Les frères Coen... et moi

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Les frères Coen n’ont pas leur pareil pour ce qui est de mettre en scène les personnages les plus abrutis du cinéma. Ce talent s’exprime à merveille dans leur chef d’œuvre, « Fargo », qui, sous couvert de faits divers prétendument réels, conte l’histoire aussi burlesque que sanglante d’une arnaque qui tourne mal. Gerry, minable vendeur de voitures au beau-père richissime, mais peu partageur, a l’idée brillante d’orchestrer l’enlèvement contre rançon de sa propre femme, afin de soutirer quelques deniers au parâtre. Il recrute pour l’occasion deux truands idiots qui, on s’en doute, ne vont pas tarder à faire capoter cette belle machinerie. À la sale tête de Buscemi répond le visage bête et inexpressif de Stormare pour un duo d’anthologie.

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Rarement un film n’aura, dans l’histoire du cinéma, atteint un statut aussi "culte" que « The Big Lebowski », œuvre maîtresse des frères Coen. L’histoire – rocambolesque – sert moins de scénario que de prétexte à dépeindre une jungle de personnages aux motivations plus étranges les unes que les autres. John Turturro en joueur professionnel de bowling maniéré à l’extrême, Julianne Moore en artiste "vaginale" (oui, oui…) ou encore John Goodman en bon pote un peu con, tous gravitent autour du "Big" Lebowski, "The Dude", l’un des rares personnages de cinéma à avoir inspiré une religion… Comédie foutraque et jubilatoire, il s’agit d’un grand morceau de cinéma, à la hauteur de sa réputation.

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Il s’agit moins ici d’un road-movie et d’une histoire d’amitié que, au final, d’un genre de comédie musicale réalisée par les Coen en un hommage à l’âge d’or Hollywoodien. Le film met en scène George Clooney, que l’on retrouvera ensuite régulièrement chez les Coen, et deux compères dans une fuite effrénée à travers le bayou. Odyssée revisitée (sirènes et cyclope en prime), l’aventure décalée et franchement humoristique de « O’Brother » s’inscrit dans la "trilogie des idiots" des frères Coen. Particulièrement jubilatoire et comportant quelques scènes d’anthologie, le film se distingue toutefois premièrement au niveau de la musique : sa bande originale est composée ainsi de plusieurs chansons mémorables. L’un des "must" de l’univers Coen.

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« Barton Fink » est le quatrième film des frères Coen et celui qui leur vaut une grande reconnaissance internationale : ils obtiennent ainsi la Palme d’or à Cannes en 1991. Avec John Turturro et John Goodman, deux acteurs qui travailleront régulièrement avec les frangins par la suite, le film met en scène un auteur en panne d’inspiration, fraichement débarqué à Hollywood. Si l’œuvre fait preuve d’un certain humour grinçant, elle s’inscrit plutôt dans la continuité de « Miller’s Crossing » et de ce que j’appellerai la frange "glauque" du cinéma Coen. Point de comédie décalée et loufoque ici : les efforts sont mis sur l’atmosphère et le climat malsain – presque fantastique – qui règne sur l’hôtel. Preuve supplémentaire du génie Coen : très différent de leurs œuvres les plus connues, le film est néanmoins totalement réussi.

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Vers la fin des années 2000, les Coen s’attèlent à la réalisation d’un film nettement plus personnel, qui touche largement à leurs souvenirs d’enfance et à leur éducation. « A Serious Man » est une œuvre "intimiste", basée sur la vie d’un personnage, professeur de mathématiques dans une université, et membre d’une petite communauté juive. L’on s’intéresse également aux vies des membres de sa famille : sa femme qui veut en divorcer, sa fille et son fils, plus préoccupés par les affres de la puberté. Avec le très bon Michael Stuhlbarg dans le rôle principal, le film constitue une comédie à l’humour assez noir : une œuvre d’une grande richesse et d’une certaine originalité, mise en scène dans le style distinctif des Coen.

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En 2001, les frères Coen sont au sommet de leur art : ils viennent d’enchaîner trois films, trois chefs d’œuvre. Leur prochain film est tourné en noir et blanc et est situé dans la Californie des années 1940. Il explore la solitude et l’ennui d’un coiffeur modeste, coincé dans un mariage raté et sans amour. En tentant vainement de trouver une solution pour échapper à sa condition sordide, le coiffeur ne fait que rendre sa vie plus misérable encore. Doté d’un certain cynisme, le film se focalise sur la recherche d’une ambiance et explore ses personnages et se concentre leurs défauts, bien plus que leurs qualités. Il bénéficie d’une atmosphère soignée et d’interprétations impeccables de ses acteurs.

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« Ave César ! » offre sa place sur le devant de la scène à l’un des seconds rôles habituels des Coen, Josh Brolin. Ce dernier interprète un officiel de haut rang dans un studio de production Hollywoodien lors de la grande époque de l’âge d’or. Le film constitue autant un hommage aux grandes productions de jadis (péplums, westerns, comédies musicales, romances…) qu’une parodie légère où évolue une foule de personnages. On retrouve avec plaisir George Clooney, diablement à l’aise en pitre chez les Coen, pour une petite incursion chez les communistes des années 50. Le film comporte quelques grands moments, notamment une scène de claquettes virevoltante, et se déguste comme une bonne friandise un peu coupable.

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Dernier volet de la "trilogie des idiots", « Ladykillers » est l’un des mal-aimés de la filmographie Coen. Il en présente pourtant toutes les caractéristiques du style, qu’il épice avec un soupçon de Capra (« Arsenic et vieilles dentelles ») et l’ombre d’un Edgar Allan Poe. Il s’agit d’une comédie d’humour noir où Tom Hanks campe le cerveau d’une bande de bandits qui tente le cambriolage périlleux d’une banque depuis la cave d’une vieille femme. Dans la tradition du "caper", les brigands ont chacun leur spécialité, leurs forces et faiblesses pour une équipe aussi équilibrée que caricaturale. Loufoque – presque jusqu’à l’excès – le film constitue toutefois une très honnête comédie qui se regarde sans ennui.

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Deuxième film des frères Coen, « Arizona Junior » est également – chose rarissime – un bon film avec le (très bon) Nicolas Cage, qui n’a pas encore pris pour habitude de tourner dans les navets les plus infâmes. Dans ce film, Cage est un petit truand mineur qui passe son temps à commettre des délits idiots, à se faire prendre, et à draguer la policière venue l’arrêter. Les deux tourtereaux finissent par convoler en justes noces et cherchent alors à connaître les joies de la paternité. C’est sans compter d’anciens camarades de prison et les velléités revanchardes d’un tyran local. Les éléments clés du style Coen sont là : des personnages idiots, un méchant aux allures fantastiques sorti de l’Enfer, et… une bonne dose de connerie !

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C’est l’un des premiers films des Coen et probablement le plus glauque avant « Barton Fink » : « Miller’s Crossing » est un genre de film néo-noir basé sur une intrigue policière assez complexe dans un univers interlope aux personnages louches. On y croise les figures caractéristiques des Coen : le sidekick imbécile qui passe son temps à gaffer et le méchant glacial qui semble presqu’inhumain. L’humour est toutefois très absent ici. Film d’atmosphère, « Miller’s Crossing » n’est sans doute pas le plus réussi des Coen ; son histoire un peu complexe et sa multitude de personnages aux intérêts variés le desservent un peu. La performance de Gabriel Byrne dans le rôle principal est toutefois assez remarquable.

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« Intolérable Cruauté » est un peu à part dans la filmographie des frères Coen ; certes, le film constitue une comédie aux côtés un peu absurdes et caste George Clooney dans le rôle principal, mais l’histoire et ses thèmes sont toutefois bien différents des habitudes des frangins. Collaborant avec d’autres scénaristes pour l’intrigue, ils dépeignent un monde cossu où les mariages coûtent cher et les divorces encore plus. Une joyeuse divorcée, jouée par Catherine Zeta-Jones (qui est, à l’époque, la plus belle femme du monde), est spécialisée dans ces affaires lucratives. Le film repose sur son affrontement avec Clooney, avocat protecteur de clients fortunés. Loin d’être exempt de défauts, « Intolérable Cruauté » fonctionne toutefois correctement, principalement grâce à son couple star.

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En 2010, les Coen tentent une incursion dans le genre (hélas mort et enterré) du western en réalisant un remake de « True Grit » d’Henry Hathaway. Il s’agit d’une histoire très classique de revanche, où une jeune fille orpheline de père, mais très déterminée, engage un marshal bougon pour traquer l’assassin de son paternel. S’en mêle aussi un ranger du Texas qui pourchasse le meurtrier pour un crime commis dans son état d’origine. La traque fonctionne correctement mais repose principalement sur l’alchimie entre les trois personnages principaux : Hailee Steinfeld, Jeff Bridges et Matt Damon. Plus gros succès commercial des Coen, « True Grit » est un western honnête et un divertissement solide, mais loin d’être exceptionnel.

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« Burn After Reading » est l’une des comédies les plus délirantes des Coen, de telle sorte qu’elle sombre souvent dans l’excès le plus total et qu’elle en fasse parfois trop. Grande histoire basée sur des quiproquos, entre une histoire de divorce, une sombre affaire de CIA et l’équipe d’une salle de musculation, elle permet aux Coen de déployer leurs acteurs fétiches et d’en accueillir de nouveaux pour un festival plus absurde et loufoque que jamais. Malkovich est excellent, Frances McDormand est toujours aussi brillante et George Clooney s’amuse, comme à son habitude chez les frangins. Ce n’est clairement pas toujours très subtil, voire même parfois un peu lourd, mais le film est globalement assez drôle.

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Malgré une carrière exceptionnelle qui en fait probablement les réalisateurs actuels les plus brillants, et les classe parmi les plus grands de tous les temps, les frères Coen furent curieusement longtemps snobés par l’académie des Oscars. Comme de juste, celle-ci réparera l’affront en les récompensant pour l’un de leurs films les moins méritants au vu de leur fantastique pédigrée… « No Country for Old Men » est un retour au cinéma glauque de leurs débuts, proposant l’histoire d’un pauvre cow-boy tombé sur un gros paquet de fric poursuivi par un psychopathe sorti d’un autre monde. Si l’interprétation de Javier Bardem et l’atmosphère poisseuse du film en constituent des qualités indéniables, le métrage, au regard des autres œuvres des Coen, déçoit un peu par sa simplicité et sa linéarité.

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« Le Grand Saut » est un film à l’atmosphère très Kafkaïenne qui rappellera immanquablement « Brazil », ses délires architecturaux et surtout ses terrifiantes complexités administratives. Tim Robbins y incarne un type considéré comme simple d’esprit et propulsé à la tête d’une grande compagnie par Paul Newman qui souhaite le diriger en coulisses. Il n’avait toutefois pas compté sur le génie simpliste du brave garçon, qui invente le hula hoop et redresse les finances de la boite de manière spectaculaire. Une journaliste ardente, en quête du Pulitzer, vient aussi se mêler à l’affaire. Le film a ses qualités mais demeure très quelconque, un brin ennuyeux et se perd dans des longueurs inutiles. Pas le meilleur Coen !