SPOILERS DES TROIS SAISONS
Une note seule revêt peu de valeur dans l’appréciation, surtout quand la plupart de mes notes sont des 7/10. Des arguments et des clarifications sont nécessaires avec un tel jeu : cette saison 3 du jeu vidéo de Telltale représente à la fois une bonne expérience et une déception.
Impossible d’évaluer cette troisième saison sans faire référence aux deux premières, en particulier la seconde. Évident s’il en est : il semblerait que les développeurs aient tenté « d’améliorer » leur jeu en « écoutant » les fans. Parce que là où la saison 1 avait conquis bon nombre de foules, la saison 2, que j’ai adorée, avait plus divisé… Comme la saison 3, finalement. C’était bien la peine d’éviter certaines erreurs pour en reproduire d’autres.
Des gens qui n’ont donc rien compris au personnage de Clementine ont altéré son parcours. Tout l’intérêt de l’incarner dans la saison 2 était de montrer combien elle avait évolué auprès de Lee et qu’elle était devenue une véritable survivante, bien plus mature et responsable que la plupart des adultes. Comment ont réagi certains fans ? « Ouin ouin on joue une petite fille »… Sérieusement ? Il était logique qu’on puisse enfin l’incarner après l’avoir protégée pendant une saison, c’était la continuité inévitable, mais d’aucuns ne l’ont pas réalisé dans ce monde d’insatisfait… Ces fans ont donc eu ce qu’ils souhaitaient : on ne joue Clementine que lors de flash-backs de cinq minutes par épisode. Paradoxalement, ces flash-backs sont parfois les moments les plus intenses du jeu, bien que le choix final de la saison 2 ait été trop vite réglé.
Cette saison 3 représente donc un nouveau départ. On incarne Javier qui, à défaut d’être aussi attachant que Lee ou Clementine, s’avère sympathique et s’insère à merveille dans cette histoire. On n’a pas su éviter quelques clichés sur les hispaniques en soulevant l’importance de la famille, les belles valeurs et tout ça… Succinctement résumé, cette saison 3 consiste en un drama familial très bien écrit mais qui supplante un peu tout le reste.
Il y a une bonne tentative de se distancier des deux premières saisons. L’introduction de Jesus, personnage important du comic book, permet d’établir un nouveau pont avec ce dernier depuis l’apparition de Glenn il y a bien longtemps. Quatre ans d’apocalypse ont emporté la plupart des plus faibles ou moins adaptés à la survie, aussi les survivants sont des individus « chevronnés » que rien n’arrête. Il semblerait qu’une aura de « badassitude » enveloppe les personnages de ce jeu à un degré tel que ça me paraisse un poil exagéré. La saison 2 avait vu presque tous les personnages succomber l’un après l’autre quels que soient les choix du joueur alors que la saison 3 en laisse survivre beaucoup jusqu’à la fin :
] Passé la mort « choc » de Mariana à la fin de l’épisode 1, il faut attendre la fin de l’épisode 4 pour qu’une nouvelle mort « obligée » survienne. Je pense notamment à Conrad qui peut mourir dans chaque épisode à partir de l’épisode 2 mais peut survivre jusqu’à la fin (bon dans ma partie il est mort à la fin de l’épisode 4 parce que j’ai raté un QTE, oui c’est possible…). Une bonne surprise survient à la fin de l’épisode 4 justement avec le choix d’épargner Ava ou Tripp qui est retourné contre nous puisque le jeu tue celui qu’on a choisi d’épargner… Fourbe mais bien placé, quoiqu’annulé par la mort du survivant du choix dans l’épisode 5. Et il y a finalement beaucoup de possibilités quant à ce qu’il advient de Kate ou David. Mais l’impression de « happy end » survient en vue du nombre de survivants de ma fin : Javier, Gabe, David, Eleanor, Clementine, plus que quelques autres… Jamais il n’y a eu autant de survivants !
La saison 3 se rapproche aussi du comic book par le stade « d’évolution » de la situation. On ne survit plus en petits groupes sur la route, on survit en grandes communautés bien protégées où, plus que jamais, les pires ennemis de survivants sont les autres survivants et non les rôdeurs qui représentent la menace principale. L’essentiel du jeu se déroule donc dans ces villes fortifiées, d’abord à Prescott puis à Richmond. Si des nouvelles thématiques sont abordées, certains poncifs sont recyclés, ce qui m’amène à la question : combien de temps ce concept peut-il tenir ? Il est ardu de le renouveler en permanence. Car le jeu comme le comic book et la série s’engouffrent dans ce même problème de redondance…
En terme de scénario, l’écriture globale m’a paru bonne quoique pas assez mémorable. Bien sûr que des scènes déchirantes agrémentent le récit mais elles sont trop peu nombreuses comparé aux deux premières saisons. La faute à un rythme trop inégal selon moi : les épisodes semblent alterner entre des passages « vides » et des scènes importantes, comme s’ils remplissaient un banal cahier des charges. Je note pourtant des changements tout à fait appréciables : les flash-back de début d’épisode bénéficient le développement des personnages et l’amélioration technique permet une mise en scène plus cinématographique ainsi qu’une action beaucoup plus fluide. Cependant, forme et fond doivent se combiner avec harmonie, or ce n’est pas trop le cas ici. Là où l’épisode 2 reste intense tout du long, l’épisode 3 contient surtout une scène mémorable (la vengeance de Javier) et son final manque de punch, l’épisode 4 est assez vide hormis sa fin « choc », et l’épisode 5 calque un peu trop sur celui de la saison 2… Où sont les larmes ? J’ai pris du plaisir à jouer mais j’ai rarement été scotché à mon siège…
Qu’en est-il de l’écriture des personnages ? Je dois prendre au cas par cas… Et je dois avouer que certains développements me laissent dubitatifs. J’ai d’abord peiné à appréhender Clementine au début, qui me semblait distante et antipathique vis-à-vis de Javier, mais c’était justifié par leur première rencontre et ils ont bien su jouer de son personnage pour qu’elle reste importante en s’intégrant bien dans l’histoire. Mais ce n’est pas aussi bien que de la jouer en permanence… Je reste dubitatif quant aux personnages de Prescott, surtout Tripp et Eleanor. Tandis que le premier possède un développement assez bizarre (le personnage change d’humeur à chaque scène, tantôt guilleret tantôt hargneux), on nous a fait miroiter la deuxième pour rien puisque son utilité reste secondaire et qu’elle ne bénéficie même pas d’une conclusion satisfaisante. Restent une Ava plutôt sympathique et Joan en antagoniste réussie aux motivations assez crédibles.
Mais la famille importe avant le reste, n’est-ce pas ? On pouvait reprocher à la saison 2 que Kenny et Jane éclipsent tous les autres personnages et on retrouve ici un problème similaire avec « la familia ». Mais comme dans la saison 2, ce défaut est aussi une qualité. Javier vit au travers de sa famille, c’est ce qui l’exhorte à rester en vie. David et Kate sont au cœur de ses choix et tous deux réservent de bonnes surprises quant à leur développement. Le jeu maîtrise plutôt cet aspect-là car ils sont su décrire les personnages dans toute leur complexité sans s’engouffre dans quelque cliché que ce soit. Des personnages actifs, émotifs, bref, ils font tout le sel de cette saison !
A New Frontier risque de faire pâle figure comparé à ses prédécesseurs. On peut l’imputer sur de nombreux points : moins de scènes marquantes, une écriture inégale et recyclage de poncifs des précédentes saisons. Il demeure un jeu bien écrit et qui essaie d’assurer jusqu’au bout, où l’efficacité continue de côtoyer le plaisir malgré les déceptions. La qualité semble baisser de saisons en saisons… Pourtant, il me tarde de découvrir cette saison finale.