Lectures 2021
Lectures 2020: https://www.senscritique.com/liste/Lectures_2020/2735813
45 livres
créée il y a presque 4 ans · modifiée il y a presque 2 ansÀ l'est d'Eden (1952)
East of Eden
Sortie : 19 septembre 1952 (États-Unis). Roman
livre de John Steinbeck
StanDC a mis 9/10.
Annotation :
Entamer l'année 2021 avec Steinbeck, il y a pire quand même. Incroyable fresque que nous offre l'auteur entre deux familles, les Trask et les Hamilton, dans une Amérique profonde s'étalant entre la Caroline du Nord et la Californie, allant de la Guerre de Sécession à la Première Guerre Mondiale. C'est un Steinbeck moraliste qui prend le temps de développer sa pensée quant à sa vision de la nature humaine, l'enjeux du bien et du mal plus complexe qu'il n'y parait. On s'attache à certains personnages, on en déteste d'autres (cette Cathy/Kate est peut-être l'un des personnages les plus diaboliques que j'ai pu rencontrer en littérature). A noter une très belle partie sur le personnage Lee, servant d'origine chinoise, devenant symbole contre les préjugés, il restera le personnage que j'ai préféré. Cela étant Steinbeck reste un bon américain et nous livre aussi un sacré plaidoyer pro-individualisme. On ne se refait pas, c'est comme ça.
Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas (1990)
Kaddis a meg nem született gyermekért
Sortie : 1995 (France). Roman
livre de Imre Kertész
StanDC a mis 9/10.
Annotation :
C'est un long monologue de 140 pages qui aurait pu agacer au départ mais dont on ne peut plus se détacher au fur et à mesure de la lecture tant les réflexions qu'il renferme sont complexes mais prenantes pour qui s'interroge sur l'héritage psychique que laisse une épreuve tel que celle de la Shoah. Le ton narratif est comparable à celui de Thomas Bernhard qu'Imre Kertész citera d'ailleurs dans le livre. L'auteur hongrois livrent ici ses pensées remplies d'amertume mais aussi une quête de vérité sur lui-même et sur l'humanité. Il est surtout question dans tout cela d'un héritage, celui qu'il a reçu (la découverte de sa judéité à travers la Shoah) et celui qu'il laissera (celui d'un rescapé qui ne guérira jamais d'Auschwitz). Comment peut-on enfanter après ça ? C'est toute la question. Un petit livre qui renferme énormément de réflexions notamment sur la responsabilité de chacun dans le processus de destruction et le total désaccord de l'auteur devant l'idée qu' "Auschwitz ne s'explique pas".
Le Pain des rêves (1942)
Sortie : 1942 (France). Roman
livre de Louis Guilloux
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
"Je doute qu'aucun amour vaille celui des pauvres" écrit Louis Guilloux. C'est bien cela l'objet de ce roman qui trouve le juste ton, ne tombant pas dans l'angelisme de la pauvreté mais rendant sa noblesse aux pauvres. L'histoire d'une enfance dans un quartier dont on devine qu'il se situe en Bretagne (jamais de lieu existant précis dans les livres de Guilloux) dans une famille très modeste vivant de la force de travail d'un grand-père tailleur. Le livre est une succession de moments simples de la vie entre débrouilles, festivités et vie communautaire avec ces voisins, ces lointains cousins. Louis Guilloux met en avant ces "vies minuscules" à l'image bien plus tard d'un Pierre Michon mais dans un langage fluide, laissant la narration à un enfant et sa tendre naïveté jusqu'à son entrée à l'âge adulte.
A la recherche du réel perdu (2015)
Sortie : 4 février 2015. Essai, Philosophie
livre de Alain Badiou
StanDC a mis 6/10.
Annotation :
Espérons que ce titre facile et accrocheur ne soit dû à l'éditeur et pas au philosophe. Ce court essai pose les bases d'un problème crucial à l'heure des complotismes dont s'empare Alain Badiou, à savoir le concept du réel ou de la réalité. Le problème réside dans le fait que le réel est devenu aujourd'hui synonyme de contrainte. Le réel nous contraint, Alain Badiou en veut pour preuve l'omni présence de ces experts économistes pourtant incapables de prédire les catastrophes économiques à venir (il y a pourtant des exceptions). Or ces contraintes sont imposés à la fois par l'obligation de l'expérience concrète et la "formalisation" du réel. Pour l'expérience concrète, cette question touche elle-même aux enjeux de la méthodologie philosophique. Pour la formalisation, "le réel est l'impasse de la formalisation" selon Lacan. Autrement dit, formalisé le réel c'est le trahir. D'autant plus que c'est le système en place qui a mis la main sur la conformité du réel, à savoir une conformité au capitalisme. Un petit livre pour des enjeux intéressants et des exemples bien illustrant (Molière, Pasolini) dommage que le texte dévie peu à peu vers un discours de propagande pro-communiste. On connait les affinités du philosophe mais faire autant étalage et brandir sa doctrine comme réponse ultime et évidente à de si grands enjeux est un peu gênant.
Tango de Satan (1985)
Sátántangó
Sortie : 2000 (France). Roman
livre de László Krasznahorkai
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Pour qui a vu le film de Bela Tarr, le livre paraît un copier-coller quasiment intact. Normal étant donné que l'auteur est aussi le co-scénariste du film et qu'il a étroitement travaillé avec le réalisateur pour cette adaptation. L'histoire reste presque la même à ceci près que les figures des deux anges/démons, prophètes de malheurs Irimias et Petrina, que le village croyait mort, ont des traits plus pittoresque que dans le film où ils se distinguaient du reste des personnages par leur froideur. Une lecture qui reposait plus donc pour moi sur le style de l'auteur que sur le fond qui ne déroge pas vraiment du film dont j'ai déjà fait la critique. Sur le plan du style littéraire, on reste dans la ligné des auteurs hongrois contemporains même si Laszlo Krasznahorkai se distingue dans son texte en utilisant des parenthèses et monologues intérieurs qui ne brouillent pas le texte bien au contraire mais l'enrichissent. Rien de très exceptionnel toutefois et l'on peut regretter la qualité stylistique un peu pauvre des dialogues. Reste un récit mystique emprunt de spiritualité et d'un écho lucide (et désespérant) sur les ravages de l'Histoire puisqu'il est question du déclin d'une coopérative agricole anciennement prospère, vestige de la période communiste en Hongrie.
Le Juge et son bourreau (1951)
Der Richter und sein Henker
Sortie : 11 septembre 1996 (France). Roman
livre de Friedrich Dürrenmatt
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Un policier modèle est retrouvé mort dans sa voiture. L'enquête est confié au vieux commissaire, Baerlach, alors qu'il est au seuil de sa vie, accompagné de l'ancien coéquipier de la victime. Au fur et à mesure du récit, le commissaire devra faire face aux réticences de ses supérieurs, l'affaire impliquant un noble local, et se retrouvera confronter à l'un de ses vieux démon. Rien de très original semble-t-il dans cette intrigue policière mais Friedrich Dürrenmatt sait installer en quelques phrases l'ambiance au départ pittoresque puis de plus en plus sombre de ce petit bourg helvétique au-dessus de tous soupçons. Le personnage du commissaire paraît passif mais il se révèlera dans un twist final implacable où chaque élément du récit, même insignifiant au premier abord, trouvera sa place.
Silence (1966)
Chinmoku
Sortie : 1971 (France).
livre de Shūsaku Endō
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Il est intéressant de savoir que l'auteur à lui-même subit la réprobation de la population locale durant son enfance dans le Japon des années 30, étant catholique par sa mère. Tout autant intéressant de savoir que l'auteur ayant fait des études de lettres à Lyon, il y a découvert entre autre Bernanos et d'autres auteurs fervents catholiques. On y retrouve effectivement des thèmes proches dans ce livre à commencer bien évidemment par la mise à l'épreuve de la foi. L'histoire retrace le périple de missionnaires portugais dans le Japon hostile et replié sur lui-même du XVIe siècle. Ils vont y subir de lourds revers et désillusions. Plusieurs lectures en vérité sont possible à ce récit: celui de l'athée qui se met en spectateur et compte les points de cette bataille idéologique et celle du croyant qui n'aura pas forcément de réponse mais des questions essentielles à sa construction spirituelle. Faut-il être à la hauteur du Christ face à des épreuves innommables ? Quel sens donner au message divin lorsqu'il n'apporte que mort et désespoir ? La fin du roman aurait pu s'ouvrir sur un message positif d'un christianisme privilégiant le salut de la vie plutôt que l'attente d'une mort céleste mais elle laisse pourtant surtout un goût amer de deux esprits sacrifiés qui ne seront plus jamais en paix avec eux-mêmes.
La Métamorphose (1915)
Édition de Claude David
Die Verwandlung
Sortie : 1989 (France). Nouvelle
livre de Franz Kafka
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Deuxième lecture de Kafka pour moi, grand classique qui m'avait échappé. La force de son récit et de nous perdre dans un fantastique qui n'apparaît pas comme tel. Grégoire, un commercial, fils sur lequel repose la survie familial, se réveille transformé en une vermine immonde. Ces proches devront faire avec lui pour finir par faire sans lui. Car cette chose au final est-elle toujours bien ce frère et se fils tant aimé ? Le lecteur seul sera au courant de la conscience aux abois de Grégoire mais muette aux yeux de ses proches.
Le Verdict (1913)
(traduction Jacques Outin)
Das Urteil
Sortie : 1997 (France). Nouvelle
livre de Franz Kafka
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
Un court récit comme un écho au relation conflictuel que Franz Kafka avait avec son père. Cela m'a fait pensé au "Mauvais fils" de Claude Sautet, référence un peu facile mais qui m'a permi de mettre en perspective à la tournure psychologiquement violente. On sent le désespoir et le pessimisme de l'Homme de lettres.
Un médecin de campagne (1919)
Et autres récits
Ein Landarzt und andere Erzählungen
Sortie : 1996 (France). Recueil de nouvelles
livre de Franz Kafka
StanDC a mis 5/10.
Annotation :
Une très belle nouvelle, à la fois drôle, poétique et cruelle sur un médecin de campagne partant au chevet d'un jeune garçon à la blessure profonde. La scène où le médecin se voit obligé par la famille de se coucher auprès du malade pour le guérir est d'une grande beauté.
Terre des hommes (1939)
Sortie : 6 février 1939. Essai, Autobiographie & mémoires
livre de Antoine de Saint-Exupéry
StanDC a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"La grandeur d'un métier est peut-être avant tout d'unir des hommes: il n'est qu'un luxe véritable et c'est celui des relations humaines." Antoine de Saint-Exupéry raconte son métier d'aviateur au destin parfois heureux parfois tragique, mais à travers lui c'est le destin de tous les Hommes qui se dessine. Au fil des pages, l'auteur nous livre l'histoire d'hommes devenu frères, ceux qui sont parties pour leur premier vol d'autres pour leur dernier. Son accident d'avion en plein désert de Sahara offre des pages haletantes où sa vie et celui de son copilote ne tiennent qu'à un fil. On y croise également des récits intrigants sur le monde arabe et les croyances qu'il regorge et qui font écho encore aujourd'hui. L'homme de lettre nous donne une réflexion peut-être parfois un peu naïve mais sincère sur la vérité de l'Homme qui dépasse tout entendement des sciences humaines: "la vérité ce n'est point ce qui se démontre". Mais qu'on ne se trompe pas sur le sujet de cette œuvre: "(...) j'ai trahi mon but si j'ai paru vous engager à admirer d'abord les hommes. Ce qui est admirable d'abord, c'est le terrain qui les a fondés." L'aviateur garde les pieds sur terre et ne regarde pas l'Hommes de haut. Il contemple du ciel son œuvre et ce qui le façonne.
Le Naufragé
Der Untergeher
Sortie : 1983 (France). Roman
livre de Thomas Bernhard
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Thomas Bernhard se paye le luxe de l'amitié d'un génie du piano misanthrope en la personne de Glenn Gould. On s'imagine le pianiste au Mozarteum de Salzbourg, à ses débuts, avec deux amis, le narrateur et Wertheimer. Ces deux derniers renonceront à leur piano devant la maitrise et le perfectionnisme paralysant de Genn Gould. Le narrateur consacrera alors la plus grande partie de son travail à un essai interminable sur Glenn Gould mais la réalité c'est que son sujet n'est pas celui que l'on croit. Il se cache chez le troisième homme: "En écrivant sur Glenn, je percerai à jour Wertheimer, pensai-je sur le chemin de Traich." Le "sombreur comme l'appelait l'ami Glenn, celui qui ira jusqu'au suicide devant la maison de sa sœur pour la faire culpabiliser. Mais c'est son destin bouleversé par la rencontre avec le virtuose qui provoquera l'inévitable. Et à travers ce destin c'est celui de la misère de la condition humaine que l'auteur interpelle. Comme souvent chez Thomas Bernhard son pays natale en prend pour son grade et même ses institutions les plus prestigieuses. Un beau livre aussi sur l'art de la musique et de son excellence.
Aurélia (1855)
Sortie : 1855 (France). Récit
livre de Gérard de Nerval
StanDC a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Une merveille ce texte, un diamant brute forgé par un orfèvre en prise avec le démon de la folie. Une folie revendiquée, qui veut réhabiliter le rêve comme processus à part entière de la vie réel. On sent l'influence indéniable de l'orientalisme cher à l'écrivain romantique. Aurelia est morte mais elle vit encore dans son monde et il sait qu'il va bientôt la rejoindre. Son périple entre imaginaire divin (christique, antique, oriental) et cruauté de la réalité de sa maison de repos alimente une langue vibrante de sincérité qui emporte le lecteur vers une magnifique mélancolie. Une œuvre inachevé mais qui laisse l'espoir que l'auteur est rejoint son Aurélia.
Bring me your love
Sortie : 4 février 2021 (France). Nouvelle
livre de Charles Bukowski
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
Une note de 7 à cause seulement de la frustration. La frustration de lire une nouvelle trop courte dont on aurait voulu connaître la suite. L'histoire de ce couple dont la femme est enfermée dans un asile psychiatrique commence avec un dialogue sans filtre comme sait si bien le faire l'auteur américain, Charles Bukowski. La bonne idée de la maison d'édition Au diable Vauvert (en dehors du prix de 9 euro un peu abusé vu le contenu) c'est d'avoir aussi joint au texte des illustrations du grand Robert Crumb qui se marient à merveille avec l'univers de l'auteur. D'autant plus que comme le démontre le traducteur Jean-Luc Fromental dans sa postface, le profil de ces deux hargneux misanthropes sont extrêmement proches.
Plume (1938)
précédé de Lointain intérieur
Sortie : 23 octobre 1985 (France). Poésie
livre de Henri Michaux
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
Un recueil d'Henri Michaux qui réunit des textes en proses, en vers, des courtes nouvelles fantasques (presque du réalisme magique par moment) et deux pièces de théâtre (qui ne m'ont d'ailleurs pas trop plu). C'est une littérature qui me paraît proche de la littérature de l'absurde. On pense à Beckett, a Ionesco et même aux œuvres à venir de la Beat Generation. Je pense ici tout particulièrement à un Richard Brautigan. Michaux ose s'aventurer dans un imaginaire riche explorant des terres inconnues et mystérieuses. Il questionne aussi tout simplement le "moi" multiple, en témoigne la postface de son livre. Il est aussi beaucoup question de la mort. Honnêtement certains textes ont échappé à ma compréhension et je me suis surtout attaché à la beauté de la langue. Par ailleurs, ils ne sont pas tous de qualité égale. J'ai été plus particulièrement touché par les textes "Je vous écris d'un pays lointain" et "Un certain plume" ainsi que la plupart des poèmes.
L'Homme à cheval (1943)
Sortie : 1943 (France). Roman
livre de Pierre Drieu la Rochelle
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
Ce livre ne ressemble pas vraiment à ce que je m'étais habitué jusque là chez Drieu La Rochelle. L'histoire d'un charismatique guerrier bolivien, poussé par son guitariste devenu stratège politique à un destin plus grand que son pays. C'est sous la voix de Felipe le guitariste que l'on suit le récit légendaire de l'ascension à la tête du pays puis des aléas du pouvoir de Jaime. On se croirait presque dans du Dino Buzzati. L'auteur révèle dans cette histoire son talent de conteur même si les allers et retours du narrateur entre les différents protagonistes peuvent un peu lasser. Heureusement, il fait grâce au lecteur de la facile description à rallonge des scènes que l'on sait gagner d'avance comme celle de la conquête du pouvoir. Le but est de centrer davantage les tourments des relations humaines travaillés par les jeux de pouvoir. Si les paragraphes consacrés aux femmes ne sont pas fameux, ceux sur la relation entre les deux principaux personnages sont troublants et passionnants. Entre dévotion et admiration, les enjeux moraux, politiques et spirituels qui s'y cachent donne à l'auteur la place de développer ses réflexions mais dans une langue plus théologique que politique. Ce qui laisse place à l'interprétation.
L'Arbre-monde (2018)
The Overstory
Sortie : 6 septembre 2018 (France). Roman
livre de Richard Powers
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
Le livre commence par une suite de portraits qui paraissent à première vue n'avoir rien d'autre en commun que les arbres. Si bien qu'on pourrait croire au départ à un recueil de nouvelle. Le style de Richard Powers et son approche de la nature des paysages américains pourrait faire croire à un John Steinbeck des temps modernes. De ces portraits qui font des branches, l'auteur réussi à les reliés dans un même tronc. Richard Powers évite la naïveté qu'on aurait peur de voir pour un livre dont l'objet central est effectivement l'arbre, son apport au monde, comment il communique et sa biodiversité. On ne peut douter de la sincérité de sa démarche et des recherches poussées qu'il a effectué. Un livre qui offre un horizon temporel et géographique lointain qui relativise notre place au monde et fait du bien en ses temps de restriction. Dommage qu'à la longue le livre s'essouffle, 700 pages c'est un peu trop sur ce sujet pour moi surtout quand on ne fait que rabâcher un discours écologiste évident. Reste une écriture et surtout une structure du récit puissant.
La Symphonie pastorale (1919)
Sortie : 1919 (France). Roman
livre de André Gide
StanDC a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Très beau roman d'André Gide sur un Pasteur recueillant une jeune fille désœuvrée et aveugle , Gertrude, pour qui les sentiments de l'homme de foi vont être troublés et troublants. Un livre sur l'amour et ses nombreuses facettes, celui du maître pour son élève, puis un amour pitié pour finir par un amour du cœur mais qui ne pourra révéler qu'un péché devant Dieu. Le roman relève toute l'ambiguïté entre loi naturel et loi divine. Il montre aussi l'emprise de cet honnête homme qui sera tout à la fois le sauveur mais aussi malgré lui l'homme fatal du destin de la jeune femme. On a redonné la vue à Gertrude et elle a vu la beauté du monde mais aussi la cruelle vérité des Hommes. Elle ne pouvait le supporter.
Race et histoire (1952)
Sortie : 1952 (France). Essai, Culture & société
livre de Claude Lévi-Strauss
StanDC a mis 9/10.
Annotation :
L'anthropologue Claude Lévi-Strauss fait ici une œuvre magistrale de pédagogie qui pose les bases anthropologiques de l'Histoire de l'humanité. Ecrit dans le cadre de commande de textes contre le racisme initié par l'Unesco, il met en perspective notre rapport au monde, les enjeux de la notion de civilisation et de la diversité des cultures. Bien sûr, pour ma part il prêche un convaincu quant à la notion ridicule de classification ou catégorisation des civilisations. Mais son texte permet l'argumentation concrète et l'appui scientifique nécessaire. Et cela grâce aussi à un style très accessible et des exemples concrets et illustratifs.
Le Rivage des Syrtes (1951)
Sortie : 25 septembre 1951. Roman
livre de Julien Gracq
StanDC a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Difficile de mettre des mots à la hauteur de ce livre ne serait-ce que par le style exigent et magnifique que donne l'auteur. Je redoutais cette lecture que j'avais fuit une première fois, la deuxième tentative fut la bonne et m'a littéralement envoutée. Dans ce récit les références se bousculent: on se croit au départ dans le désert des Tartares de Buzzati face à ce rivage encré dans son attentisme militaire puis dans Le Guépard de Lampedusa face à cette aristocratie à la dérive. Mais en vérité, c'est une œuvre incomparable que l'on découvre ici. Julien Gracq est un amoureux de la géographie et cela se voit tant les lieux (imaginaires) ont leurs importances. Ce sont des personnages à part entières qui nous deviennent familiers et nous fascinent. Le personnage du capitaine Marino est magnifique, il sera le supérieur mais surtout le mentor et l'homme-sage vieillissant devant le jeune personnage principal et narrateur Aldo. On lui doit cette exégèse qui résume assez bien l'un des enjeux du livre: "Le sens est indifféremment, ou bien que la ville survit dans son peuple, ou bien qu'elle demande au besoin le sacrifice du sang". Ce monde le dépasse lorsque tous autour de lui n'aspirent qu'à la rupture des temps apaisés.
« Art » (1994)
Sortie : 10 octobre 1994. Théâtre
livre de Yasmina Reza
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Une pièce de théâtre que j'avais déjà vu avec Arditi, Luchini et Vaneck. Après un débat intéressant avec un ami sur l'art contemporain j'avais besoin de me replonger dans le texte de Yasmina Reza par ce qu'il soulève bien à la fois les questions houleuses relevant de l'idée "d'art contemporain" (qui pour moi ne veut pas dire grand chose) et celle des enjeux de l'amitié dans ce qu'il y a de plus profond. Un peu déçu par la fin, cette pièce reste pour moi pourtant un objet littéraire très intéressant vis à vis des questions évoquées et révèle en moi quelque chose: en relisant certains passages je pourrais être tantôt Marc (le cynique désabusé), tantôt Serge (le naïf contemplatif) et tantôt Yvan(le lâche passif). Mais ce qui est sûr c'est que je me reconnais largement dans cette phrase de Marc: "Je ne crois pas aux valeurs qui régissent l'Art d'aujourd'hui... La loi du nouveau. La loi de la surprise... La surprise est une chose morte. Morte à peine conçue(...)".
Mémoires d'Hadrien (1951)
Sortie : 1951 (France). Roman
livre de Marguerite Yourcenar
StanDC a mis 9/10.
Annotation :
Un livre impressionnant de lucidité, celle d'un homme , un grand homme face à son histoire. La mort est là, il le sait, il ne lui reste que la plume pas pour la mégalomanie de la postérité littéraire (il l'aurait pourtant aimé pour ses quelques vers) mais pour que celui qui viendra lui succéder apprenne de ses victoires comme de ses échecs. On y découvre un empereur subtile et envieux des savoirs et diversités qui peuplent son empire. J'ai personnellement plus apprécié les passages concernant son développement intellectuel, philosophique et littéraire notamment que ceux concernant le développement de sa politique. Marguerite Yourcenar décrit un homme curieux qui a pour ultime référence les maîtres de la Grèce Antique à son apogée. On croise les grands noms de l'Antiquité, élevés pour certains au rang de mythe ou de théorème mais ici vu à taille humaine: Pythagore, Plotine, Xénophon ou encore Trajan. A l'image du gouverneur Arrien à la fin de ces mémoires, Marguerite Yourcenar "sait que ce qui compte est ce qui ne figurera pas dans les biographies officielles, ce qu'on n'inscrit pas sur les tombes; (elle) sait aussi que le passage des temps ne fait qu'ajouter au malheur un vertige de plus. Vue par (elle) l'aventure de (s)on existence prend un sens, s'organise comme un poème."
Ainsi nous leur faisons la guerre (2021)
Sortie : avril 2021. Récit
livre de Joseph Andras
StanDC a mis 6/10.
Annotation :
En un court recueil, le mystérieux auteur Joseph Andras relate trois récits éclairants sa vision des relations entre les Hommes et le reste des vivants. Et cette vision est bien emprunt d'un militantisme antispéciste. Ce qui fait que personnellement sur la forme, l'auteur a un style indéniable et une structure proche d'un Eric Vuillard de la même maison d'édition d'ailleurs. Un style journalistique avec tout l'apport littéraire que cela implique chez ce genre d'auteurs. Il y a de belles formules et une mise en abîme des situations choquantes dénoncés. Sur le fond, je suis moins convaincu notamment par les envolées démagogiques de l'auteur qui me gênent un peu et le coté moralisateur.
Retombées de sombrero (1976)
Sombrero Fallout : A Japanese Novel
Sortie : 1980 (France). Roman
livre de Richard Brautigan
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
Qu'est-ce qu'on s'en fout de ce sombrero ! Et pourtant peu à peu on jubile de consternation face à tout ce qu'il engendre. Reste que je préfère les chapitres consacrés à cet amour déçu de l'humoriste et sa compagne japonaise perdu. Les figures de style, la poésie mélancolique de Brautigan qui ose embarquer le lecteur ne serait-ce que ce passage sur le cheveu noir retrouvé, aussi précieux qu'une relique pour l'humoriste. Un roman qui varie humour absurde et mélancolie romantique.
Le Château (1926)
(traduction Alexandre Vialatte)
Das Schloß
Sortie : 1938 (France). Roman
livre de Franz Kafka
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Après Le Procès, Franz Kafka nous plonge dans les affres de la redoutable et diabolique administration. Le personnage, K. se bat contre tout un village pour effectuer la mission d'arpenteur pour laquelle il a été engagé auprès d'un château infranchissable, fortifié par un lourd, complexe et insensé système bureaucratique. Comme souvent chez Kafka, on est décontenancé puis on sourit de ces imbroglios mais à terme nait une certaine compassion pour ce personnage pris dans un tourbillon, un labyrinthe étouffant. Les dialogues sont denses et prenants. Le lecteur est lui même perdu face à des personnages qui semblent se jouer de K.. Tout est intérêt, tout est apparence dans ce village aliénés à des règles improbables et une strict hiérarchie mais pourtant naturels pour eux. Un roman inachevé mais dont on se demande bien comment l'auteur aurait pu mettre fin.
Un soir au club
Sortie : 2002 (France). Roman
livre de Christian Gailly
StanDC a mis 8/10.
Annotation :
Après avoir lu L'incident de Christophe Gailly, j'étais resté un peu dubitatif quant à cet auteur pourtant bien connu des Editions de Minuit. Pour celui-ci je suis bien plus convaincu. Dans un style simple, l'auteur mélange à la juste mesure légèreté et émotion dans ce roman qui relate les accidents qui font les belles comme les plus sombres heures de la vie. Un homme devenu ingénieur, rangé après une vie de débauche entre jazz et addiction, revit pour un soir sa notoriété de musicien. Une femme, gérante du club, le regarde, ils se sont trouvé mais au détriment de celle qui a tout fait pour le sauver de ses démons, sa femme Suzanne. Elle sera de trop et le destin l'évincera dans un tragique accident de voiture. Et si il avait pris ce train, et si il avait refusait cette invitation au club, et si Suzanne lui avait laissé continuer le jazz... Une histoire simple qu'aurait pu adapter Claude Sautet au cinéma avec du jazz et de la musique classique, c'était fait pour me plaire.
L'Homme au marteau (1943)
Sortie : 1943 (France). Roman
livre de Jean Meckert
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
Après avoir lu son premier roman, Les coups, j'ai vite su que Jean Meckert devait être un auteur important pour moi. Pourtant il y a eu plusieurs années avant que je me penche à nouveau sur son oeuvre. Toujours aussi motivé, je n'en reste pas moins un peu déçu par ce deuxième roman d'un style assez simple (cohérent avec le sujet traité) mais à l'histoire assez répétitive. Je ne peux m'empêcher aussi une petite remarque sur le manque de travail sur le nom des personnages de second plan (Mr Bidul, Mr Bidon, Mme Laputte...sic). Etant donné que ces noms peu convaincant sont ceux souvent des "puissants" il y a surement un fait-exprès mais cela donne surtout un effet bâclé.
La formule métro-boulot-dodo n'a jamais été aussi bien rendu en littérature. Augustin, le personnage principal, en devient d'ailleurs marteau (jeu de mot facile désolé) et après de nombreux chapitres rendant palpable cette lassitude, il décide de tout quitter: boulot puis dodo. Le métro il le garde pour vadrouiller dans la ville de Paris. Jean Meckert, lui-même ancien fonctionnaire ayant démissionné après le succès de son premier roman, dénonce ainsi l'esclavage moderne et la soumission intellectuelle au capitalisme. Mais son personnage est bien seul dans sa révolte. On a parfois de l'empathie pour lui, on s'identifie mais on peut aussi s'agacer de ses colères égoïstes contre ses proches en particulier sa compagne qui subira ses sautes d'humeur presque sans broncher. Nous sommes en 1943 lorsque sort ce livre est l'on peut comprendre que l'ambiance ne soit pas au beau fixe mais cette histoire est aussi l'histoire d'un homme de trente ans qui regarde ce qu'il est advenu de ses jeunes années et à qui l'avenir donne des vertiges. Personnellement ayant moi-même trente-et-un an à l'heure j'écris c'est quelques lignes je peux le comprendre.
Le Roman de Jim (2021)
Sortie : 4 mars 2021. Roman
livre de Pierric Bailly
StanDC a mis 7/10.
Annotation :
J'ai attaqué ce livre sur un coup de tête après avoir entendu les critiques plutôt élogieuses du Masque et la Plume. Et pour tout dire je suis assez partagé. A l'image d'un Nicolas Mathieu, ce genre de roman tient en haleine par son récit recherché et mélo poignant et des personnages bien construit. L'auteur joue très bien avec les codes de son temps. Mais au niveau du style c'est simple, parfois trop simple. C'est peut-être un fait-exprès mais j'ai du mal parfois avec cette simplicité. Reste une lecture bien agréable et une belle histoire d'un mélodrame assumé et bien dosé. L'histoire d'un homme un peu paumé, qui sort de prison et rencontre Florence alors enceinte. Il élèvera l'enfant pendant 10 ans jusqu'à ce que le père biologique refasse surface suite à un drame. Ce père adoptif va alors voir son monde s'écrouler. On est ému par ce déclin parental dans un milieu prolétaire assez rarement exploité en littérature, en tout cas sous cet angle.
Anna Karénine (1878)
(Traduction Henri Mongault)
Anna Karenina
Sortie : 1936 (France). Roman
livre de Léon Tolstoï
StanDC a mis 9/10.
Annotation :
Enfin ! Enfin lu et enfin fini ! Cette lecture d'été m'a pris du temps (les vacances m'ayant laissé moins de répit que prévu) et elle remonte à loin l'envie de le lire, à savoir de ma lecture de L'Insoutenable légèreté de l'être de Kundera. Nous sommes dans la Russie tsariste, faites comme beaucoup de société européenne qui l'inspire, d'une noblesse envahie de mondanités et de convenances. Alors quand l'une d'entre elle, élevé comme modèle jusqu'à présent, succombe à l'adultère, ce n'est pas un épiphénomène mais bien un cataclysme, une déchéance qui s'en suit. Le personnage Anna Karénine fascine et l'on est pourtant déconcerté du temps pas si long qui lui est consacré dans ce roman feuilleton, roman fleuve. Peu importe, son influence plane sur la bonne société et les conséquences de ses actes. Tolstoï oppose ici surtout le destin de deux couples, Anna/Vronski et Kitty/Levine: les amants à l'amour impossible et les amoureux légitimes au bonheur en devenir. Et dans ces deux couples, alors qu'ils ne se croiseront pourtant qu'une fois, deux destins intéressent particulièrement, celui d'Anna et celui de Levine. Tous deux sont perdus dans cette Russie tsariste mais pas pour les mêmes raisons. Il y aurait tant de chose à dire sur ce roman de plus de 1000 pages mais s'il faudrait retenir deux choses c'est le talent magnifique de Tolstoï pour façonner des portraits de personnages complexes et fascinants. Pas un seul n'est totalement héroïque ni méprisable à l'image de ce mari trompé aigri et soucieux des convenances mais pourtant dont la raison et le cœur travaillent l'âme. Et puis il y a de nombreux passages sur la religion, la philosophie et la politique dans cet ouvrage. Des tergiversations pourrions nous dire parfois et que l'on trouve surtout à travers le personnage de Levine. On retrouve alors entre les lignes les réflexions propres à Tolstoï sur la remise en question de l'Eglise qui lui coutera cher et sur les bienfaits du travail manuel entre autres. Les dernières pages de l'ouvrage sont assez touchantes avec le personnage de Levine qui s'interroge sur l'intérêt de l'existence. Dans son mode de pensé il en conclu que seul la mort est une issue plausible mais dans son monde pratique, pour lui si attaché à la terre et à l'amour tant désiré pour Kitty, les bonheurs vécus l'empêche de s'y exécuter. Il conclu sa réflexion et ainsi le livre par ces mots: "Qu'importe ! Ma vie intérieure ne sera plus à la merci des évènements, chaque minute de mon existence aura un
La Fille de l'Espagnole (2019)
La hija de la espanola
Sortie : 3 janvier 2020 (France). Roman
livre de Karina Sainz Borgo
StanDC a mis 6/10.
Annotation :
Karina Sainz Borgo est elle-même vénézuélienne mais réfugié depuis plusieurs année en Espagne et journaliste. Un parcours assez pertinent pour l'histoire que ce livre fictif relate et qui explique surement l'amertume et la colère qui s'y cache. Le personnage principal, Adelaida Falcon vient de perdre sa mère alors que les émeutes règnent à Caracas et dans tous les pays après que les deux candidats à la dernière présidentielle revendiquent la place de chef d'Etat (ça nous rappel quelque chose non ?). Adelaida va devoir alors survivre et se battre seul pour retrouver sa liberté après s'être réfugié chez sa voisine que l'on appelle "la fille de l'espagnole" en référence aux espagnoles ayant trouvé refuge au Venezuela après la guerre d'Espagne entre autres. Au niveau du style, il n'y a rien à redire pour ma part, Karina Sainz Borgo a assurément pour moi un certain talent d'écrivain. Mais là où le bas blesse c'est au niveau du récit. Tout le livre est composé de court chapitre qui ne font que décrire les exactions et pratiques d'un régime autoritaire organisé avec des milices aux aspects pitoyables et sans pitié. Tout cela est entre coupé de souvenir d'enfance du personnage principal surtout avec sa mère, se remémorant des bonheurs simples, pas non plus incroyable ni trop joyeux. Juste de quoi plomber un peu plus cette histoire démoralisante qui lasse le lecteur et ne lui laisse pas voir beaucoup d'espoir dans un monde en total perdition. Au final un livre répétitif, frustrant puisqu'encore une fois l'écriture est belle, soutenu et franche à la fois.