282 livres
créée il y a presque 10 ans · modifiée il y a 29 joursJacques Maritain, Yves Simon : correspondance (2012)
Les années américaines (1941-1961)
Sortie : 15 avril 2012. Correspondance
livre de Jacques Maritain et Yves Simon
Annotation :
Mais quoi si les chrétiens ne vont pas porter le débat devant les masses, qui d'autre l'y portera? Qui écoutera si personne ne parle? Si les chrétiens refusent de parler là où s'offre à eux la moindre chance d'être écoutés, comment leur voix jamais sera-t-elle entendue? Comment les hommes, séparés de nous par des murailles de préjugés séculaires tiendront-ils compte de notre foi, si, au lieu de rendre honneur à leurs âmes, à leurs aspirations, à leurs inquiétudes spirituelles, nous restons retranchés dans je ne sais quel isolement pharisaïque? A de telles questions, la réponse est claire. Mais la chose ne se fait pas sans peine et sans maintes difficultés, à cause du malentendu éternel entre le monde et le chrétien. Ce que le monde demande aux chrétiens, ce qu'il attend d'eux, c'est de se jeter tout entiers comme une force d'appoint dans les armées de colère constamment mobilisées par ses contradictions, et qui le ravagent, et qu'il aime. Le monde, bien pensant ou mal pensant, le monde de la conservation sociale ou le monde de la révolution, le monde attache sur les chrétiens son triste regard de Minotaure. Avec quelle atroce tendresse, avec quelle envie il suit leurs mouvements, attend un regard de réponse.
La réponse n'est jamais comprise. Là où Dieu lit amour, le monde lit complicité. Le monde croit que son propre désir est compris, qu'il va engloutir une image de Dieu dans son « ventre ténébreux », comme dit saint Jean de la Croix. Le chrétien croit que son propre désir est compris, que le message transmis par lui va être reçu du monde. Nous ne sommes pas là, comme un barthien le croirait, en face d'une tragédie sans issue, d'une antinomie irréductible. L'antinomie se résout par la dialectique de la douleur.
Le chrétien ne donne pas son âme au monde. Mais il doit aller au monde, il doit parler au monde, il doit être dans le monde et au plus profond du monde je ne dis pas seulement pour rendre témoignage à Dieu et à la vie éternelle, je dis pour aussi faire en chrétien son métier d'homme dans le monde, et pour en dépit de la grande méprise dont je viens de parler, au sein même de cette méprise. faire avancer la vie temporelle du monde vers les rivages de Dieu. Et dans le monde et au plus profond du monde, il doit contre le monde maintenir intacte une double indépendance premièrement, celle de sa foi, de la parole de Dieu, des vertus dirigées vers la vie éternelle; secondement, celle aussi de son activité temporelle de chrétien, l'indépendance de ce
Lettre à Jacques Maritain - Réponse à Jean Cocteau (1983)
Sortie : 1983 (France). Correspondance
livre de Jean Cocteau et Jacques Maritain
Annotation :
suite du précédent
qu'en donnant au mot « politique » toute l'ampleur que lui donnait un Aristote, on peut appeler les vertus politiques chrétiennement dirigées vers la vie temporelle et le bien de l'humaine civilisation.
Lettre à Laurence
Sortie : 1987 (France). Correspondance
livre de Jacques De Bourbon-Busset
Fabrizio_Salina a mis 7/10.
Annotation :
"Je voudrais montrer que l'on s'accomplit en aidant l'autre à s'accomplir. L'individu n'est pas une fleur en pot que l'on cultive avec soin. L'homme n'existe que s'il s'expose. Il se trouve en s'oubliant. Il se fait en aidant un autre à se faire."
"La relation la plus intense, pour un être humain, est l'étreinte. L'étreinte ouvre sur l'absolu. L'étreinte, c'est l'infini resserré. La gloire de l'étreinte est la respiration de l'univers."
Résister à la modernité (2020)
Philitt 2014 - 2020
Sortie : 18 novembre 2020. Articles & chroniques, Philosophie, Culture & société
livre de Matthieu Giroux
Fabrizio_Salina a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"Ce qu'observe ici dans l'ordre de la matière Gilles Deleuze correspond ni plus ni moins à l'application à la nature du raisonnement mathématique différentiel, dont le baroque, avec ses labyrinthes, ses ornements et ses trompe-l'œil, fournit un parfaite illustration dans le domaine de l'art. Le monde est ainsi tissé d'une infinité de variations qui ne cessent de se produire à l'occasion de la rencontre de séries causales dont le clinamen constitue le moteur interne et immanent.
Toutefois, loin de se cantonner au seul champ de la science, la variation apparaît également comme une stratégie politique privilégiée à l'heure de la société du contrôle. En effet, le pouvoir, comme le montra Michel Foucault, n'est plus localisé dans une seule instance qui surplombe la société, mais se dissémine à travers des dispositifs, il se constitue en de multiples foyers qui ne s'unifient plus sous une autorité centrale, mais capturent les subjectivités dans la structuration d'un champ strié par les relations de savoir et de pouvoir."
Augustin Talbourdel, Philitt 2023
Sous le soleil de Satan (1926)
Sortie : 1926 (France). Roman
livre de Georges Bernanos
Fabrizio_Salina a mis 7/10.
Annotation :
"C'est qu'ils vivaient une de ces minutes singulières où la parole et l'attitude ont chacune un sens différent, lorsque les témoins s'interpellent sans plus s'entendre, poursuivent leur monologue intérieur et, croyant s'indigner contre autrui, s'animent seulement contre eux-mêmes, contre leur propre remords, comme les chats mystérieux jouent avec leur ombre."
Les Jeux et les hommes (1958)
Le masque et le vertige
Sortie : 1958 (France). Culture & société, Essai
livre de Roger Caillois
Fabrizio_Salina a mis 8/10.
Annotation :
"la chance n'est pas seulement la forme éclatante de l'injustice, de la faveur gratuite et imméritée, elle est aussi la dérision du travail, du labeur patient et acharné, de l'épargne, des privations consenties en vue de l'avenir ; en un mot, de toutes les vertus nécessaires dans un monde voué à l'accroissement des biens. De telle sorte que l'effort du législateur tend naturellement à en restreindre le champ et l'influence."
Le Système technicien (1977)
Sortie : 1977 (France). Essai, Culture & société
livre de Jacques Ellul
Annotation :
"Mais le peuple est en retard d'un demi-siècle sur la réalité, et ne comprend plus rien aux problèmes réels qui se posent! Tout au plus les décisions populaires pourraient, si elles étaient applicables, enrayer la croissance technicienne, troubler le système et provoquer une régression socio-économique, que ledit peuple n'est pas du tout prêt à assumer ! Ainsi la médiation par la technique en exclut toute autre, et ceci fait échapper entièrement la technique aux valeurs souhaitées ou supposées."
"Le milieu urbain garde du milieu naturel une certaine spontanéité, une incohérence par rapport à l'homme, une luxuriance, une diversité, une irrationalité. Il est comme le milieu naturel à la fois proche et étranger pour l'homme. Formé uniquement de produits techniques, il n'est cependant pas le milieu technique en lui-même, car il s'est développé de façon anarchique et non technique : mais c'est justement ce qui nous met mal à l'aise. (...) L'homme y a introduit son désordre, il a fait de ce milieu sa chose - les rues sont sales et encombrées - il y a des recoins mystérieux, il y a de la place perdue, les lignes ne sont pas nettes et rien n'est fonctionnel."
"Nous aurons à montrer ailleurs que le structuralisme n'est pas une pensée créatrice, mais le simple produit du primat des moyens (...). Or ce qui est bien intéressant dans cette poussée philosophique, c'est qu'elle révèle que pour donner libre place, libre jeu à l'activité surordonnée des moyens (techniques) il faut que le sujet n'existe pas (l'objet n'est qu'un produit sans importance du jeu des techniques)."
Trahison de l'Occident (1975)
Sortie : 1975 (France). Essai
livre de Jacques Ellul
Fabrizio_Salina a mis 5/10.
Annotation :
"Dieu est vaincu. Il est éliminé de cette société à qui il avait porté son défi. La croix de Jésus, qui devait être le signe de l'amour ultime de Dieu, est maintenant le signe de son échec. Eros a triomphé dans la croissance technicienne et politique. Et Dieu se tait. C'est le grand silence que l'on sent planer au moment de la crucifixion (...)
C'est le grand silence cosmique auquel l'Apocalypse fait allusion avant l'ouverture du septième Sceau. C'est le silence de Dieu, Lui qui est Verbe mais qui s'est retiré dans son Incognito. Le Dieu de la Parole ne se révèle plus, ne se fait plus entendre."
"La déréliction du monde est absence de Dieu, mais l'homme découvre alors que c'est aussi l'absence de lui-même. Et lorsque l'Occident accapare la vérité pour la proclamer aux autres, il ne produit que la colère et la haine, et l'Occident se meurt d'avoir gagné sur Dieu."
Ethique et entreprise
Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire
Sortie : 11 octobre 2013 (France). Essai
livre de Cécile Renouard
Fabrizio_Salina a mis 6/10.
Annotation :
"Loin de l'homo economicus s'impose la figure de l'être humain fragile et capable de Dieu, loué par saint Augustin, et de la personne à la fois capable et vulnérable qu'a décrite le philosophe Paul Ricoeur."
"Au sein des sociétés libérales, le problème est de penser la relation à autrui comme constitutive de l'être tout en évitant l'atomisme individualiste aussi bien que le communautarisme identitaire, et en prenant en compte à la fois la spécificité des relations proches et le souci des pauvres éloignés et des générations futures."
"Selon Kant, l'autonomie consiste à obéir à la loi morale en soi. L'être humain autonome est à la fois libre et moral, il agit par respect pour la loi morale, formalisée par l'impératif catégorique : "agis de façon que tu traites dans ta personne comme dans celle d'autrui, toujours comme une fin et jamais seulement comme un moyen.""
De quel amour blessée
Réflexions sur la langue française
Sortie : 31 octobre 2014 (France). Essai
livre de Alain Borer
Fabrizio_Salina a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"Arabe : langue pour voiler le réel, non pour le saisir" (Jacques Berque)
"La langue française s'est constituée dans ce souci principal de "l'idée claire".
"La langue française est la seule langue qui fait entendre l'écrit (par la liaison dans "les Zintentions"), l'oralise ou le visualise ("blessÉ E S, suggérÉ E S"), la seule langue dont l'écrit complète, précise et vérifie constamment tous les énoncés. C'est là son originalité absolue, son caractère précieux, irremplaçable, sa puissance et sa beauté, c'est là que se manifeste son projet singulier, que tout se joue et se noue."
"Le projet de la langue française : une pensée claire et précise, dans une relation harmonieuse et le respect de l'interlocuteur, de la destinatrice."
La Puissance et la Gloire (1940)
The Power and the Glory
Sortie : 1948 (France). Roman
livre de Graham Greene
Fabrizio_Salina a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"En réalité, personne ne sait combien de temps peut durer une minute de souffrance. Elle peut durer le temps d'un purgatoire ou toute l'éternité."
Athènes et Jérusalem (1937)
Sortie : 16 novembre 2011 (France). Essai, Philosophie
livre de Léon Chestov
Fabrizio_Salina a mis 6/10.
Annotation :
P83 "Il est probable que la pensée la plus intolérable et la plus angoissante pour Aristote était que notre vie terrestre n'est pas la vie dernière, définitive, vraiment réelle, et que le réveil est possible, ne fût-ce que dans une certaine mesure, un réveil semblable à celui que nous connaissons en sortant du sommeil. Lorsqu'il s'attaquait aux "idées" de Platon, il s'efforçait surtout de se débarrasser de cette éventualité pire qu'un cauchemar à ses yeux. (...) Le oveiroottousi ("ils rêvent") de Platon, de même que la négation par Hume des liens nécessaires entre les phénomènes, sapent les bases mêmes de la pensée humaine. Rien n'est impossible, tout ce qu'on veut peut découler de tout ce qu'on veut, et le principe de contradiction qu'Aristote voulait considérer comme bebaiotatè toon archoon ("le plus inébranlable des principes") commence à chanceler, découvrant à l'esprit humain épouvanté le royaume de l'arbitraire absolu qui menace d'anéantir le monde et la pensée qui cherche à connaître ce monde ; einai kai noein ("l'être et la pensée") deviennent des fantômes."
"Aristote aurait béni notre savoir, et Platon l'aurait maudit. Et réciproquement, notre époque aurait reçu Aristote à bras ouverts, et se serait résolument écartée de Platon."
"Est-ce qu'il est donné aux hommes de juger des vérités, de décider du sort des vérités ? Au contraire, ce sont les vérités qui jugent les hommes et décident de leur sort, et non pas les hommes qui disposent des vérités. Les hommes, les grands comme les petits, naissent et meurent, apparaissent et disparaissent, mais les vérités demeurent."
"Dans les "limites de la raison" on peut donc créer une science, une éthique sublime et même une religion, mais pour obtenir Dieu il faut s'arracher aux séductions de la raison avec toutes ses contraintes physiques et morales et aller vers une autre source de vérité. Dans l'Ecriture, cette source porte un nom énigmatique, la foi, qui est cette dimension de la pensée où la vérité s'abandonne, sans crainte, joyeusement, à l'entière disposition du Créateur : que Ta volonté soit faite !"
"Ainsi se trouva confirmé tout ce qu'avait dit Luther dans De servo arbitrio et dans De votis monasticis, ainsi que ce que Nietzsche lui-même avait entrevu dans le destin de Socrate mais qu'il ne parvint pas à découvrir dans son propre destin : l'homme déchu ne peut rien faire pour son salut, son choix n'est plus libre et tout ce qu'il entreprend le rapproche de la mort. ; plus il "fait", plus il
Sur les confins de la vie (1927)
Sortie : 1927 (Russie). Aphorismes & pensées
livre de Léon Chestov
Annotation :
suite du précédent
s'affaiblit et plus la chute est profonde. Et puis il y a ceci qui est non moins important : l'homme déchu (...) met toute sa confiance dans le savoir ; or c'est précisément le savoir qui paralyse sa volonté et le conduit inexorablement à sa perte."
Oeuvres spirituelles
Sortie : 1 janvier 1947 (France).
livre de Jean de la Croix
Annotation :
"Le Père céleste a dit une seule parole : c'est son Fils. Il l'a dit éternellement et dans un éternel silence. C'est dans le silence de l'âme qu'elle se fait entendre."
Cent prières de chartreux
Sortie : 4 novembre 2009 (France). Essai
livre de Nathalie Nabert
Annotation :
Comme il y a un approfondissement humain, un cœur profond, que les heureux ne soupçonnent pas, et que la souffrance seule peut creuser, il y a une certaine qualité, une certaine intensité d’abandon et d’amour reconnaissant, que seuls les pécheurs pardonnés peuvent posséder. La pureté de cœur retrouvée a ses propres richesses aussi. Elle peut manquer un peu de l’exquise limpidité et joie spontanée de la pureté innocente, mais elle peut gagner en humilité, en douceur et en humanité, car elle comprend mieux la faiblesse du cœur humain et elle ne réclame pas ses droits devant Dieu – elle n’en a pas et le sait bien. Le Christ aimait s’entourer de ces pauvres en vertu.
in Le chemin du vrai bonheur, par un chartreux
En rade (1887)
Sortie : 1887 (France). Roman
livre de Joris-Karl Huysmans
Annotation :
"La vie de tous les jours est, pour le célibataire, une insurrection d'ennuis."
Jean Borie, dans sa préface
La vérité est symphonique
Aspects du pluralisme chretien
Sortie : 25 avril 2000 (France). Essai
livre de Hans Urs Von Balthasar
Annotation :
"Que la vérité chrétienne soit symphonique est sans doute la chose la plus importante que nous ayons à annoncer et à méditer.
La symphonie n'est absolument pas une harmonie doucereuse et relâchée. La grande musique est toujours dramatique, action incessante et suprême détente.
Mais la dissonance n'est pas la cacophonie. Elle n'est pas non plus l'unique moyen de maintenir le rythme symphonique. Le réservoir de l'Église se trouve dans "la profondeur de la richesse de Dieu" en Jésus-Christ, enfoui en son cœur.
Puisse-t-elle laisser cette plénitude agir dans une inépuisable diversité qui découle de son unité sans pouvoir être endiguée. "
Le Voyant d'Étampes (2021)
Sortie : 18 août 2021. Roman
livre de Abel Quentin
Fabrizio_Salina a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"J'avais toujours éprouvé une affection particulière pour Lévinas qui incarnait la figure même du Bon Savant au sourire lumineux, un type que l'on ne peut imaginer que baigné dans une lumière de fin d'après-midi dans son cabinet de travail, accueillant avec gentillesse un disciple, interrompant avec grâce son labeur colossal pour prodiguer des conseils, en général, ce genre de figures sont nés dans des bourgades russes au nom imprononçable, ils parlent huit langues, leur oeuvre est d'un ennui considérable, ce sont des saints et ils passent leur vie à tourner autour de la question de Dieu, enfin je m'égare."
"Une bière, ce n'est pas grand chose. On garde un air dégagé, mais toute l'attention est tendue vers le verre à venir. Le manque se fait sentir, cruel : pas une sensation sophistiquée, juste un trou au fond de l'être."
L'Opium des intellectuels (1955)
Sortie : 1955 (France). Essai, Philosophie
livre de Raymond Aron
Fabrizio_Salina a mis 6/10.
Annotation :
"Qu'on observe la réalité (...) et l'on constatera l'absurdité de ces amalgames politico-idéologiques, dont jouent les révolutionnaires au grand cœur et à la tête légère, et les journalistes impatients de succès."
"La gauche s'efforce de libérer l'individu des servitudes proches ; elle pourrait finir par le plier à la servitude, lointaine en droit, omniprésente en fait, de l'administration publique."
"On connait des révolutionnaires par haine du monde, par désir de la catastrophe ; plus souvent, les révolutionnaires pèchent par optimisme."
"Les expressions qu'emploient le jeune Marx ne laissent pas de doute sur les origines judéo-chrétiennes du mythe de la classe, élue par sa souffrance pour le rachat de l'humanité."
"Ce qui séduit le chrétien, sans qu'il en prenne conscience, dans le milieu ouvrier et l'idéologie marxiste, ce sont les survivances, les échos d'une expérience religieuse : prolétaires et militants, comme les premiers croyants du Christ, vivent dans l'attente d'un monde neuf ; ils sont demeurés purs, ouverts à la charité, parce qu'ils n'ont pas exploité leurs semblables ; la classe, qui porte la jeunesse de l'humanité, se dresse contre la vieille pourriture. Les chrétiens de gauche demeurent catholiques subjectivement mais renvoient le fait religieux au-delà de la révolution. "Nous n'avons pas peur, nous sommes sûrs de notre foi, sûrs de notre Église. Et nous savons en outre que celle-ci ne s'est jamais longtemps opposée à un progrès humain réel (...)" (Jean Lacroix, Les événements et la foi, 1940 - 1952)Le dernier pas est franchi : on subordonne l'évangélisation à la révolution. Les progressistes ont été "marxisés alors qu'ils croyaient christianiser les ouvriers."
"En apparence, Raison et Révolution s'opposent exactement (...). Mais la violence a été et continue d'être le recours d'une certaine impatience rationaliste."
"Que le petit-bourgeois d'Aix ait été aussi le peintre Cézanne est un fait d'expérience ; l'unité de l'homme et de l'artiste n'est pas illusoire, elle est presque indéchiffrable."
L'Obsolescence de l'homme (1956)
Sur l'âme à l'époque de la deuxième révolution industrielle
Die Antiquiertheit des Menschen 1. Über die Seele im Zeitalter der zweiten industriellen Revolution
Sortie : 1956 (Allemagne). Essai, Philosophie
livre de Günther Anders
Fabrizio_Salina a mis 9/10.
Annotation :
"D'autres perçoivent (...) les figures de l'histoire comme des figures comiques, c'est-à-dire comme des provinciaux du temps, comme des êtres qui n'ont pas grandi dans sa capitale - c'est-à-dire aujourd'hui - et se comportent par conséquent comme des idiots de village ou comme des rustres superstitieux."
"Manifestement nous employons [le mot présence] dans deux sens différents. D'abord pour désigner la présence concrète, le moment où l'homme entre effectivement en contact avec l'homme ou avec le monde, le moment, le moment où, s'approchant l'un de l'autre, ils finissent par se rencontrer, se rejoindre, et constituer ensemble la "situation" ; et ensuite pour indiquer la simple simultanéité formelle, c'est-à-dire le simple fait que l'homme et n'importe quel événement se tiennent sur le point, pas plus gros qu'une tête d'épingle, du "maintenant" et se partagent l'instant du monde. (...) Cette double signification se fonde en effet sur l'impossibilité de tracer avec précision la limite à partir de laquelle un événement ou un élément du monde nous concerne si peu qu'il ne nous est plus "présent" qu'au sens de la simultanéité."
"Puisque le rapport de l'homme avec le monde a lieu sous forme d'un choc mutuel, d'une friction plus ou moins permanente et non pas d'un rapport neutre avec une chose quelconque, il est extrêmement important d'insister sur la "résistance du monde".
C'est d'autant plus important que toutes les activités de l'homme peuvent être considérées comme des tentatives toujours renouvelées de réduire au minimum la friction entre le monde et lui et de produire un monde qui lui "aille" mieux ou peut-être parfaitement, un monde qui lui aille comme un vêtement.
(…) L'ultime "résistance", habituellement constituée par la distance spatiale ou financière qui sépare les marchandises des consommateurs y est également anéantie."
"Car l'histoire ignore le "pour de rire" ; tout comme elle ignore la formule : "une fois n'est pas coutume". Elle se refuse à toute rétractation et pour elle il n'y a pas d'"expérience". La possibilité d'expérimenter en tâtonnant lui est étrangère parce que tout ce qui s'annonce en déclarant modestement n'être qu'une expérience a lieu "une bonne fois pour toute" et arrive donc tout de suite "pour de bon". Cela ne signifie évidemment pas - ce serait absurde - qu'il ne faudrait plus faire d'expérience, mais qu'il faut bien comprendre que les processus qu'on déclenche sans pouvoir les isoler du monde se déroulent à l'indicatif et
L'Obsolescence de l'homme 2 (1980)
Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle
Die Antiquiertheit des Menschen. Band II: Über die Zerstörung des Lebens im Zeitalter der dritten industriellen Revolution
Sortie : 7 mars 2012 (France). Essai
livre de Günther Anders
Annotation :
suite du précédent.
non au conditionnel ; qu'ils se déroulent pas seulement à l'intérieur du monde mais appartiennent au monde lui-même ; qu'ils ont un caractère factuel et pas seulement expérimental."
"Car l'avenir ne vient plus à nous : nous ne le comprenons plus comme "ce qui vient" ; c'est nous qui le faisons. Et nous le faisons d'une manière qui contient sa propre alternative : la possibilité de son interruption, la possible absence d'avenir. Même si cette interruption n'a pas lieu demain, elle peut avoir lieu après-demain, dans la génération de nos arrières-petits-enfants ou même seulement à la "septième génération" à cause de ce que nous faisons aujourd'hui. Puisque les effets de ce que nous faisons persistent, nous avons déjà atteint cet avenir - ce qui signifie, pragmatiquement parlant, qu'il est déjà présent."
"Voilà défini l'effrayant dilemme moral d'aujourd'hui. D'un côté nous attendons de l'homme qu'il collabore sans restriction - nous en faisons la condition même de son travail, du moins la condition d'un travail moralement accompli ; de l'autre, nous exigeons de lui (...) que dans la "sphère extérieure au monde de l'entreprise", il reste "lui-même" et n'agisse pas comme un "instrument", bref, qu'il se comporte moralement."
"Ne possède que les choses dont les maximes d'action pourraient également devenir les maximes de ta propre action."
"Il est extrêmement frappant que le nihilisme de masse soit apparu au moment même où la bombe a été produite et utilisée pour la première fois ; qu'une philosophie niant que l'humanité elle-même ait un sens soit apparue en même temps qu'un instrument destiné à anéantir l'humanité ; que le nihilisme de masse ait coïncidé, historiquement parlant, avec l'annihilation de masse."
"Alors que toute espèce animale est (...) donnée avec une forme d'organisation de son monde et de son existence sociale (...), le legs de l'homme consiste en une "sociabilité générale", une sorte de chèque en blanc qu'il doit remplir d'une façon ou d'une autre pour organiser sa vie. Autrement dit, c'est lui qui crée à chaque époque l'organisation de son monde et de sa société. Cette création, sa praxis, est la réponse au vide de ce qui est seulement "général" (la "sociabilité générale"), à l'indétermination du legs qu'il a reçu. (...)
C'est pourquoi une forme de société ne dure que si elle donne forme à l'homme dans son ensemble. L'homme n'a complètement changé de forme que lorsque ses sentiments ont, eux aussi, été remodelés."
La Liberté, pour quoi faire ? (1947)
Sortie : 1953 (France). Essai
livre de Georges Bernanos
Fabrizio_Salina a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"Les imbéciles trouvent ce monde raisonnable parce qu'il est savant, alors que la vie nous démontre tous les jours qu'il est des savants parfaitement déraisonnables, que la science ne confère nécessairement ni le bon sens, ni la vertu. Le monde moderne qui se vante de l'excellence de ses techniques est en réalité un monde livré à l'instinct, je veux dire à ses appétits. Voilà pourquoi il s'oriente de lui-même vers des expériences qui ne semblent si hardies que parce qu'elles ne lui sont nullement proposées par la raison, mais inspirées par l'instinct."
"La France est encore une patrie, voilà ce dont ne doutent jamais ceux d'entre nous qui ont voyagé un peu à travers le monde, en ne pensant pas tout le temps à leurs petites affaires... Une patrie, c'est-à-dire bien autre chose que cette organisation économique et policière qui tend à se confondre de plus en plus avec l’État moderne, ou du moins ce que nous appelons ainsi, l’État moderne mi-usurier, mi-policier, dont l’œil est à toutes les serrures et la main dans toutes les poches. Une patrie, c'est-à-dire un être moral qui a des droits et des devoirs, qui peut tout demander, mais qui ne saurait prétendre tout exiger au nom de la même loi qui régit les animaux, sacrifie l'abeille à la ruche, l'individu à l'espèce. Une patrie, une patrie humaine, voilà ce que la France est encore pour des millions d'hommes qui ne sont pas français."
"Il ne faut pas confondre le barbare et le sauvage. Le barbare n'est barbare que parce qu'il ignore ou refuse les hautes disciplines spirituelles, qui font l'homme digne du nom d'homme. On peut très bien, on peut parfaitement imaginer une humanité retournant à la barbarie - c'est-à-dire au seul culte de la force - sans rien perdre des acquisitions de sa technique."
"Ces deux mots d'esprit européen, je ne me permettrais pas de vous le cacher, ne manquent jamais d’évoquer chez moi une époque peu lointaine, à laquelle je préfère ordinairement ne pas penser. Car entre 1920 et 1930, vous vous en souvenez peut-être, un certain nombre d'intellectuels s'étaient aussi proposé pour tâche de définir cet esprit, mais avant d'avoir trouvé la définition, nous les vîmes se décerner généreusement à eux-mêmes, pour commencé, le titre alors envié d'Européens. Européen, on l'était à bon compte en ce temps-là ! Il suffisait de se dire sincèrement détaché des préjugés nationaux. Hélas, rien n'est plus dangereux qu'un homme esclave de ses préjugés nationaux, sinon l'homme qui se donne, grâce à une.
Bernanos
Essai
livre de Albert Béguin
Annotation :
Suite du précédent
"La civilisation totalitaire est une maladie de l'homme déspiritualisé, comme le goitre est une maladie de l'homme dévitaminisé. Ceux qui prétendent confisquer cette civilisation à leur profit le savent très bien. Voilà pourquoi ils osent faire de cette civilisation une conspiration permanente contre la vie intérieure. (...) La civilisation qui engendre les catastrophes refait du même coup dans l'homme, par la souffrance, cette vie intérieure qu'elle se croyait capable d'abolir."
"Il y a des peuples faits pour la liberté, soit parce qu'ils sont trop forts pour supporter la honte de la servitude moderne, ou trop faible pour résister, fût-ce même physiquement, aux dures contraintes qu'elle impose. Forts ou faibles, ce sont des races nobles puisque à l'exemple des bêtes nobles, elles périssent de ne pouvoir vivre selon leur instinct."
"Nul ne songe à dénier aux hommes d'aujourd'hui le droit de fabriquer des machines, mais on leur refuse celui de sacrifier, par avance, à la machinerie universelle la liberté des hommes de demain, dans l'illusion imbécile qu'on ne peut se sauver des machines que par les machines."
"Rappelons-nous ce monde de 1930, si fier de lui, de sa technique, de ses techniciens. Sous le moindre prétexte, à la plus petite menace de changer quelque chose à quoi que ce soit, on rassemblait des messieurs graves et décorés, souffrant généralement du foie, qui (...) opinaient généralement pour le statu quo. Et voilà que tout à coup, ce monde si respectueux des compétences et des spécialités se trouve entre les mains d'un peintre raté, d'un ouvrier maçon socialiste et d'un ancien séminariste orthodoxe qui commencent par jeter les messieurs décorés par la fenêtre, puis se livrent à l'envi, chacun leur tour ou en même temps, aux expériences les plus incroyables, y sacrifient des victimes sans nombre, et se font adorer comme des dieux, comme n'a réussi à se faire adorer aucun des empereurs de Rome, car les empereurs de Rome n'étaient adorés que par des sénateurs serviles ou des fonctionnaires complaisants"
"La démocratie signifie beaucoup moins liberté qu'égalité, la démocratie est infiniment plus égalitaire que libertaire. Chaque victoire de l'égalité paraissait à l'homme de 1900 une victoire de la liberté. Il ne se rendait pas compte qu'elle était d'abord et avant tout une victoire pour l'État."
"Un chrétien ne peut pas désespérer de l'homme. Ce que j'espère ? Une mobilisation générale et universelle de toutes les forces de
Bernanos
Sortie : 26 septembre 2013 (France). Biographie
livre de Philippe Dufay
Annotation :
Suite du précédent
l'esprit, dans le but de rendre à l'homme la conscience de sa dignité. A ce point de vue, l'Église a un rôle immense à jouer. Elle le jouera tôt ou tard, elle sera forcé de le jouer. Car l'Église catholique a déjà condamné le monde moderne, en un temps où il était difficile de comprendre les raisons d'une condamnation que les faits justifient maintenant tous les jours."
P134. "Le moins que l'on puisse dire de la civilisation actuelle, c'est qu'elle ne s'accorde nullement avec les traditions et le génie de notre grand peuple. Il a essayé de s'y conformer pour y vivre ; il y a beaucoup, il y a immensément perdu. Il risque de tout perdre dans cet effort contre lui-même, contre son histoire. La civilisation totalitaire et concentrationnaire l'a progressivement affaibli ; elle menace de le dégrader ; elle ne lui imposera pas de se renier."
"Des chrétiens sans cervelles, de pauvres prêtres sans conscience, épouvantés à l'idée qu'on va les traiter de réactionnaires, vous invitent à christianiser un monde qui s'organise délibérément, ouvertement, avec toutes ses ressources, pour se passer du Christ, pour instaurer une justice sans Christ, une justice sans amour, la même au nom de laquelle l'Amour fut fouetté de verges et mis en croix."
"Quelques-uns d'entre vous se disent certainement que la machine les libère. Elle les libère provisoirement, d'une manière, d'une seule, mais qui frappe leur imagination : elle els libère, en quelque mesure, du temps ; elle leur fait "gagner du temps". C'est tout. Gagner du temps n'est pas toujours un avantage. Lorsqu'on va vers l'échafaud, par exemple, il est préférable d'y aller à pied."
P 197 "Le capitalisme et le totalitarisme ne sont que deux aspects de la primauté de l'économique. L'Etat totalitaire ne s'oppose pas à l'argent, il se substitue à lui. En confisquant à son profit toute la puissance de l'argent, il met la main du même coup sur toutes les organisations de la corruption, non pour les supprimer, mais pour s'en servir. Le grand malheur, ou plutôt l'extrême misère de cette société dont on nous annonce qu'elle va mourir, comme si elle avait réellement, au sens exact du mot, jamais vécu, ce n'est pas que l'argent y ait été maître, c'est qu'il y ait été un maître légitime, non pas seulement puissant mais honoré."
"Je voudrais que vous reteniez seulement de mon propos cette idée que l’Église est en effet un mouvement, une force en marche, alors que tant de dévots et de dévotes ont l’air de croire,
Français, si vous saviez... (1998)
Sortie : 1998 (France). Essai
livre de Georges Bernanos
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feignant de croire, qu’elle est seulement un abri, un refuge, une espèce d’auberge spirituelle à travers les carreaux de laquelle on peut se donner le plaisir de regarder les passants, les gens du dehors, ceux qui ne sont pas pensionnaires de la maison, marcher dans la crotte." P213
P222 : "Dans le paradis des machines, les loisirs seront plus épuisants que le travail, c'est le travail qui reposera des loisirs."
Mémoires d'outre-tombe - Tome 2/4 (1850)
Livres XIII à XXIV
Sortie : 2 novembre 2001 (France). Correspondance
livre de François-René de Chateaubriand
Fabrizio_Salina a mis 7/10.
Annotation :
"N’en déplaise à ceux qui n’ont administré que dans nos troubles, ce n’est pas le gage matériel, c’est la morale d’un peuple qui fait le crédit public. Les propriétaires nouveaux feront-ils valoir les titres de leur propriété nouvelle ? On leur citera, pour les dépouiller, des héritages de neuf siècles enlevés à leurs anciens possesseurs. Au lieu de ces immuables patrimoines où la même famille survivait à la race des chênes, vous aurez des propriétés mobiles où les roseaux auront à peine le temps de naître et de mourir avant qu'elles aient changé de maîtres. Les foyers cessent d'être les gardiens des mœurs domestiques ; ils perdront leur autorité vénérable ; chemins de passage ouverts à tout-venant, ils ne seront plus consacrés par le siège de l'aïeul et par le berceau du nouveau-né."
"Loin de mépriser le passé, nous devrions, comme le font tous les peuples, le traiter en vieillard vénérable qui raconte à nos foyers ce qu'il a vu : quel mal peut-il nous faire ? Il nous instruit et nous amuse par ses récits, ses idées, son langage, ses manières, ses habits d'autrefois ; mais il est sans force, et ses mains sont débiles et tremblantes. Aurions-nous peur de ce contemporain de nos Pères, qui serait déjà avec eux dans la tombe s'il pouvait mourir, et qui n'a d'autorité que celle de leur poussière ?"
"Vainqueurs des meilleurs soldats de l'Europe, nous versions le sang des moines avec cette rage impie que la France tenait des bouffonneries de Voltaire et de la démence athée de la terreur. Ce furent pourtant ces milices du cloître qui mirent un terme aux succès de nos vieux soldats : ils ne s'attendaient guère à rencontrer ces enfroqués, à cheval comme des dragons de feu, sur les poutres embrasées des édifices de Saragosse, chargeant leurs escopettes parmi les flammes au son des mandolines, au chant des boleros et au requiem de la messe des morts."
"Tôt ou tard, il faudra rentrer dans la guerre civilisée que savait encore Moreau, guerre qui laisse les peuples en repos tandis qu'un petit nombre de soldats font leur devoir : il faudra en revenir à l'art des retraites, à la défense d'un pays au moyen des places fortes, aux manœuvres patientes qui ne coûtent que des heures en épargnant des hommes. Ces énormes batailles de Napoléon sont au-delà de la gloire ; l'œil ne peut embrasser ces champs de carnage qui, en définitive, n'amènent aucun résultat proportion à leurs calamités."
"Sensible à l'affront, il m'était impossible de mettre aussi de côté ce que je pouvais
Mémoires d'outre-tombe - Tome 1/2 (1848)
Livres I à XXVIII
Sortie : 25 novembre 1997 (France). Autobiographie & mémoires
livre de François-René de Chateaubriand
Annotation :
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"valoir, d'oublier tout-à-fait que j'étais le restaurateur de la religion, l'auteur du Génie du christianisme.
Mon agitation croissait nécessairement encore à la pensée qu'une mesquine querelle faisait manquer à notre patrie une occasion de grandeur qu'elle ne retrouverait plus. Si l'on m'avait dit : "Vos plans seront suivis ; on exécutera sans vous ce que que vous aviez entrepris," j'aurais tout oublié pour la France. Malheureusement, j'avais la croyance qu'on n'adopterait pas mes idées ; l'événement l'a prouvé.
J'étais dans l'erreur peut-être, mais j'étais persuadé que M. le compte de Villèle ne comprenait pas la société qu'il conduisant ; je suis convaincu que les solides qualité de cet habile ministre étaient inadéquates à l'heure de son ministère : il était venu trop tôt sous la restauration. Les opérations de finances, les associations commerciales, le mouvement industriel, les canaux, les bateaux à vapeur, les chemins de fer, les grandes routes, une société matérielle qui n'a de passion que pour la paix, qui ne rêve que du confort de la vie, qui ne veut faire de l'avenir qu'un perpétuel aujourd'hui, dans cet ordre de choses, M. de Villèle eut été roi."
Le Travailleur (1932)
Sortie : janvier 1994 (France). Roman
livre de Ernst Jünger
Fabrizio_Salina a mis 6/10.
Annotation :
"Est société l’État dont l'essence s'estompe dans la mesure même où la société le soumet à ses critères. Cette agression se réalise à travers le concept de liberté bourgeoise qui a pour tâche de transformer tous les liens de responsabilité mutuelle en relations contractuelles à terme."
"Ce procédé a conféré au mot radical son insupportable arrière-goût bourgeois et a fait du radicalisme en soi - cela dit en passant - une affaire fructueuse dont des générations de politiciens, des générations d'artistes ont successivement tiré leur unique aliment. Le dernier recours de la sottise, de l'effronterie et de l'incompétence irrémédiable consiste à faire la chasse aux dupes en s'ornant des plumes de paon d'une mentalité purement radicale."
"L'adoption d'une technique étrangère est un acte de soumission dont les conséquences sont d'autant plus dangereuses qu'il s'accomplit d'abord en esprit. Ici la perte est forcément plus grande que le profit."
"Ainsi l'emploi de la poudre à canon modifie l'image de la guerre sans qu'on puisse dire pour autant qu'elle se situe à un rang supérieur à celui de l'art militaire au temps de la chevalerie. Cependant, cela devient désormais une insanité de partir en campagne sans canon. Un nouveau principe se reconnaît à ceci qu'il est impossible de le mesurer avec les vieilles catégories et qu'on ne peut se soustraire à son application, qu'on en soit le sujet ou l'objet."
"L'un des efforts du XIXe siècle vise, selon la conception fondamentale selon laquelle la société est née par contrat, à transformer toutes les relations possibles en relations contractuelles et résiliables. L'un des idéaux de ce monde est donc atteint avec beaucoup de logique lorsque l'individu peut même résilier son caractère sexuel, le déterminer ou le changer par une simple inscription sur le registre de l'état civil."
"La technique, c'est-à-dire la mobilisation du monde par la figure du Travailleur, étant destructrice de toute foi en général est aussi la puissance la plus résolument antichrétienne qui soit apparue jusqu'ici."
"La pince de l'écrevisse, la trompe de l'éléphant, la valve du coquillage : aucun instrument, quelque soit sa nature, ne saurait les remplacer. Nous aussi, nos moyens nous sont appropriés, non seulement dans un futur proche ou lointain, mais à chaque instant."
"Nous savons que l'héritage est dilapidé et que non seulement tout rattachement à la tradition, mais tout retour en arrière est devenu absurde."
Mémoire du Capitan Alonso de Contreras
Sortie : 31 janvier 1990 (France).
livre de Ernst Jünger
Annotation :
Suite du Travailleur
"Il est cependant indiscutable qu'au lieu d'un wagon-restaurant, une locomotive peut emmener une compagnie de soldats, qu'un moteur peut propulser un tank au lieu d'un véhicule de luxe - que donc le progrès des transports rapproche plus vite non seulement les bons mais aussi les méchants Européens."
"Nous vivons dans un monde qui d'un côté ressemble tout à fait à un chantier et de l'autre tout à fait à un musée. La différence entre les prétentions propres à ces deux paysages est que personne n'est obligé de voir dans un chantier plus qu'un chantier, tandis qu'il règne dans le paysage du musée une atmosphère édifiante qui a revêtu des formes grotesques. (...) L'effort épigonal pour s'imprégner du sens de ce patrimoine et le reproduire, autrement dit toute l'agitation axée sur l'art, la culture, et leur valeur formatrice, tout cela a pris des proportions qui font apparaître comme indispensable d'alléger notre bagage (...)."
"L'âge de la culture générale nous a malheureusement privés d'une réserver considérable d'analphabètes."
"Un nouveau principe se reconnaît à ceci qu'il est impossible de le mesurer avec les vieilles catégories et qu'on ne peut se soustraire à son application, qu'on en soit le sujet ou l'objet."
"L'un des efforts du XIXe siècle vise, conformément à la conception fondamentale selon laquelle la société est née par contrat, consiste à transformer toutes les relations possibles en relations contractuelles et résiliables. L'un des idéaux de ce monde est donc atteint avec beaucoup de logique lorsque l'individu peut même résilier son caractère sexuel, le déterminer ou le changer par une simple inscription sur le registre de l'état civil."
"La technique, en ce sens, est la maîtrise de la langue qui a cours dans l'espace du travail."
"La technique, c'est-à-dire la mobilisation du monde par la Figure du Travailleur, étant destructrice de toute foi en général est aussi la puissance la plus résolument antichrétienne qui soit apparue jusqu'ici."
Traité du rebelle, ou le recours aux forêts (1951)
Sortie : 1951 (France). Essai
livre de Ernst Jünger
Annotation :
"la terre possède encore des vallées reculées et des récifs aux riches couleurs où ne retentissent ni le sifflet des usines, ni la sirène des vapeurs, elle possède encore des chemins détournés qui restent ouverts aux farfelus romantiques. Il y a encore des îles de l'esprit et du goût, ceintes de valeurs éprouvées, encore des digues et des brise-lames de la foi derrière lesquels l'homme "peut aborder en paix". Nous connaissons les tendres jouissances et les aventures du cœur, et nous connaissons le son des cloches qui promet le bonheur. Ce sont des espaces dont la valeur, dont la possibilité même nous sont confirmées par l'expérience. Mais nous nous trouvons en pleine expérimentation ; nous pratiquons des activités qu'aucune expérience n'a fondées. Fils, petits-fils et arrière-petits-fils de sans-Dieu auxquels même le doute est devenu suspect, nous traversons dans notre marche des paysages où la vue est menacée par des températures trop hautes ou trop basses. Plus les "individus" et les masses sont lassées, plus s'accroît la responsabilité qui n'échoit qu'à quelques-uns. Il n'y a pas d'issue, pas de chemin de traverse ni de retour en arrière ; il importe plutôt d'intensifier la force et la vitesse du processus où nous sommes pris. Il est bon, alors, de pressentir que sous l'excès dynamique du temps se cache un centre immobile."