bien sûr parler des interactions permises par le moteur physique en conjonction avec de nombreuses mécaniques de gameplay (escalade, capacités de la tablette Sheikah etc…) . Le fait de donner toutes sortes d’outils pour s’amuser avec le moteur physique dès le début du jeu permet un grand éventail de possibilités pour expérimenter par soi même, que ce soit en terme de résolution d’énigmes, de combat ou de navigation.
On peut donc entamer le contenu du jeu dans n’importe quel ordre et de n’importe quel façon suivant nos propres décisions, et c’est sans doute ce qui m’a tant impliqué dans l’exploration. Mais ce contenu se doit aussi d’être intéressant, et c’est heureusement le cas. Le concept des sanctuaires est génial, car il est tellement malléable qu’il a permis aux développeur d’implémenter toutes sortes d’idées complètement folles, tout en restant cohérent du point de vu de l’univers (puisqu’il s’agit simplement d’épreuves prévues par des moines millénaires momifiés pour tester le héros).
Combinez ça avec les possibilités de gameplay que j’ai abordées plus tôt, et vous aurez une idée de ce que j’entends par “diversité des situations”. Je n’ai jamais vu un jeu solo avec un contenu à la fois aussi divers et généreux, tout en restant pertinent en terme de progression du joueur, et cohérent en terme d’histoire et d’univers. Et ne me lancez même pas sur le sujet de l’île Finalis. Évidemment qu’une aventure parsemée de ce genre de moments par centaines allait me faire rêver.
Un autre élément permettant cette immersion sans faille est le système de progression. BotW fait le choix de ne pas entraver le parcours du joueur par des barrières artificielles (les classiques zones interdites d’accès avant d’avoir atteint un certain niveau par exemple). Cela est évidemment indispensable pour que la philosophie du jeu soit respectée, mais ça entraîne de grosses contraintes au niveau de la progression du joueur.
Premièrement, le joueur risque de se retrouver face à des ennemis beaucoup trop puissants pour lui. BotW choisit d’ignorer ce problème qui n’en est en faite pas un : Des ennemis trop puissants contribuent :
Deuxièmement, et c’est un problème beaucoup plus délicat, il devient difficile d’empêcher le joueur de devenir trop puissant trop rapidement. En effet, rien n’empêche le joueur de parvenir à tuer un ennemi puissant (disons, un Lynel) et de récupérer un équipement lui aussi trop puissant. C’est extrêmement problématique puisque permettre au joueur de progresser trop rapidement peut supprimer le challenge et ainsi retirer un bon nombre des péripéties de l’aventure.
C’est là qu’intervient l’idée géniale qui résout au moins 3 problèmes à la fois : la durabilité des armes. Sans ça, BotW n’existerait pas tel qu’on le connaît. D’abord, cette mécanique résout instantanément le problème de la progression : si un joueur tue un ennemi trop puissant, il profite d’un avantage bien mérité (le bon stuff), mais celui ci n’est pas durable puisque l’arme se cassera au final. Ensuite, cela ajoute un aspect gestion des ressource simple mais efficace qui oblige le joueur à “faire avec ce qu’il a” en permanence (dans notre exemple, le joueur choisira peut être de garder cette arme puissante pour l’utiliser au moment opportun). Cela nous ramène encore à cette diversité des situations, car un tel système ne manquera jamais de générer à l’infini des moments mémorables propres à chaque joueur. Comment oublier les nombreuses fois où, simplement pour économiser une bonne arme, j’ai mené des combats en exploitant uniquement le moteur physique et l’environnement qui m’entourait ?
Enfin, cette mécanique ajoute un intérêt supplémentaire à l’exploration, car la ressource principale de l’arsenal de Link (les armes) est un consommable. On est donc toujours heureux d’en trouver de nouvelles lors de nos pérégrinations et c’est un des multiples aspect qui poussent à dévier systématiquement de son objectif actuel pour se perdre dans Hyrule.
Maintenant qu’on a abordé la structure de l’aventure qui la rend si immersive, je dois aussi mentionner l’aspect plus artistique. Ces choix de game-design ne feraient pas autant mouche sans un enrobage digne de ce nom, un contexte propice au voyage.
En parlant de contexte, commençons par le plus évident : le lieu.
La map de BotW est un de ses plus grand atouts. Tout d’abord, sa grande taille est très adaptée car elle permet d’aérer un maximum l’espace entre les points d’intérêts, donnant ainsi l’impression d’un vrai voyage à travers de longs trajets dans des zones épurées. Ces moments de trajet purs étaient pour moi de très bon moments de calme ou de réflexion : je pouvais simplement profiter de la vue, de l’ambiance incroyablement bien retranscrite de la nature sauvage, ou bien réfléchir posément aux prochaines étapes de mon voyage. L’ambiance en question est par ailleurs somptueuse. Comment ne pas avoir envie de se perdre dans ce monde futuriste mais en ruine, où la nature a repris ses droits, avec ses couleurs chatoyantes, ses effets de lumières, ses reliefs en tous genres et ses panoramas à couper le souffle ?
Le travail sur la direction artistique est incroyable, comme en témoigne les centaines de photos de paysages que je n’ai pas pu m’empêcher de prendre, et il était très important que ce point soit aussi réussi.
Au delà de l’aspect visuel, je tiens à souligner la question de l’ambiance sonore. Le sound design retranscrit parfaitement l’aspect “balade dans la nature”, avec des musiques qui savent se mettre en retrait pour laisser places à des bruitages particulièrement réussis (vent dans les herbes, animaux, bruits de pas…), mais qui ont aussi l’art d’apparaître de façon très élégante au moment opportun. Des quelques notes de piano mélancoliques occasionnelles, aux bois apaisants lorsqu’on atteint le sommet d’une montagne et qu’on profite enfin de la vue après un dur moment d’escalade, en passant par l'apparition progressive de la musique lorsque le calme revient après un orage. L’aspect sonore lors de l’exploration en pleine nature est très maîtrisé et contribue énormément à l’immersion. Une très belle interprétation consiste à penser que ce “squelette” de musique composé de notes éparse représente l’état du monde: la musique est brisée comme Hyrule en ruine (cf la musique du temple du temps).
Mention spéciale
Puisque je vous parle d’aventure et de voyage, je dois aussi parler des enjeux de ce dernier, et donc de scénario et de narration. Naturellement, il était difficile dans un tel jeu de raconter une histoire de façon ordinaire. L’idée, assez ingénieuse, qui a été mise en place pour tout de même raconter une histoire est de narrer des évènements passés (en l'occurrence, des évènements qui datent de 100 ans auparavant). La façon dont cette narration est intégrée n’est peut-être pas parfaite, mais je la trouve assez élégante. Il s’agit de cinématiques représentant les souvenirs d’un Link amnésique, qu’il faut retrouver en localisant les endroits précis où ont été prises des photos enregistrées dans la tablette Sheikah. Ces cinématiques, en plus d’être sympathiques à suivre, contribuent à donner du poids à l’aventure en lui donnant un côté intimiste qui colle à la perfection avec l’ambiance mélancolique générale. En plus de ça, cette quête arrive à donner encore un intérêt supplémentaire à l’exploration (comme s’il n’y en avait pas assez), puisque la manière de débloquer les cinématiques est unique en elle même. C’était toujours un grand plaisir d’observer les photos dans les moindres détails et d’essayer des les situer par rapport aux nombreux points de repère dont fourmille la carte du jeu (les monts géminés, le château d’hyrule ou les bois perdus pour n’en citer que quelques uns).
La seconde forme de narration qu’emploie le jeu, et qui fonctionne tout aussi bien, est environnementale. Hyrule nous raconte son histoire à travers ses environnements, ses ruines, ses PNJ, ses journaux et ses villages. La découverte d’un de ces détails est souvent un moment assez marquant.
La muraille d’Elimith entourée de carcasses de gardien, dernier rempart des soldats d’Hyrules pendant la Calamité. Le journal intime du roi dans une salle cachée de la bibliothèque du château en ruine, relatant ses remords à être aussi exigeant envers sa fille.
Ou encore le gigantesque trou percé dans la montagne d’Hebra qu’on devine être la conséquence d’un tir de créature divine 10 000 ans auparavant.
Des détails de ce genre, il y en a des centaines et on pourrait passer des heures à les énumérer. D’ailleurs j’en découvre encore régulièrement en me promenant sur Internet Le soin apporté à cet aspect des environnements est juste infini et joue un grand rôle dans la crédibilité du monde que l’on explore.
En résumé, une narration sobre et en retrait, mais extrêmement efficace et soignée, avec une attention aux détails assez incroyable lorsqu’on s’y intéresse.
Pour finir, j’avais promis de nuancer, donc je vais citer l’élément qui m’a le plus déçu. Il y a beaucoup de critiques récurrentes sur le jeu avec lesquelles je suis en désaccord. Mais je suis parfaitement d’accord avec celle concernant la pauvreté du bestiaire. Un bestiaire plus conséquent aurait réellement apporté un plus en termes de surprises, de découverte et de diversité de situation, ce qui est dommage pour un jeu qui fait de ces qualités son fer de lance. Enfin bon ce n’est pas gravissime non plus.
Il est maintenant temps de conclure cette critique. Je me rends compte que je n’ai même pas abordé certains points essentiels, comme le génie de level design, le duo escalade/paravoile qui est en parfaite adéquation avec celui ci et qui mériterait un paragraphe à lui seul, ou encore le feel de la navigation qui est un véritable plaisir. Mais cette critique commence à être un peu longue et il y a suffisamment de vidéos traitant de ces sujets.
Mais en résumé, BotW est peut-être l’expérience de jeu vidéo qui m’a le plus marqué. Tout a l’air taillé sur mesure pour me vendre du rêve à la pelle, et vous ne pouvez pas savoir à quel point j’attends sa suite. Si vous vous lancez dans le jeu et que vous accrochez autant que moi, alors profitez bien. C’est pas tous les jours qu’un jeu vidéo nous fait autant voyager.
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Créée
le 21 déc. 2019
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