Lectures '18
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2014 ...
69 livres
créée il y a presque 7 ans · modifiée il y a presque 6 ansL'Île habitée (1969)
Обитаемый остров
Sortie : 1971 (France). Roman, Science-fiction
livre de Arkadi Strougatski et Boris Natanovitch Strougatski
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Les frères Strougatski sont des auteurs de science-fiction surtout connus pour avoir été adaptés au cinéma : "Stalker" (Tarkovski, 1979) ou "Il est difficile d'être un Dieu" (Guerman, 2013). De solides garanties, d'autant que ce roman est annoncé comme le plus politique de ses auteurs. Et effectivement on a le droit à une fable sur les systèmes totalitaires : un terrien débarque sur une planète pour faire des relevés scientifiques et se retrouve malgré lui bloqué, condamné à rester et même à s'intégrer dans cette société étrange. Tout y est gris et déprimant, une dictature militaire a pris le contrôle et utilise des tours radio pour contrôler la population. Évidemment on s'empresse de comparer : que nous dit ce monde sur le nôtre, cette planète est-elle le monde soviétique dans lequel ont grandi les frères ? Quoi qu'il en soit, on prête un peu trop de qualités à cette littérature de genre, pour peu qu'elle parle en biais de contrôle et d'autoritarisme. Mais ce que font plutôt bien les Strougatski pour désamorcer ce qui serait par trop manichéen, c'est de montrer comment le maquis de la résistance ne vaut guère mieux. Et notre héros de perdre, au fur et à mesure de ses mauvaises expériences, la naïveté qui le caractérisait au début du livre. Bon divertissement, twist final de rigueur.
Les Mille et Une Nuits
(traduction Antoine Galland)
Kitāb ʾAlf Laylah wa-Laylah
Sortie : 1704 (France). Recueil de contes
livre
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
La préface de Jean Gaulmier a le mérite de mettre en avant trois points en particulier qui m'ont également frappé. Tout d'abord qu'il y a un plaisir à lire ces histoires, à se les laisser conter, qui est un plaisir presque enfantin, un côté conte de fées bienvenu, une magie quasiment primitive. Ensuite que ces histoires tiennent en grande partie sur leurs nombreuses péripéties (même si la langue, dans la belle traduction d'Antoine Galland, est élégante) et de ces péripéties nait une certaine fascination. Il faut lire l'histoire des voyages de Sinbad le marin, du génie de la lampe, de Jaffar le grand Vizir et des autres. Mais, et enfin, Gaulmier précise aussi qu'il a fallu faire des choix, élaguer pour ne pas lasser le lecteur, et en réalité sur ces 400 pages d'aventures souvent similaires avec des figures récurrentes, au long cours, une certaine lassitude est presque inévitable. D'ailleurs les péripéties elles-mêmes donnent le sentiment d'une belle voiture qui n'aurait qu'une vitesse (un roman sait ménager ses temps forts, créer des plages moins animées etc). Ces contes, il aurait fallu les picorer, les lire entre deux romans, les piocher ici ou là plutôt que de les épuiser scrupuleusement.
À petites foulées (1989)
El inquilino
Sortie : 2004 (France). Roman
livre de Javier Cercas
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Cette variation autour du "Double" de Dostoievski est plaisante et Cercas parvient à instaurer un malaise assez subtile et progressif qui questionne le lecteur. Le texte est très court, c'est un premier roman, pas forcément typique de ce que Cercas fera plus tard d'ailleurs, mais le doute s'installe et ne disparaît plus, partant d'une banale histoire de cheville tordue. Le gros problème à mon sens, quitte à réécrire un texte connu ou à s'aventurer sur des terres déjà foulées, c'est cette fin facile, presque un peu bâclée, qui ne fait rien retomber sur ses pattes. On a le sentiment que le roman se dirige vers quelque chose de plus intéressant (un homme et son double qui serait une version réussie de lui-même, lui-même avec de la chance, du charisme, un sourire, comment la vie bascule parce qu'on la force à pencher d'un côté plutôt qu'un autre, autrement dit pas un double mais lui-même face à son potentiel). Mais non, ça se termine en eau de boudin, dans un tour d'esbroufe un peu impuissant. On comprend quand même que l'auteur n'est pas n'importe qui et que le meilleur reste à venir.
Peter Camenzind
Sortie : 1904 (France). Roman
livre de Hermann Hesse
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Je ne sais pas quelle influence Hesse a eu sur ses contemporains au moment de la sortie de son magnifique premier roman "Peter Camenzind" (et déjà premier Bildungsroman contenant en germe tous ses livres) mais on dit que le texte connu un grand succès et il y a dans ces pages la même incompatibilité d'être au monde qu'on trouve chez le jeune Walser ("Les enfants Tanner" sort en 1907) ou le jeune Musil ("Le désarroi de l'élève Törless", 1906). Ils ont tous les trois la vingtaine (Hesse a 27 ans à la sortie du roman), un sentiment de malaise et pourtant une vitalité absolue, à moins que ce ne soit un trop plein de vie. La prose de Hesse est splendide, son hymne à la nature (Dieu est dans la nature) n'a rien perdu de sa force aujourd'hui. Qu'il doit être impressionnant et bouleversant ce roman si on le lit à 18 ans ! Il y a une puissance, une générosité, une dépression en germe qui nourrit d'autant plus les moments de vie, une intensité, le sentiment d'une immédiate nostalgie : le présent est trop éphémère, on vit et déjà on se souvient qu'on vivait et qu'on ne vit plus. "Telle fut l'histoire de ma jeunesse. Quand j'y réfléchis, il me semble qu'elle fut courte comme une nuit d'été. Un peu de musique, un peu de vie intellectuelle, un peu d'amour, un peu de vanité - mais c'était beau, riche et coloré comme une fête d'Eleusis."
Souvenirs du futur (1989)
Vospominanija o buduŝem
Sortie : 2010 (France). Roman
livre de Sigismund Krzyzanowski
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Encore un beau roman russe qui a passé soixante ans dans le tiroir d'un bureau de censure. Écrit en 1929 puis interdit, "Souvenirs du futur" sera finalement publié en 1989 près de quarante ans après la mort de l'auteur. Et Krzyzanowski mérite largement d'être redécouvert aujourd'hui parce que sa langue est étrange et précise, il choisit souvent des mots et des métaphores inattendus et déroutants. La partie scientifique du livre est belle et complexe et donne un sentiment de crédibilité absolue, une machine à "couper" le temps (c'est le parti, la vraie machine à couper le temps) mais la beauté du livre, c'est de faire mine de nous raconter ce projet et sa réalisation alors que ce sont les à côtés qui sont les plus passionnants. Comment en 1929 en URSS, année où Staline arrive au pouvoir, rien ne voit le jour, comment on fait du surplace, comment le temps est comme figé, comment l'on parle du futur alors qu'on vit dans le passé. Prison, camp de concentration, police, les aléas de notre génie Sterer ne sont pas ceux d'un mathématicien lambda. Un esprit créatif dans un monde aussi glacial ne peut être qu'étouffé dans l'oeuf, ou utilisé à des fins détournées. Écriture fascinante du détail, du mot juste. Très belle traduction. Verdier continue son travail remarquable.
Le Livre brisé
Sortie : août 1989 (France). Récit
livre de Serge Doubrovsky
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Serge Doubrovsky c'est cet extrait, page 144, au sujet de son père : "je n'aime pas les hommelettes. En politique, son dicton favori : on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs. A force d'en avoir bavé, il me les casse. Devant lui, je marche toujours sur des oeufs". Bref le style Doubrovsky m'inspire un étrange mélange de respect littéraire (il y a de la recherche, une forme) et d'agacement devant ses inépuisables jeux de mots qui épuisent le langage autant que son lecteur. On sent que ce n'est pas l'écriture qui tombe sur des mots et qui fait du sens par elle-même mais au contraire les bons mots qui décident, qui exigent des détours, des paragraphes entiers justifiés par un trait d'esprit plus ou moins bon. Et puis c'est tellement facile à contrefaire. (Une critique ? Je tique. Je crie devant ce livre brisé. Il me les brise ce livre. Un ouragan de mots ? À peine une brise. Qui brise le sens, et livre des phrases qui ne pèsent pas une livre... etc).
L'intérêt donc, se situe ailleurs, dans l'autofiction, cet exhibitionnisme littéraire de mauvais goût où l'auteur excelle. Il y a une mise à nue repoussante autant que fascinante, une cruauté, un égoïsme qui laissent sans voix. On pourrait dire que c'est écrit sans complaisance mais il semble que même dans cette non-complaisance il y ait de la complaisance. Doubrovsky est un monstre. Chacun réagira comme il voudra ou pourra face au texte (qu'on est tenté d'abandonner) mais un texte écrit par un monstre reste un texte à part, d'un intérêt forcément particulier. Même quand on retrouve le corps de sa femme, il continue ses petits mots d'esprit et fait de sa souffrance de la littérature (ce qui paraît vaguement indigne mais la question de la dignité ne se pose plus depuis longtemps). On ne peut s'empêcher de se dire qu'il se réjouit un tout petit peu, que cette mort est une aubaine. Doubrovsky s'effondre et fait mine de s'accuser mais même ses reproches sont factices : il met en cause ses écrits (en gros sa puissance littéraire aurait tué sa femme) plutôt que lui-même comme homme. "Le livre brisé" pose la question de la limite, de ce qui s'écrit et de ce que l'intime doit taire. L'auteur donnerait volontiers sa vie pour qu'on parle de ses livres ? Non, mais il donnerait volontiers celle de quelqu'un d'autre...
Imitation de la vie
Sortie : août 2017 (France). Roman
livre de Antoine Mouton
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Après un premier roman qui ressemblait à un deuxième (très sûr, tenu, parfaitement construit), Antoine Mouton signe un deuxième roman qui ressemble à s'y méprendre à un premier : foutraque, bancal, personnel. Son style, lui, est sauf, on le reconnaît immédiatement, mélange d'humour et d'évidente étrangeté (une ville qui bouge, des disparitions fantastiques). Il sait aborder un drame avec légèreté et c'est ce qu'il réussit ici. "Imitation de la vie", c'est comment deux personnes qui ne s'aiment plus continuent d'essayer. Il y a aussi un suicidé qui rôde tout le long du livre, qui s'immisce entre les personnages, entre leurs histoires, comme un fantôme. Il y a surtout plusieurs petits romans côte à côte qui ont du mal à communiquer les uns avec les autres. La couture est moins habile. L'exercice périlleux de raconter autant en si peu de pages prend un peu moins cette fois. Le ton, l'humour un peu forcé, la tentation du bon mot, détonnent parfois d'un chapitre à l'autre, mais l'ensemble ne laisse pas de doute quand au talent de l'auteur. Un coup d'épée dans l'eau.
L'Intrus (1948)
Intruder in the Dust
Sortie : 1952 (France). Roman
livre de William Faulkner
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Faulkner dans une veine parfaitement faulknerienne, roman plein de non-dits et de mystères, rythmé par de longues phrases sinueuses et ponctué des monologues de l'oncle Gavin qui sont à eux seuls presque des petits essais sur le sud, son avenir, sa mentalité, et le travail qu'il lui reste à accomplir. Il y a une intrigue policière ici encore, un noir aurait tué un blanc, il est retrouvé sur les lieux arme en main, mais tout cela est bien sûr secondaire. Il est question d'autre chose, l'ambition va bien au-delà de la petite résolution : on y parle de fierté (Lucas Beauchamp est un personnage troublant), de législation, de racisme, d'aveuglement. L'Amérique, veut-elle se donner les moyens de ses ambitions ? En regardant par le trou de la serrure d'un cas particulier, Faulkner nous ouvre un monde immense et dans l'impasse, un monde immobile et corrompu. Et le regard peut-être naïf de Charlie, tout juste 16 ans, ne donne jamais la même impression de simplicité que celui des enfants chez Harper Lee. Et quand on pense que le livre date de 1948 et que l'affaire Emmett Till est de 1955... Roman mineur ? Pas du tout.
Moi qui ai servi le roi d'Angleterre (1971)
Obsluhoval jsem anglického krále
Sortie : avril 2008 (France). Roman
livre de Bohumil Hrabal
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
On dit qu'on peut rire de tout mais pas forcément avec tout le monde et le petit garçon de café de Hrabal est un "héros" (on fait difficilement plus anti-héros) qui cache bien son jeu. Parce qu'il est sacrément amusant et tchatcheur et à coup sûr on rigole avec lui, de ses anecdotes innombrables, de ses idées farfelues, de ses combines pour trouver ici ou là quelques sous. On ne sait pas encore à qui on a affaire mais tout cela est si inoffensif... Oui, le garçon veut être millionnaire. Oh pourquoi pas, c'est avant tout pour aller aux filles qu'il fait des économies. Puis on commence doucement à ravaler notre rire, il se trouve qu'il apprend l'allemand, une lubie soudaine puis qu'il épouse une allemande installée à Prague et que coïncidence, c'est seulement quelques semaines avant l'invasion d'Hitler. Nous sommes à la moitié du roman et le basculement s'est subtilement opéré. Le petit garçon est le roi des cyniques, toujours au bon endroit au bon moment : il vendra des collections de timbres appartenant à des familles de juifs déportés pour s'offrir le million qu'il convoitait depuis toujours. Et se payer un hôtel. Comme la vie est bien faite ! Et toujours avec le sourire s'il vous plaît. Dans un mélange détonnant d'envie dévorante et de naïveté feinte. Il y a la noirceur et le cynisme tchèque de l'époque, celle de "L'incinérateur de cadavres", des films de la nouvelle vague de Forman, Passer et Menzel avec lequel Hrabal a justement travaillé (le délicieux "Trains étroitement surveillés", c'est lui !). De ce roman polémique, une adaptation à l'écran a été réalisée, par Menzel encore, mais elle sera interdite et ne verra finalement le jour qu'en 2007. Sujet corsé mais joli poil à gratter littéraire.
Moon Palace (1989)
Sortie : 1990 (France). Roman
livre de Paul Auster
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
La force et la simplicité de la première moitié de "Moon Palace" sont vraiment impressionnantes. C'est la littérature américaine dans toute sa splendeur, décomplexée, imparable, qui tisse des fils narratifs en annonçant toujours ses dénouements d'emblée pour ensuite dérouler sereinement pour le plus grand plaisir du lecteur. Quand ensuite Auster cherche à ce que les fils se nouent pour former une plus belle tapisserie, ça se corse un peu (la tapisserie était bien assez belle comme ça) et la pelote de déroule un peu trop proprement, il y a des hasards un peu faciles. La démarche première qui est de raconter des histoires, quitte à ne pas les raccrocher comme des wagons ensuite, s'en trouve un peu fragilisée. Ça aurait pu être un grand livre, on y croit un temps, ça finit par être un roman un peu plus modeste (et autobiographique ?) que prévu. La fièvre retombe doucement mais "Moon palace" reste un bel héritage, qui rappelle d'autres romans (d'une autre époque) et ne semble pas avoir été écrit dans les années 1980 - Auster l'aurait déjà élaboré quinze ans auparavant, on y sent son amour des livres.
Entre les deux il n'y a rien
Sortie : 20 août 2015 (France). Récit
livre de Mathieu Riboulet
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Riboulet fait de l'histoire explosive des années 1967-1978 (celles de la RAF, des brigades rouges, d'une Europe borderline) un récit personnel, intime, où le sexuel et le politique ne sont jamais séparés. Plutôt que de revisiter la mythologie de mai 68 ou des Baader et autres Meinhof, il creuse ainsi sa propre mythologie introspective, celle de l'adolescence, de la découverte du monde, des combats qui forment la jeunesse, des premières idées qui sont les premières rébellions, dans une langue précise et crue, comme un crachât à la bien pensance. Pour lui, clairement, coucher avec un ouvrier ou poser une bombe provoquent la même déflagration, ce sont des gestes provocateurs et libérateurs essentiels. Entre le journal intime et la réflexion historique, entre les deux, précisément entre les deux il y a ce livre.
Hellfire (1982)
Sortie : 1982. Biographie
livre de Nick Tosches
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Une biographie rock écrite dans le style de Faulkner, bourrée à craquer de citations de la Bible, avec un Jerry Lee Lewis à l'éducation sudiste qui hésite entre devenir prêcheur ou chanteur de rock. Dieu ou le diable. Bien sûr c'est le diable qui l'emportera, et pas qu'un peu. Lewis insulte le public, met le feu à son piano, se remplit l'estomac de comprimés pas très catholiques, d'alcool et encore d'alcool, multiplie les accidents de voiture, épouse sa cousine de 13 ans (!), et se demande ce que le public peut bien trouver à Elvis ou aux Beatles, ces abrutis, alors qu'ils ont Jerry Lee Lewis nom de Dieu ! Et puis parfois il quitte un enregistrement parce qu'il doit écouter la parole divine et ne pas inciter les jeunes au péché (on croit rêver). Mais par-dessus tout, c'est le style splendide de Tosches (qui cite "Les palmiers sauvages" dès les premières pages, pas par hasard) qui emporte tout sur son passage, un style too much mais grandiose, qui capture tout le tragique du personnage. Grand morceau de pop culture.
Dalva (1988)
Sortie : 1991 (France). Roman
livre de Jim Harrison
bilouaustria a mis 5/10.
Annotation :
Un livre qui ne suscite rien, pas de force, pas de beauté, rien que du tiède, du futile, du faussement profond, et de l'exotisme (chevaucher un cheval dans les grands espaces du Nebraska à 6h du matin). Avec l'histoire des massacres indiens, en parallèle celle d'une mère qui n'a jamais connu son fils et le cherche, il faut le faire pour ne procurer aucune émotion ! Dans "Légendes d'automne", Harrison appliquait à ses histoires courtes une violence sèche qui claquait et évoquait Cormac McCarthy. Là il écrit au kilomètres des histoires bourgeoises sans importance, de gens qui baisent, font la cuisine, et boivent un peu trop. On sent que le roman pourrait faire 300 pages de plus ou de moins et que ça ne changerait absolument rien. Et on ne peut en aucun cas blâmer l'excellent Brice Matthieussent, traducteur courageux qui a toujours fait un excellent travail pour Bourgois. Harrison a écrit une suite quelques années plus tard. Pour payer ses impôts j'imagine.
Le Tambour (1959)
Die Blechtrommel
Sortie : 1961 (France). Roman
livre de Günter Grass
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
La remarquable préface du traducteur Jean Amsler contient tout ce qu'il faut savoir sur ce livre si monumental. Il décrit ainsi l'écriture de Grass : "rêche, drue, insolite, brutale, usante, naïve, parfois nouée en ornements digressifs monstrueusement longs". Précis, exacte. Il évoque également Rabelais, ce qui paraît le meilleur rapprochement que l'on puisse trouver pour évoquer ce livre "énaurme", provocateur, bruyant, scatologique, tout ce qu'on voudra. Il faut s'accrocher mais la littérature est souvent à ce prix là, même si tout n'est pas réussi ici, loin s'en faut. On se frotte les yeux souvent, pour y croire, Oscar qui a refusé de grandir, a le corps d'un enfant de trois ans (94 cms) mais l'esprit d'un ado et joue les caïds avec son groupe de blousons noirs qui le prend pour une réincarnation de Jésus (!!). Il est plus tard sculpteur sur marbre (il taille des pierres tombales avec beaucoup de talent) et pose nu et soudain bossu pour des ateliers d'art. Je passe sur la mère suicidée aux sardines à l'huile ou le vendeur de légume dont on retrouve le cadavre pendu accroché dans ses balances (le poids de son corps apparaît immédiatement aux forces de police). Dérision macabre et étrange mais pas forcément le règlement de compte féroce avec le nazisme que j'attendais. Il y a des passages d'une force inouïe et des lourdeurs pas possibles, le tout dans un gros livre qui mérite, qu'on l'aime ou qu'on l'abandonne après 200 pages, son étiquette de classique (un classique mal aimable). Grass a un goût prononcé pour l'étrange, un vocabulaire encyclopédique, une générosité hors du commun. Ses saynètes construites comme autant de nouvelles ne peuvent laisser indifférent, mais encore une fois ne sont pas au goût de tout le monde (il faut voir l'accueil critique que le roman s'est ramassé à sa sortie). Aussi fascinant qu'indigeste.
Exploration du flux (2018)
Sortie : 5 avril 2018. Essai
livre de Marina Skalova
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Skalova a un profil intéressant, née en Russie, ayant grandi en Allemagne (elle écrit des poèmes en allemand) et en France. Son écriture, son rythme, la petite musique qu'elle impose progressivement, sont littéraires. Je suis moins sûr du fond, encore très brûlant, d'écrire aujourd'hui sur les problèmes des migrants, de la réaction (ou non-réaction) de l'UE qu'elle appelle ici la Forteresse et des familles qui se noient dans la mer Egée ou ailleurs. Oui, il faut donner de la voix, je comprends que la littérature aussi soit, pourquoi pas, une tribune comme une autre, mais je crois que j'ai besoin d'un certain recul avec ce type de sujet avant d'asséner un certain nombre de vérités définitives. Il y a beaucoup de gens qui se donnent du mal, la manière qu'a Skalova de moquer tout le monde, les gens inconscients derrière leurs écrans, les politiques qui veulent impressionner leurs proches (?), bref, calmos. C'est chaud brûlant, on a envie de crier et d'écrire des bêtises, c'est pour cela que l'écrivain qui est plus sage et qui a le temps, devant sa feuille, doit choisir les mots, pas seulement pour trouver la forme adéquate mais aussi pour peser ses attaques et en mesurer les conséquences.
Manhood for amateurs (2009)
Sortie : 2009. Essai, Version originale
livre de Michael Chabon
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Une série d'essais attachants autour du thème de la masculinité. Être un père, un mari, un garçon (il a souvent recours à des souvenirs d'enfance), Chabon sait parfaitement construire ces petits textes soignés qui m'ont rappelé Franzen et "La zone d'inconfort". C'est toujours personnel et universel. On peut s'étonner de la modestie du projet et des moyens pour un jeune auteur qui a déjà gagné le prix Pulitzer mais l'essentiel est qu'il touche souvent juste, mettant le doigt sur des faits de société et les replaçant ensuite en perspective. Bien sûr, c'est inégal, les premiers essais sont les meilleurs (celui du père qui fait les courses avec sa fille) et puis ça se délite un peu, on ne marche pas forcément à chaque fois mais le plaisir de lecture reste intact. On croise aussi "La planète des singes" et David Foster Wallace dans la deuxième moitié.
Entre-temps, Blake Edwards
Sortie : 10 mai 2016 (France). Histoire, Essai
livre de Nicolas Truffinet
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Intéressant, déjà dans la construction à la fois chronologique et thématique. On revient sur le rôle de l'armée dans les premiers films de Blake Edwards, l'Amérique des années Eisenhower et les bouleversements dans la société qui se traduisent dans les comédies des années 1950. Nicolas Truffinet n'hésite pas, toujours avec à propos, à élargir ses références : aux séries parfois (les Sopranos reviennent régulièrement), à des comédies plus récentes d'Apatow ou à l'âge d'or hollywoodien en se référant à des films moins connus de Cukor, de Minnelli, ou d'autres. Il en faut autant pour parvenir à définir et enfin capturer l'essence du cinéma de Blake Edwards, moderne parmi les modernes, avant-gardiste loufoque, dialoguiste funambule. Quand un livre sur le cinéma donne une envie pressante de découvrir de nouveaux films, c'est toujours bon signe !
Fou de Vincent (1989)
Sortie : 1989 (France). Roman
livre de Hervé Guibert
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Hervé Guibert jette sur la page, sous forme de journal, d'annotations, sa relation avec le suicidé Vincent, une relation plus qu'imparfaite, un peu malsaine mais vitale, physique, destructrice, sexuelle. Il écrit comme on le sait avec une urgence, une précision, une clairvoyance, une crudité qui renversent le lecteur le plus sceptique, même celui qui croit qu'on ne peut pas en 80 pages écrire l'amour fou. Guibert le fait. Il écrit les failles, les corps, la drogue, les colères, les retrouvailles, les manques, et au moment où l'on pense à Barthes il cite les "Fragments". Guibert avait toujours trois coups d'avance sur tout le monde. Il est mort avant l'heure, pressé.
Les Réputations (2013)
Sortie : août 2014 (France). Roman
livre de Juan Gabriel Vásquez
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Cette histoire de caricaturiste est tout de même un cran en-dessous de ce à quoi Vasquez nous avait habitué. Le mal que peuvent faire les médias, le pouvoir qui frappe injustement, bon, la fable est un peu facile et tombe légèrement à plat. Peut-être le roman est-il trop court pour développer comme il faudrait cet homme finalement peu attachant et épris de justice sur le tard. "Le bruit des choses qui tombent" était infiniment plus riche, notamment sur ce qu'il disait de la Colombie de l'époque. Non pas que tout soit raté ici, le texte tient tout à fait la route en l'état, on sent une certaine déliquescence mais on comprend mal ce qui l'a motivé, qu'est-ce qui a poussé l'auteur à écrire cette histoire ? Parfois un caricaturiste est caricatural ? La politique est impitoyable et injuste ? Livre de l'année des lecteurs de points. Petite déception.
Jeunesse (1898)
Youth
Sortie : 1898. Nouvelle
livre de Joseph Conrad
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Nouvelle splendide en forme de parabole. Jeunesse, sur la mer, tout est dit. C'est un beau concentré de Conrad, court et simple mais puissant. Il faudrait recopier les dernières pages pour lui rendre justice. Il y a un goût salé d'exotisme, une nostalgie brûlante, un courage, un idéal, le caractère même de la jeunesse, une invincibilité, une confiance aveugle et absurde, c'est magnifique ce que le texte inspire avec simplement un rafiot et une poignée de personnages dessinés sommairement (dont Marlow bien sûr). Il y a des descriptions sublimes alors que Conrad ne cherche pas à séduire des passages plus philosophiques alors qu'il pense simplement à haute voix. Rien n'est contrefait. C'est simple et vrai. À garder sur la table de nuit pour y revenir encore. (Mon "Vieil homme et la mer" à moi). Je regrette juste de l'avoir lu en français mais c'est facilement réparable.
Period
Sortie : 2004 (France). Roman
livre de Dennis Cooper
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
"Period" est le dernier d'une série de cinq romans débutée en 1989 avec "Closer". Il reprend les thèmes Cooperiens (suicide, sexe, snuff movies, homosexualité etc) en poussant le curseur au maximum jusqu'à faire exploser le sens. Les obsessions restent, l'étrange aura, l'humour noir, l'aliénation adolescente mais sont cette fois dématérialisés par les miroirs, les doppelgänger et autre mondes parallèles. Il n'y a plus dans ce magma de passé, de présent, de futur, mais un mouvement fait de meurtres, de concerts gothiques, de journaux intimes. Ce qui aurait pu devenir un roman froid et théorique entre les mains d'un autre garde toute sa puissance grâce à cette écriture toujours très prenante, totalement dépouillée, souvent constituée de dialogues qui rappellent, au choix, BEE ou Gaddis. On se perd avec délectation dans ce monde qui parle de nous mieux que personne et qui trouve peut-être son équivalent chez Beckett (pousser le langage vers un certain vide, au bord du précipice : chez Beckett le précipice de l'innommable, chez Cooper, où tout est mort depuis longtemps presque l'envers : les mots semblent reprendre du sens mais le monde lui- même est comme absent). Renversant. 100 pages dont on ne fait jamais le tour.
Le Mur invisible (1963)
Die Wand
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de Marlen Haushofer
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Variation sur le thème de Robinson Crusoé à l'heure de la bombe H. Le récit sous forme de journal n'est pas porté par une écriture remarquable, Haushofer se contenant de développer lentement mais avec une belle assurance la quête de son héroïne. Une lecture écolo ne sert pas le roman, même s'il semble que Haushofer ait des intentions de ce côté là. La nature y est après tout le grand personnage du livre. Pour ma part, ce sont les non-dits, les rares introspections qui m'ont le plus captivé, les passages concernant sa vie d'avant, le poids que porte une femme, la tâche d'aimer étant comme un privilège insupportable. L'écrasant quotidien, la répétition des gestes. Conclusion prévisible. Le livre tient miraculeusement sur ses pieds, notamment parce qu'il tait l'essentiel ; un rien aurait suffi à le faire s'écrouler.
Confessions d'un gang de filles (1994)
Foxfire : Confessions of a Girl Gang
Sortie : janvier 2008 (France). Roman
livre de Joyce Carol Oates
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Elle balance pas mal dis-donc la Joyce Carol Oates ! Son gang de filles a presque des airs de la RAF par moments, avec sa leader tête brûlée et ses revendications féministico-marxiste. Roman manifeste, donc, qui fonctionne immédiatement parce que le coefficient sympathie est évident : tous les hommes sont des gros dégueulasses pervers et arnaqueurs mais rassurez-vous ils en prennent pour leur grade. Une fois encore, ce n'est pas tout à fait le style qui emporte la mise mais l'intelligence piquante de JCO. Je ne connais pas d'auteur qui traite mieux du regard que la société porte sur les femmes et de la complexité de cette relation amour-haine. On attend le prix Nobel pour JCO tous les ans : il paraît qu'on en donne deux en 2019, ça tombe bien.
Le Voyage des morts (1959)
Sortie : 1959 (France). Roman
livre de François Augiéras
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Pourquoi le style d'Augérias, pourtant aussi simple, est si beau qu'il frappe immédiatement le lecteur ? Les mots "pure" et "pureté" reviennent très souvent dans le texte, et si on peut se concentrer sur le scandale entourant le livre, ce qui m'intéresse assez peu, on ressent par ailleurs cette pureté dans les descriptions bouleversantes de la nature dans ce Maghreb sauvage et immaculé. Augérias fuit la civilisation, ou plutôt il fuit l'Europe décadente et corrompue pour retrouver ici, comme berger au Maroc ou en Algérie, une forme d'essence, revenir à ce qu'était l'homme avant de devenir fou, à ce qu'étaient la nature, le désir. C'est aussi sans doute une quête des mots, écrire simplement, "purement", comme on ne le fait plus. Il est possible que l'extraordinaire prose s'essouffle légèrement mais le choc profond des cent premières pages est indéniable. Personnalité à part, livre à la marge, mais pas de désir de poser, une différence authentique qui ressemble par moments à du génie.
La Femme abandonnée (1833)
Sortie : 1832 (France). Recueil de nouvelles
livre de Honoré de Balzac
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Nouvelle très courte, petit conte moral, mais puissant pour autant, comme le sont tous les textes de la comédie humaine. On ne badine pas avec l'amour nous dit Balzac, et l'emballement du jeune homme devant ses sentiments exaltés est le plus beau des mirages. Venu trente ans, la raison et les calculs, ne prennent-ils pas eux-mêmes une place non négligeable dans une vie ? Il y a parfois une avant goût de Flaubert dans la description de la vie provinciale, dans la manière de dénoncer les limites du romantisme, mais finalement l'élan final remet tout en perspective. Il aurait été beau, ce texte, étoffé sur 150 pages !
Ladivine (2013)
Sortie : février 2013. Roman
livre de Marie Ndiaye
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Roman déroutant et inclassable, "Ladivine" ressemble à un condensé de ce dont Marie Ndiaye est capable et l'on retrouve bien entendu cette atmosphère de malaise qui est la marque de fabrique de l'auteur. Le style semble moins prégnant que dans certains de ses romans précédents même s'il est toujours bien présent et j'ai trouvé fort cette manière décomplexée de garder son identité tout en racontant cette histoire si étrange, qui bascule plusieurs fois dans des directions inattendues. Voilà un roman particulièrement attachant (c'est un mot mal choisi pour un livre aussi pesant et désagréable) qui ose et qui apparait absolument à part dans le paysage français aujourd'hui. Je ne sais pas si le Goncourt a libéré Ndiaye mais elle tente des choses très personnelles (qui prolongent son travail, il y a un belle cohérence pour qui a lu "Rosie Carpe", "Mon coeur à l'étroit" et "Trois femmes puissantes") et le résultat est unique. Le geste est passionnant et certains passages fonctionnent mieux que d'autres mais je veux garder le positif, le fait que le texte va rester encore un moment avec moi et me travailler (la première partie façon "Imitation of life" de Sirk qui devient complètement autre chose, la révélation quasi christique, les vacances surréalistes, Richard Rivière etc).
Fordetroit
Sortie : 20 août 2015 (France).
livre de Alexandre Friederich
bilouaustria a mis 5/10.
Annotation :
Je me réjouissais du sujet, Detroit l'ancienne capitale mondiale de l'industrie automobile devenue symbole du crash économique et cité en pleine mutation. Le résultat est décevant. Il y a les phrases de Friederich, jeune auteur suisse, qui prennent trop de place (et elles sont courtes, très sèches et tranchantes), trop de place dans le sens où l'écriture ne révolutionne pas grand chose mais domine le texte et donne le sentiment que Friederich veut toujours davantage parler de lui que de son sujet, préfère montrer sa phrase que l'objet qu'il décrit par cette phrase (comme quand, chez un mauvais cinéaste on voit seulement le travelling compliqué mais pas ce qu'il nous montre). Je n'ai jamais vu Detroit ici mais plutôt un bout à bout d'anecdotes péniblement arrachées au quotidien. On tire sur les 100 pages de ce séjour pour essayer d'obtenir un livre. Certaines phrases bizarrement formulées donnent le sentiment d'être traduites.
Les oiseaux de paradis
Sortie : 25 août 2011 (France). Roman
livre de Lise Beninca
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
C'est le troisième texte de Benincà que je lis et je commence à voir se dessiner une oeuvre, je comprends la cohérence du projet. Son premier livre traitait de l'âme d'un lieu, celui-ci du deuil et de l'âme d'un défunt proche, son dernier essai de l'âme des objets (trouvés chez Emmaüs). Autant de choses difficiles à mettre en mots et qui se prêtent pour cela parfaitement au travail d'écriture. "Les oiseaux de paradis" est un roman programmatique très soigné, par moments extrêmement touchant, qui déroule les étapes du deuil chez une jeune femme qui perd brutalement l'homme de sa vie dans un accident de la route. Le livre égrène les détails douloureux qui pavent la route de cette femme, et ces détails sont en quelque sorte une nouvelle forme d'énumération qui fait aussi sens avec ses livres précédents, tous placés sous le signe de Georges Perec (à moins que tous les livres du monde ne soient placés sous le signe de Perec, ou disons tous les bons livres).
L'Homme de ses rêves (1994)
Thirteen Uncollected Stories by John Cheever
Sortie : 2011 (France). Recueil de nouvelles
livre de John Cheever
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Si le recueil reste un peu inégal dans sa première moitié, le seconde partie qui se concentre sur les champs de course offre quelques nouvelles très réussies dont on comprend comment elles ont pu inspirer, par exemple, Carver 40 ans plus tard. Cheever crée délicatement une atmosphère, il n'y a pas ou peu de grande surprise ou de twists renversants, il pose là avec patience ses personnages pleins de failles (qui ressemblent beaucoup à ses propres faiblesses, on l'imagine bien, mais ici il s'agit surtout des déboires de son père qui se cachent derrière les traits de ces personnages en détresse : le jeu et l'alcool pour faire court, mais dans des proportions dantesques. Et il y a aussi cette nouvelle sur un petit vendeur de porte à porte qui vend des chaussures et qui est fortement inspirée de la vie de son père dans les années 1910-1920 avant/pendant la crise). Déjà s'impose ce thème qui reviendra souvent chez lui du decorum ou de l'apparence en société vs la réalité d'un personnage dans l'intimité. Ces histoires ne sont pas forcément très impressionnantes mais elles n'en recèlent pas moins de véritables enjeux, des gouffres pour ses antihéros en mal d'amour ou auto-destructeurs. Ces textes composent son oeuvre de jeunesse, publiée ici et là dans des magazines et rassemblés un peu artificiellement après sa mort sous forme de recueil composite.
Le Motel du voyeur (2016)
The Voyeur's Motel
Sortie : 29 septembre 2016 (France). Roman
livre de Gay Talese
bilouaustria a mis 5/10.
Annotation :
Gay Talese insiste plusieurs fois au début de ce livre étrange pour dire qu'il lui semble qu'il n'y a ici pas d'histoire, rien que du marginal, et qu'un livre ne se justifie pas. Le geste est peut-être dicté par une forme de fausse modestie mais il a fini par me convaincre : "Le motel du voyeur" n'était pas nécessaire. Un type bizarre et persuadé de son génie a acheté un motel dans le Colorado dans le but d'espionner ses clients. Il regarde les gens au toilettes et dans la chambre à coucher par pur plaisir pervers mais justifie ensuite tout ca péniblement derrière une facade vaguement ridicule de sociologue. Talese le laisse faire, le laisse écrire des idioties, publie ses bonnes feuilles, et pose là deux trois réflexions sur le thème voyeur-nous sommes tous des voyeurs de nos jours-moi même etc. Imaginez la bombe que ce matériau brut dans les mains d'Emmanuel Carrère ! Talese pond un livre tiède qui est l'opposé de ce livre promis. Vaguement scandaleux et puis même pas. Vaguement réflexif et puis même pas. Fiction ? Non-fiction ? On s'en fout.