Cover Lectures ´17

Liste de

60 livres

créee il y a presque 8 ans · modifiée il y a 11 mois

La Préparation du roman
9.1

La Préparation du roman (2015)

Cours et séminaires au collège de France, 1978-1979 et 1979-1980

Sortie : 22 octobre 2015. Essai

livre de Roland Barthes

bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Rarement un livre a donné une impression si forte de pouvoir expliquer (mettre des mots sur) l'acte de lire et celui d'écrire. Dans tout ce que cela peut avoir de personnel, de rituel, de sacré, Barthes travaille ici comme sémiologue, toujours au plus près des étymologies pour redonner du sens, chercher les mots justes et précis - et en ce sens ce cours est déjà un modèle d'écriture. Le haïku sert d'abord d'introduction à la forme courte pour nous mener progressivement à la phrase proustienne. Les problèmes les plus concrets sont abordés avec sérieux. À quel moment de la journée écrire ? Doit-on garder notre texte secret lorsqu'il est en cours d'élaboration ? Doit-on même en parler ? Peut-on lire pendant la période d´écriture etc. Sont régulièrement convoqués, toujours avec à propos : Kafka, Chateaubriand, Flaubert, Nietzsche, Dante et Proust, Proust et toujours Proust.

556 pages

La Famille de Pascal Duarte
7.2

La Famille de Pascal Duarte (1942)

La familia de Pascal Duarte

Sortie : 1948 (France). Roman

livre de Camilo José Cela

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Dès le début, Camilo José Cela semble éviter la question du déterminisme social. Le jeune Pascal Duarte tue son chien de sang-froid : ce ne sera pas un roman sur la misère qui mène un homme à commettre des actes ignobles. Pourtant il en commettra son lot, Pascal, toujours plus violent, toujours plus loin et dans des scènes visuelles et marquantes qui ont valu à Cela son étiquette de "tremendismo" (aussi appelée l'esthétique du terrible). On se demande alors si Duarte (le double) est poussé par sa famille comme le titre l'indique ou des pulsions diaboliques... Les deux, il est double, respectable et malin, comme cette Espagne coupée en deux depuis la guerre civile. Si on a pu à juste titre comparer ce Pascal Duarte à Camus et son "Étranger" Meursault, il manque toutefois quelque chose au prix Nobel de 1989 pour vraiment en faire un auteur puissant.

145 pages

Jane Eyre
7.9

Jane Eyre (1847)

(tradution Sylvère Monod)

Sortie : 2012 (France). Roman, Romance

livre de Charlotte Brontë

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Ce qui saute d'abord aux yeux, c'est à quel point ce classique de la littérature anglaise est aussi un roman de genre. Nuits noires, orages, hurlements (il est fait mention de fantômes et de vampires), nous voilà en plein dans le roman gothique, quelques trente ans après Mary Shelley et son "Frankenstein". Pourtant tout partait davantage comme un roman dickensien avec cet orphelinat anglais. Puis le récit mue doucement vers Thornfield et son point de bascule, la figure centrale et si intrigante de Rochester (Orson Welles dans le film de 1943). En creusant un peu, on se rend compte que Charlotte a beaucoup emprunté à sa propre histoire : les passages chrétiens (son père était pasteur), l'éducation à la dure, les passages en français qui rappellent son année à Bruxelles. Mérite le label de classique tant pour sa richesse que pour ses personnages hauts en couleurs.

462 pages, anglais

Le Vaisseau des morts
8

Le Vaisseau des morts (1926)

Das Totenschiff

Sortie : 1926. Roman

livre de B. Traven

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Chez B.Traven, la littérature, aussi forte soit-elle, semble être presque par moments dépassée par la portée politique du texte. On tient presque un nouveau Thoreau, un manifeste où "Le vaisseau des morts" serait le "Walden" des années 1920 : un cri (de rage, de désespoir, là où Thoreau murmure) pour une nouvelle humanité. Bien sûr la première partie est une démonstration par l'absurde et évoque fortement Kafka (sans votre passeport ou votre livret de marin je n'ai pas de preuve de votre naissance, dit en substance le Consul !). Puis on embarque à bord du Yorikee, l'aventure rappelle alors Cendrars, les marins, la débrouillardise mais le trip tourne à une visite guidée des enfers. Si ce n'était l'humour toujours présent, cette manière grand seigneur de sourire devant la mort, de refuser un destin tragique en ayant un dernier fou rire.

286 pages

Austerlitz
8

Austerlitz (2001)

Sortie : 2001 (France). Roman

livre de W.G. Sebald

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

En terre sebaldienne, donc au milieu des clichés noir et blanc, des souvenirs, de fragments de mémoire qui cherchent à recoller les morceaux de l'Histoire, la petite mais surtout celle avec un grand H. Oui mais voilà qu'après une centaine de pages un doute lentement vient s´installer en moi. Tout s'emboîte un peu trop parfaitement. Le déroulé même des événements semble servir de métaphore. Il y a cette gare que Sebald part visiter et qui part en fumée (qui brûle littéralement) le lendemain. Ou plus tard, Austerlitz qui en entendant le tchèque de Vera réalise qu'il comprend et parle tchèque. La puissance de la mémoire, son évanescence, les recoins obscurs de nos souvenirs qui déjà s'effacent etc. Et puis ces photos. Et forcément j'en suis venu à contester la perfection de cette construction (c'était déjà ce qui m'avait frappé et même parfois tenu à distance avec "Vertiges") et à me demander la part de fiction qui pouvait s'inscrire dans le projet de Sebald. Comment se fait-il qu'il ait conservé certains objets insignifiants ou tickets près de trente ans dans ses archives personnelles qui apparaissent ici sous forme d'images ? Ou alors a-t-il pu partir des images pour construire autour des photos un récit, pourquoi pas fortement inspiré de faits réels, comme un exercice littéraire sous la contrainte ? La frontière est ténue entre documentations et documents fictifs, entre un présent évanescent, presque fantomatique et un passé toujours plus vif et clair. Quelque soit la vérité sur le travail de Sebald, il touche au but : raconter les hommes et leurs histoires, figures fragiles dans un espace-temps terrifiant qui les englouti à jamais : ce portrait retient Austerlitz vivant aussi longtemps qu'il y aura un lecteur, aussi longtemps qu'il existera dans notre souvenir. Et sur la forme : pourquoi la phrase de Sebald nous tient-elle prisonnier ? Parce qu´elle est longue et rythmée et qu'elle rappelle fortement celle de Bernhard (encore, toujours), avec ses poupées russes (dit Austerlitz, dit Sebald, dit Bilouaustria etc).

348 pages

Vie de Rancé
7.9

Vie de Rancé (1844)

Sortie : 1844 (France). Roman

livre de François-René de Chateaubriand

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Le style de Chateaubriand est époustouflant et "Vie de Rancé" est plein de fulgurances (on en remplirait un carnet de citations). Rancé, lui même, est un homme fascinant, très précoce, génie mondain puis amant endeuillé, fondateur de la Trappe etc. Un coup il est reçu par le Pape ou le roi de France, un coup il garde la tête de sa bien-aimée en souvenir. 37 ans dans le monde (à pécher), 37 ans à prier pour racheter son âme coupable. Le problème principal de ce texte, c'est sa relative inconsistance : comment Chateaubriand parvient à donner ce sentiment de longueur avec un thème pareil et un sens pareil de la formule ? La première partie est truffée ras-bord de name-dropping et on comprend l'intention littéraire : faire ressentir cette vie dans le monde. Mais le procédé Saint-Simonien est légèrement épuisant. L'entrée dans les ordres, là aussi, c'est-à-dire l'"oeuvre" de Rancé, est inégale ou traitée par dessus la jambe. On a parfois l'impression que le texte est une esquisse, un patchwork de citations et impressions sur le grand homme. Pourtant on sent enfin dans les dernières pages la dimension hors norme de cette vie, sa grandeur. (Mais c'est bien la préface qui est probablement le morceau de choix de cette biographie à fois splendide et légèrement décevante).

264 pages

Le Gai Savoir
8.2

Le Gai Savoir (1882)

(traduction Henri Albert)

Die fröhliche Wissenschaft

Sortie : 1882 (Allemagne). Essai, Philosophie

livre de Friedrich Nietzsche

bilouaustria a mis 9/10.

Annotation :

Des pensées sous forme de fragments, des éclats d'idées mais aussi des contes, des poèmes, des aphorismes. Un esprit provocant donc, mais sereinement en avance sur son temps (pas à provoquer pour le seul but de faire le malin). La grande force de Nietzsche est d'être parfaitement lisible et clair tout du long, de se permettre des anecdotes, d'être drôle, d'avoir finalement une grande liberté de ton qui frappe et sonne juste - contrairement à cette idée du philosophe qu'on peut avoir, passant les premières 200 pages à poser ses jalons en installant ses concepts et un vocabulaire improbable. Moins de paradoxes que prévu, jamais le sentiment de lutter ou d'une force qui nous gagnerait à ses idées. Nietzsche est une évidence car tout est limpide, il tape ici ou là sur des idées préconçues ou des mauvais élèves, ose quelques commentaires borderline délicieux, et dessine un guide de vie qu'il faut absolument lire et (toujours) reprendre pour un idéal du penseur. On peut être bluffé aussi par la variété des thèmes abordés, le sentiment d'une discussion ouverte et pas d'une machine en route ne déviant pas de sa ligne (et pourtant la pensée Nietzschéenne est extrêmement rigoureuse mais dégage davantage une impression de souplesse). Je me lançais anxieux tête baissée, j'en sors léger, redressé par cette pensée bienveillante.

Kindle

Les Âmes rouges
7.7

Les Âmes rouges

Sortie : 31 janvier 2016 (France). Roman

livre de Paul Greveillac

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Un premier roman qui se propose de narrer quarante ans d'histoire soviétique, de Krouchtchev à Gorbatchev, il fallait le faire ! Greveillac met en scène deux jeunes personnages amenés à se rencontrer : le premier travaille au GlavLit, appareil de censure littéraire, quand le second est projectionniste au Goskino, cinéma officiel du parti. Le style de Greveillac est digne de son sujet, sobre, étouffé sous la menace du parti, dépouillé, parfois osant quelques envolées ou remarques cinglantes : on sent paradoxalement la complicité avec l'auteur et l'humour grandir à mesure que le texte avance et que sa noirceur prend le dessus. Car oui, personne ne sera épargné, ni par le parti, ni par la vie. L'ex-URSS n'est pas exactement une partie de plaisir, hormis ces projections très spéciales des merveilles de Tarkovski, Shepitko, Kalatozov ou Tchoukhrai. Au paradis des paranoïaques, l'impression de maîtrise de l'auteur, en particulier de son sujet, rassure. Nous voilà entre de bonnes mains pour nous laisser guider, entre vent glacial et trottoirs enneigés, vers une mort certaine.

445 pages

Les Monstres qui ricanent
7.2

Les Monstres qui ricanent (2014)

The Laughing Monsters

Sortie : 5 février 2015 (France).

livre de Denis Johnson

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Sans tout à fait réinventer le roman d'espionnage, Denis Johnson réinvente l'Afrique, qui a plus ou moins disparue depuis John Le Carré. Entre Sierra-Leone, Ouganda et Congo, entre agents de l'ONU, des services secrets britanniques, ex garde du corps, ou obscures magouilles, Johnson nous perd comme Greene ou Chandler avant lui. Pourtant l'écriture elle est limpide, précise dans l'observation, mordante dans les dialogues, étrange dans les descriptions hallucinées, jamais dans l'imitation parce que DJ écrit son propre univers. On voit chaque scène, c'est sa force, on imagine un film à la "Constant Gardener" avec le personnage de Michael Adriko, haut en couleur, et sa femme (complice ?) aussi belle que venimeuse. On comprend aussi que ce continent présente trop d'attraits pour que les puissants puissent se retenir de lui faire les poches. Le monde entier semble s'être donné rendez-vous pour une dernière arnaque juteuse. Les monstres qui ricanent, ce sont ces montagnes au Congo qui, témoins malgré elles de ces guerres intestines, s'amusent de la naïveté des hommes : il n'y a pas de gagnants sur ces terres arides.

228 pages, anglais

Pastorale américaine
7.8

Pastorale américaine (1997)

American Pastoral

Sortie : 23 avril 1999 (France). Roman

livre de Philip Roth

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Je ne voudrais pas avoir l'air de faire la fine bouche. Le roman, prix Pulitzer, est extrêmement puissant dans sa première moitié, quand Roth pose ses thèmes progressivement, et surtout son personnage Swede, ce héros modèle parfait de l'accomplissement d'un American Way of Life rêvé. On est dans le mythe. À la fois juif et non juif, proche et lointain, réel et fantasmé... Mais voilà, il y a la fille en forme d'anti-thèse, et l'attentat qui va détruire une vie (non, plusieurs vies) avec cette question qui hante tout le livre : pourquoi ? Cette partie m'a absolument passionné. Comment une famille parfaite enfante un monstre ? Dans quelle mesure est-elle un monstre ? À qui doit-on donner raison ? Surtout : est-ce qu'un trop plein de positif produit du négatif ? La perfection américaine, à vouloir toujours pousser plus loin le curseur, aurait enfanté une créature qui vient bien de là, des concours de beauté et du conservatisme ambiant. Parfait. Mais Roth semble rencontrer un mur invisible aux deux-tiers du livre. Les enjeux peinent à se renouveler, les dialogues semblent se répéter, les parties du roman misent bout à bout ne se transcendent pas pour former quelque chose de supérieur. C'est presque pénible et difficile à accepter : qu'un livre aussi riche et prometteur ne puisse atteindre tout à fait les sommets entrevus. (parce que Roth est tellement bon qu'on en attend encore plus de lui ?)

423 pages, anglais

M pour Mabel
7.4

M pour Mabel

Sortie : 25 août 2016 (France). Roman

livre de Helen Macdonald

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Un livre de non-fiction qui en contient en réalité plusieurs. Il y a un livre de deuil, Helen MacDonald vient de perdre son père et tente difficilement de tourner la page. Il y a une biographie intégré au texte qui revient sur la vie de T.H.White, un romancier qu'elle admire. Et enfin et surtout, il y a Mabel, un jeune faucon (un autour pour être précis) que MacDonald dresse, avec patience et quelques ratés. La relation entre l'oiseau et l'auteure est le morceau de bravoure du livre, le portrait du rapace en particulier, qui devient attachant, parfois drôle, à d'autres moments violent. Un phénomène intéressant s'opère progressivement : l'oiseau gagne en humanité à mesure que l'auteur devient de plus en plus sauvage. Pourtant derrière ses questions qui restent pour la plupart en arrière-plan, un léger sentiment de frustration, l'impression que le texte aurait pu aller plus loin, que le deuil est traité un peu artificiellement, que MacDonald a une personnalité spéciale et de grosses envies d'autofiction, peu importe le sujet. Pas tout à fait le grand livre annoncé.

Kindle

Chère Ijeawele
7.8

Chère Ijeawele (2017)

ou un manifeste pour une éducation féministe

Dear Ijeawele, or A Feminist Manifesto in Fifteen Suggestions

Sortie : 2 mars 2017 (France). Culture & société

livre de Chimamanda Ngozi Adichie

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Un petit livre qui ne révolutionne pas la question si l'on s'y intéresse mais qui permet une jolie piqûre de rappel. Rien de va de soi, notre éducation parfois doit être remise en cause pour comprendre des injustices toutes simples. Et le diable se niche dans les détails, donc, parler, choisir les mots justes, donner confiance à sa fille, ne pas lui poser de limites, ne pas faire du mariage un objectif. Ne pas en faire une princesse mais une fille forte, avec une opinion, du caractère. La peur, la honte, sont souvent des mots qui reviennent ici.

78 pages

Les Raisins de la colère
8.3

Les Raisins de la colère (1939)

(traduction Duhamel et Coindreau)

Grapes of Wrath

Sortie : 1947 (France). Roman, Culture & société

livre de John Steinbeck

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Souvent considéré comme le plus grand roman de Steinbeck (et son roman préféré dit-on), "Les raisins de la colère" fait suite à une série d'articles écrits pour le San Francisco News sur le Dust Bowl, et publiés par Steinbeck, journaliste. Le roman lui vaut dans la foulée le prix Pulitzer en 1940. Et il y a des faits avérés et une forme parfois journalistique dans ce livre, avec des chapitres alternés, une fois plus distant et factuel, suivi d'un chapitre sur les hommes, où l'on reprend la narration où on l'avait laissée, au plus près de la famille Joad. Steinbeck romancier est immense, avec des descriptions de la nature et des paysages splendides, cette humanité toujours à fleur de peau, et des personnages plus vrais que nature. Le côté plus partisan et politique du texte est en revanche souvent moins solide quand il n'est pas un peu caricatural. L'engagement brouille la vue, certains épisodes sont un peu évidents, un peu grossiers, on peut comprendre que le contexte d'injustice sociale révolte, mais le monstre capitaliste a été copieusement décrit depuis et on trouvera ici une propension facile à faire des sentiments ou à diaboliser, propension qui n'existe plus dans ses textes plus tardifs. C'est pourquoi "À l'est d'Eden" me semble encore bien supérieur. La fin ici ne rappelle en rien le film de Ford. Pas de grand discours ou de poing serré mais un déluge biblique symbole de toutes les colères et une dernière page amère et pleine de magie. Un grand écrivain. Mais encore un grand écrivain à message.

536 pages, anglais

La Voleuse d'hommes
7.3

La Voleuse d'hommes

The Robber Bride

Sortie : 1994 (France). Roman

livre de Margaret Atwood

bilouaustria a mis 5/10.

Annotation :

Un roman qui m'a paru particulièrement laborieux, en partie parce qu'il annonce assez lourdement son programme dans les premières pages pour le dérouler dans les 600 suivantes sans grand effort, style ou surprise. On tient parce que c'est du roman de gare catégorie supérieure, aucune résistance, les pages se tournent toutes seules, et le personnage central de Zenia, sorte de démon-déesse, toujours prête à faire le mal tout en anticipant les réactions de chacune et lisant quasiment leurs pensées, oui, ce personnage intrigue. Enfin il intrigue parce que je voulais voir comment Atwood allait finir par retomber sur ses pattes, comme tout est de plus en plus gros, et que je sais qu'Atwood a des tendances fantaisistes voire SF, j'appréhendais un peu le rebondissement ultime, or bon, NO SPOILER, il n'y a juste pas grand chose à se mettre sous la dent. La narration en couches fonctionne sur un principe de répétition plutôt que de progression et c'est vraiment une des limites du livre. Quand Atwood quitte son intrigue principale pour divaguer, là on touche presque quelque chose : les questions du féminisme, de la perspective - chaque personnage voyant Zenia depuis son point de vue, ces questions là sont effleurées, mais "The Robber Bride" est simplement un divertissement plutôt raté avec peu d'ambition littéraire (a-t-il été écrit, pensé comme une série ou un projet pour la télévision ?).

654 pages

Le Dimanche des mères
6.6

Le Dimanche des mères

Mothering Sunday. A Romance

Sortie : 3 janvier 2017 (France). Roman

livre de Graham Swift

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Cette novela a l'ambition, comme certains textes des dernières années ("Everyman" de P.Roth, "On Chesil Beach" de Mc Ewan) de narrer une vie entière en une centaine de pages. Pour ce faire, Graham Swift prend le même point de départ que Mc Ewan : une Angleterre d'un autre temps et le point de bascule, le moment qui fera pour toujours changer une vie ordinaire en... quoi ? Un drame ? Une opportunité ? C'est en partie le suspens du livre, où l'on sent que les micro événements de ce dimanche exceptionnel comptent et nous mèneront vers un dénouement fort, mais qu'arrivera-t-il à cette petite bonne à laquelle on s'attache ? L'Angleterre de 1924, ce sont avant tout des rapports de classes, des non-dits, des hypocrisies. Swift capture bien les silences, et la structure morcelée du livre qui reconstitue les épisodes dans un savant désordre est à son avantage. Livre attachant doux-amer qui ferait un délicieux petit film et qui cherche sa force dans les chuchotements, les petits riens. Exercice périlleux qui le rend peut-être au final un peu anecdotique avec malheureusement les deux parties du livre qui sont artificiellement articulées.

142 pages

Chien Galeux
5.9

Chien Galeux (1978)

Running Dog

Sortie : 1991 (France). Roman

livre de Don DeLillo

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Des nazis, du porno, des armes à feu, du sexe, un travesti assassiné d'entrée de jeu... Et beaucoup d'argent, des limousines, des ados millionnaires protégés par des chiens de garde, Don DeLillo travaille la mythologie américaine avec comme toujours des intuitions, parfois des visions, mais toujours un sens supérieur de l'anticipation. Les mythes mais aussi les codes, on est dans le néo-noir, qui emprunte au western, la mafia rôde, les dialogues sont fulgurants. On reconnaît DDL à son côté pince sans rire, ses abstractions poétiques et inquiétantes, ses personnages qui mélangent amour et violence. Plus mainstream et moins déceptif que certains de ses romans à venir, "Running Dog" n'en est pas moins un classique des années 1970 qui annonce la prise de pouvoir du dollar sur les rêves. C'est l'Amérique auscultée entre la plaie encore purulente du Vietnam et celle qui s'ouvre doucement du capitalisme sauvage "...avec ses chiens galeux". Et un ultime pied de nez culotté. (À noter que les titres des romans de DDL sont interchangeables : ici pourquoi pas "Les joueurs", "Americana" ou "Underworld USA").

265 pages

Troisième Personne
6.8

Troisième Personne

Sortie : 3 janvier 2017 (France). Roman

livre de Valérie Mréjen

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

C'est un livre difficile à écrire mais qui correspond parfaitement à ce que Valérie Mrejen sait faire, à savoir écrire le regard lavé, cette impression de découvrir le monde pour la première fois, de voir des choses que le quotidien rend quasiment invisibles, de retrouver la beauté dans l'ordinaire. On peut passer à côté, s'exaspérer du côté Amélie Poulain ou Philippe Delerm, mais "Troisième personne" est quand même bien plus que ça, qu'un simple catalogue. Mrejen arrive à faire ressentir le regard de l'enfant mais aussi les transformations immédiates chez l'adulte qui à son tour redécouvre le monde (la scène où ils rentrent de la maternité, retrouvent leur appartement, mais avec comme le sentiment que tout est différent). Écriture très soignée, sens du détail, du mot juste, travail de longue haleine. Un texte que je vais devoir relire dans quelques semaines (avec "Histoire d'enfant" de Handke dont ce livre se réclame) pour voir si son impact me touche davantage. La vérité probablement est que ce texte, aussi bon soit-il me touche moins que d'autres choses en littérature. J'aime être poussé à imaginer, à réfléchir, à ressentir la langue par exemple mais ici on est davantage dans une expérience universelle qu'elle tente par ses mots de retranscrire, on est dans la restitution, et cette restitution me passionne simplement moins.

141 pages

Le linguiste était presque parfait
6.7

Le linguiste était presque parfait (1980)

Double Negative

Sortie : 2 mai 2013 (France). Roman

livre de David Carkeet

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Et si l'endroit le plus approprié pour imaginer un roman policier n'était pas tout simplement le bureau ? Les fourberies entre collègues, les bruits de couloir, les différentes intrigues, les histoires du chef ou de la secrétaire... David Carkeet va au bout de cette idée et même plus loin avec ce roman loufoque et original sur un institut de linguistique qui serait le théâtre d'un meurtre, en plus des habituelles recherches, déjà pas tristes, sur la prélinguistique et expérimentée sur des enfants de 1 à 4 ans. Bref, un savant mélange d'Hercule Poirot et de grammaire, et un titre, "Double Negative" qui annonce la couleur (légèrement absurde, à base d'engueulades à la cantine sur la double négation). C'est léger, plutôt malin, un peu laborieux aussi par moments. Aux bonnes idées répondent quelques réflexes paresseux (des facilités dans la construction, l'enquête plus ou moins traitée par-dessus la jambe). Mais au rayon "curiosité ", "Le linguiste était presque parfait" mérite sa tête de gondole - entre nous, pour MTL c'est une mini-décéption. Et bravo encore une fois à Nicolas Richard pour s'être extirpé de cette traduction délicate avec les honneurs.

287 pages

Ceux du Nord-Ouest
6.7

Ceux du Nord-Ouest (2012)

NW

Sortie : 15 avril 2014 (France). Roman

livre de Zadie Smith

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Un roman techniquement impressionnant, où la large palette de Zadie Smith s'exprime dans les dialogues, les accents, les tics de langage etc. Elle capture comme personne un personnage à travers son parlé, c'est sa grande force, mais il y a un côté ventriloque chez elle : derrière la reproduction parfaite ou l'imitation, pas ou peu de vie pour Nathan, Felix, Leah ou Natalie. On peine à partager leurs émotions ou à réellement s'identifier. Le projet, rendre la vie d'un quartier du nord-ouest londonien (NW, donc), participe aussi sans doute de cette disparité : trop de personnages, d'éclats, de morcellement pour pouvoir se concentrer sur une figure plutôt qu'une autre. On sent l'amour pour ce quartier, l'élément autobiographique sous-jacent (ou du moins la peinture de première main) mais il reste toujours une distance, et surtout le texte semble manquer de nécessité, d'urgence, c'est parfois trop l'écrivain qui fait ses gammes à vide. Rageant quand on a un talent pareil.

337 pages, anglais

La Mort d'un père
7.4

La Mort d'un père (2009)

Mon combat - I

Min kamp. Første bok

Sortie : 13 septembre 2012 (France). Récit

livre de Karl Ove Knausgaard

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Je suis surpris par la sérénité avec laquelle Knausgaard mène son projet à bien, le texte n'est à priori pas spectaculaire, ça ne joue pas à faire de la littérature, malgré la culture de l'auteur. Donc sans faire de grandes phrases, on accumule, on revient en détail sur des instants, même parfois ordinaires, mais qui bout à bout forment une toile plus grande, les contours d'un père (mythique) et ceux d'un homme (l'auteur). C'est encore l'exercice de l'autoportrait en diagonale, ou par ricochets, mais habilement dressé, avec des scènes d'enfance aussi simples que décisives. Ce sont les choix dans le grand découpage qui frappent le plus, là où d'autres voudraient peut-être dramatiser à outrance, ne raconter une vie seulement qu'à travers ses périodes éclatantes, Knausgaard force le trait à l'opposé, convaincu que peu importe les parties, le puzzle se reconstitue intact à la fin. Donc il prend des instants très ordinaires ou modestes, des choses qui n'attirent pas exactement l'oeil et puis aussi parfois des moments qui forment la personnalité, qui ne décident pas encore de qui vous êtes mais de qui vous serez. Parfois Knausgaard pousse un poil trop le bouchon du quotidien, du anti-spectaculaire, on pourrait couper ici ou là facilement quelques pages sans perdre la sève, mais l'ensemble est plus que convaincant et donne envie d'aller jeter un oeil du côté des tomes suivants.

539 pages

À la vitesse de la lumière
7.6

À la vitesse de la lumière (2005)

La velocidad de la luz

Sortie : août 2006 (France). Roman

livre de Javier Cercas

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Cercas est un conteur exceptionnel et quand le lecteur se trouve pris dans les filets d'une de ses histoires, il n'y a plus moyen de s'échapper. Ici encore, sous forme de récits enchâssés en poupées russes, une histoire dans une histoire dans une histoire, on passe de Barcelone à une faculté américaine paumée, d'un personnage à un autre avec une facilité déconcertante. Et surtout un récit haletant (fins de chapitre en forme de cliffhanger). Mais Cercas, au lieu de nous tenir pour de bon avec l'histoire de cet ancien combattant du Vietnam, entre violence et rédemption, revient en Espagne et nous raconte ses succès littéraires : c'est le début de la fin. Soit le même travers que Carrère (son jumeaux français) quand il s'égare. Le reste devient difficile à avaler, en particulier le rapprochement fallacieux entre sa reconnaissance soudaine et les traumatismes de guerre (le succès c'est dur comme le Vietnam ? Vraiment ?). Les histoires parallèles deviennent quelque peu artificiellement raccordées et l'autofiction s'amourache mal de la partie précisément documentaire du texte - sans lâcher les gros spoiler c'est dur de compatir pour Cercas et imaginer sa douleur quand on sait que les événements sont fictifs. Sur une ligne tendue, Cercas jongle en funambule 200 pages durant avant de se casser légèrement la gueule dans la dernière partie. Puisque son écriture ne tient pas tant sur la langue, il faut que le contrat passé avec le lecteur reste solide. Pas grave, le jeu en valait la chandelle. La faculté de l'auteur à nous emporter dans un sens ou dans l'autre vaut plus que tous les auteurs tièdes.

284 pages

Malina
7.4

Malina (1971)

Sortie : 6 novembre 2008 (France). Roman

livre de Ingeborg Bachmann

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Roman âpre à la langue très cahotante, hésitante, bousculée, "Malina" trouve une place particulière entre roman expérimental, journal intime, rêves, et naturellement autoportrait. Le texte est composé de trois parties assez distinctes, dont la première est la plus confuse et bégayante, la deuxième la plus passionnante et habitée, et où la troisième, si elle se simplifie sans doute au niveau de la langue ne résout rien pour autant (questions, enjeux restent ouverts). Il y a cette envie furieuse chez Bachmann d'écrire dans sa langue une langue étrangère, de travailler les mots comme une matière pour se réinventer. Malina, parlons-en, qui est-il ? Tantôt l'amant, tantôt un personnage fantasmé ou la preuve de la schizophrénie de l'auteur. Le roman ressemble à son meilleur à un long cauchemar, avec des bouts de réels qui se distordent et se déforment au contact des phrases alambiquées de Bachmann. Parfois on dirait un simple exercice de déstabilisation : tromper le lecteur qui aurait l'arrogance de vouloir comprendre. L'ensemble apparaît comme très morcelé, à la fois lisible et fragile, mais complexe à reconstituer sous une forme plus globale. Il faut dire que ce genre d'expérience se laisse difficilement résumer en quelques mots. S'armer de patience est nécessaire, accepter de lâcher prise est essentiel.

280 pages

Watership Down
8.1

Watership Down (1972)

Watership Down

Sortie : 1976 (France). Roman

livre de Richard Adams

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Comme d'habitude, un livre-objet magnifique, édité avec amour par Monsieur Toussaint Louverture, et un livre culte en Angleterre et ailleurs (plus de 50 millions de copies vendues !). Bon, mais tout ça ne m'a pas empêché de rester sur ma faim. Le roman d'aventure fonctionne pas mal, on a notre lot de rebondissements, même si tout reste relativement prévisible. Il y a une petite morale qui transforme le livre en fable, et le sentiment que 500 pages de gentilles métaphores ça fait beaucoup. Donc oui "Watership Down" est parfaitement divertissant, j'imagine que c'est un bon roman jeunesse et j'aurais apprécié le lire à 15 ans. Mais là où Dumas pimente ses aventures de contexte historique et de personnages secondaires parfaitement dessinés, Richard Adams se contente du minimum. Dommage quand on voit le travail de Dominique Bordes et le soin apporté à la traduction - on ne peut pas avoir toujours le nez creux.

540 pages

Voir le voir
8.2

Voir le voir (1972)

Ways of Seeing

Sortie : septembre 2008 (France). Essai

livre de John Berger

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Un essai important, aussi capital que le texte de Susan Sontag sur la photographie ou celui de Walter Benjamin ("L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité") qui est souvent cité comme référence. Berger analyse notre regard sur les tableaux classiques, les connus et les moins connus, pour mieux parler de nous, du capitalisme, de notre fréquentation des musées ou de comment la noblesse aimé à être représentée. John Berger agence sa pensée avec précision, en restant claire et sans jargon, et son livre est richement illustré. Le chapitre qui montre comment la publicité a progressivement transformé notre regard et ce qu'elle doit aux tableaux de maîtres est peut-être le meilleur.

155 pages, anglais

En attendant Bojangles
7.5

En attendant Bojangles (2016)

Sortie : 8 janvier 2016. Roman

livre de Olivier Bourdeaut

bilouaustria a mis 5/10.

Annotation :

Un texte bourré ras-bord de "mots d'auteur", ceux qui font joli avec des paradoxes dedans. Plus un mélange de naïveté facile (l'enfant) et de drame traité avec légèreté pour faire pudique (la mère). Je n'aime pas la complicité entre l'auteur et le lecteur au détriment d'un personnage et une grande partie des effets d'Olivier Bourdeaut fonctionnent sur ce présupposé (les clins d'oeil incessants entre l'auteur et le lecteur dans le dos du petit qui ne comprend pas les choses pour les adultes). Ce n'est pas à proprement parlé mauvais, l'histoire est personnelle paraît-il (oui il y aussi cette caution au début, attention histoire vraie) mais l'écriture est bien trop mécanique, pleine de surprises et de gaité sur commande. Ce n'est pas Boris Vian, mais Paul Morand pour les nuls. Dans un registre qui peut plaire mais qui est casse gueule. Déjà été fait ailleurs et en mieux, merci.

159 pages

De l'intime
8.5

De l'intime (2013)

Loin du bruyant Amour

Sortie : 2013 (France). Essai, Philosophie

livre de François Jullien

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

François Jullien n'est pas une lecture de plage mais il a le mérite de rester clair aussi érudit soit-il. Il aime également à mélanger les genres comme Baudrillard le faisait si bien (ici d'une manière nettement moins pop, reconnaissons-le). Donc le sinologue fait de la philo au plus près des mots et des langues, il convoque volontiers la littérature (Stendhal beaucoup, Simenon un peu, Rousseau parfois), avec l'envie de comprendre l'intime, de l'analyser, de le décortiquer, de le distinguer du sexuel, de la complicité, et de résoudre le paradoxe au coeur même du mot : l'intime étant à la fois intime de l'autre et profondément seul. L'intime de la religion. L'intime comme morale. Une pensée très intéressante à voir en action.

206 pages

Mon mal vient de plus loin
8.2

Mon mal vient de plus loin (1965)

Everything That Rises Must Converge

Sortie : 1 janvier 1968 (France). Nouvelle

livre de Flannery O'Connor

bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Neuf nouvelles extraordinaires parfaitement dans l'esprit de son premier recueil et construites presque systématiquement sur le même modèle : un triangle, ou plutôt un trio de personnages en désaccord, en général les tensions au sein d'une même famille jusqu'à l'explosion. Ainsi peut-on imaginer le recueil entier comme un exercice de variations autour de la même structure de départ. Les thèmes chers à O'Connor sont toujours là, les tensions raciales, le chantage affectif, la figure de l'intellectuel marginalisé, et la religion plus ou moins moquée mais menaçante. Nous sommes aussi toujours en Géorgie, dans ce sud des États-Unis qui est un pays de littérature (Faulkner, Penn Warren, Mc Cullers etc). La maîtrise de Flannery O'Connor, déjà très malade mais pas encore mourante, est sidérante. Mon texte préféré reste probablement le premier, un simple trajet de bus et une discussion un peu chaude entre une mère et son fils, texte parfait plein de rancœur, de complexe de supériorité, de malentendus, de racisme bas du front, de coquetterie mal placée. Fabuleux. En six mois, elle est devenue à coup sûr mon auteur favori de nouvelles.

205 pages

La nature des choses
5.5

La nature des choses

The Natural Way of Things

Sortie : 6 septembre 2017 (France). Roman

livre de Charlotte Wood

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Un roman étrange, assez antipathique, désagréable, dans une Australie comme on l'imagine, poussiéreuse, désertique, rude et sauvage. D'ailleurs la question de la nature (ou disons du naturel et du culturel ) est centrale, Charlotte Wood transformant progressivement ce qui aurait pu se contenter d'être le récit d'une rétention perverse en quelque chose de plus original, du côté de la fable peut-être. Ces femmes ont toutes été kidnappées, séquestrées et on découvre qu'elles étaient détestées dans leur vie précédente (enviées, haïes pour leur arrogance, leur célébrités vaines...). Donc il y a ce camp avec trois geôliers et puis progressivement une lutte pour la survie qui dépasse juste l'objectif à court terme mais qui devient un retour aux origines ou une transformation vers autre chose (le vrai soi ?). Pas si anecdotique que ça.

280 pages

Qu'est-ce que vous voulez voir ?
7.8

Qu'est-ce que vous voulez voir ?

Call If You Need Me : The Uncollected Fiction and Other Prose

Sortie : mai 2000 (France). Recueil de nouvelles

livre de Raymond Carver

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Cinq inédits de Carver retrouvés après sa mort et pour une partie publiés dans Esquire. Carver fait du Carver donc, avec son style qui essaye de dire beaucoup en peu de mots et comme en cachant l'essentiel, où chaque virgule compte (il écrit, réécrit, et considère son texte seulement achevé quand il commence à rayer les mots qu'il vient d'ajouter). Donc de la tension sous-jacente, des sous-entendus, de la pudeur, des petits riens qui font la vie de ces middle-class américains portés sur la pêche et la bouteille comme Ray lui-même. Des histoires de couple au bord de la rupture, et on comprend à quel point Carver a été décisif pour cette génération, les Richard Ford, Mc Inerney etc qui sont tous sortis de la cuisse de Carver (et possiblement de Cheever, moins connu chez nous mais tout aussi essentiel). Ces textes en particulier ne sont peut-être pas les joyaux de la couronne mais on retrouve immédiatement la patte et on appréciera les motifs qui circulent d'une histoire à l'autre.

134 pages

Van Gogh : Le suicidé de la société
8.1

Van Gogh : Le suicidé de la société (1947)

Sortie : 1947 (France). Essai

livre de Antonin Artaud

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Ce n'est pas tant l'idée que la langue qui est ici renversante. Le style d'Artaud emporte tout, comme une inondation, un torrent de boue (parce que tout n'est pas joli joli dans cette langue acerbe) qui peut rappeler Bloy par sa flamboyante colère ou Lautréamont qui est ici cité en exemple de ces suicidés de la société - modèles ou précurseurs d'Artaud lui-même. Jamais la peinture de Van Gogh n'avait autant parlé, et c'est la force des mots, choisis avec un soin inouï, qui accomplit ce miracle. On sent les matières, la vie, le pouls du peintre, la colère sous la peau, le désespoir plein la toile, l'alcool, le génie. L'avant-propos est aussi somptueux, et il souligne ce travail du mot juste, montrant comment les sonorités, les analogies, l'étymologie participent des choix d'Artaud, il y a parfois des mots pour d'autres qui inconsciemment dégagent une force supérieure. On peut avoir de loin le sentiment Célinien qu'il n'y a que force et provocation dans ce court essai mais comme chez Céline, la facilité trompe : il faut un soin incroyable pour arriver à un tel résultat, profond, sensoriel, musical.

94 pages

bilouaustria

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