Louis Malle - Commentaires
Un cinéaste souvent passionnant, imperméable aux étiquettes et aux mouvements qui ont accompagné sa carrière, constamment dans le contre-pied et la remise en question. Je ne suis pas attaché à tous ses films, et je suis (une fois de plus) très loin d’avoir tout vu mais c’est un artiste que j’apprécie ...
Afficher plus15 films
créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus d’un anAscenseur pour l'échafaud (1958)
1 h 31 min. Sortie : 29 janvier 1958. Policier, Drame, Thriller
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
On peut se laisser bercer par le faux rythme tranquille, la sûreté de la prise de vue, les accords lancinants de Miles Davis, l’indolence avec laquelle Louis Malle mène son intrigue passablement invraisemblable de série noire. On peut aussi être vite agacé par les affectations du couple de jeunes crétins qui se la joue amants maudits (qu’il est parfois pénible de suivre un film où les personnages agissent comme des imbéciles), se dire que l’exercice n’offre pas grand-chose de plus qu’un ressassement dilettante de motifs jamais transcendés (le couple séparé, l’amour plombé par une trajectoire fatale), et considérer que cet hybride de polar post-qualité française et d’ébauche de Nouvelle Vague n’a pas très bien résisté à l’épreuve du temps. Je pencherais plutôt pour la deuxième option.
Les Amants (1958)
1 h 28 min. Sortie : 5 novembre 1958. Drame, Romance
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Succès de scandale à sa sortie, réputation peu flatteuse de vieilloterie surannée de nos jours. La vérité se trouve entre les deux. Si le corps légèrement dévoilé de Jeanne Moreau, l’expression du plaisir sur son visage, l’image de cette femme et de cet homme nus dans des draps froissés paraissent aujourd’hui bien inoffensifs, une certaine sensualité affleure encore de leur nuit d’amour adultère. Et si le milieu affecté et superficiel de la bourgeoisie peut irriter les nerfs, on sait gré à Malle de ne pas y goûter et de régler avec lui quelques comptes (y compris à l’égard de l’héroïne, pas la moins futile et capricieuse). Faux film de révolte, vidé de toute problématique morale et porté par le brio d’une écriture toute classique, cette peinture d’une passion à l’avenir incertain séduit à défaut de bouleverser.
Zazie dans le métro (1960)
1 h 33 min. Sortie : 31 octobre 1960. Comédie, Fantastique
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Je n’ai pas lu le roman de Queneau dont le film est adapté mais du strict point de vue de la cinématographie Malle invente un langage particulièrement en verve, plein d’originalité et d’invention, qui selon ses propres termes cherche à démantibuler le langage des images comme l’écrivain l’a fait avec les mots. Il casse ainsi la logique de l’espace-temps traditionnel et juxtapose le dessin animé, la comédie, le burlesque, le réalisme, les éclats oniriques, mélange les situations loufoques et le pittoresque des répliques, use de tous les procédés possibles (ralentis, accélérés, métaphores, ellipses) pour traduire à l’écran les pensées de son impertinente héroïne, cette petite Alice en visite dans un Paris chaotique et insolite, qui questionne les grands et exige des réponses. C’est assez charmant.
Vie privée (1962)
1 h 43 min. Sortie : 31 janvier 1962. Drame
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Malle raconte Bardot, le mal-être de la star adulée et haïe, privée de vie et soumise à une tension permanente, l’hystérie de la foule transformant chacune de ses apparitions en émeute, le harcèlement continu des paparazzi et de la presse people. Sur un sujet garanti, il joue la carte de facilité et substitue à un script solide une série d’épisodes linéaires qu’il tente d’étoffer en les enchevêtrant. Sa mise en scène, par son découpage éparpillé, ses transitions hasardeuses, ses tics d’écritures, vise une confiance un peu trop mode dans les effets de collures et le haché menu des saisons et des heures. Reste que la photo d’Henri Decae séduit, avec ses trames et ses dominantes "bleu-blond", et que l’actrice insuffle une présence touchante et pathétique à l’héroïne d’un drame qui flirte avec le roman-photo.
Le Feu follet (1963)
1 h 44 min. Sortie : 15 octobre 1963. Drame
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Atteint d’un mal-être indéfinissable, d’une lassitude qui voit la vie, les êtres, les choses s’écouler sur lui sans qu’il parvienne à les atteindre, un homme décide de se suicider. Malle suit les deux derniers jours de ce mort en sursis, dans le Paris dandy et noctambule des années 60, s’arrêtant sur les moments de creux, ces instants qui s’étiolent et s’éternisent jusqu’à faire percevoir une inextinguible angoisse existentielle. Attaché aux visages, aux paroles, à la beauté des femmes et des rues, à la chaleur humaine que les amis du héros tentent de lui insuffler, le cinéaste parvient à faire ressentir le désarroi, l’enlisement, la fatigue insurmontables d’un homme face à ces promesses de bonheur : c’est comme une délicate glissade vers l’abîme, un adieu chagriné mais doux aux choses de ce monde. Ronet est fabuleux.
Top 10 Année 1963 : http://lc.cx/Be9
Viva Maria ! (1965)
2 h. Sortie : 22 novembre 1965. Comédie, Western
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Renversant l’idole saumâtre de la virginité, deux cucarachas en guêpières, falbalas et froufrous se révèlent des libertadors et enflamment le peuple pour mener la grande revendication prolétarienne. La révolte fait surgir les armes des berceaux et des poulaillers, la mitraille fauche les cocotiers, les colombes bombomanes font exploser les banques en une pluie d’or. Et Malle, généreusement servi par l’énergie, le charme et l’abattage des deux plus grandes vedettes féminines du cinéma français d’alors, préserve à sa grosse machine la fraîcheur d’un pique-nique. Exotisme, aventure, insolence, humour noir, anarchisme de bonne compagnie et même poésie s’invitent dans ce luxueux bric-à-brac, cette fantaisie picaresque, cette pyrotechnie vandale qui emprunte tour à tour à Buster Keaton, Buñuel ou Tex Avery.
Le Voleur (1967)
2 h. Sortie : 22 février 1967. Policier, Drame
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Pas plus qu’il n’est question d’un gentleman-cambrioleur, il ne s’agit ici d’utiliser un temps soigneusement recréé à des fins de dandy en quête des jouissances esthétiques du revenez-y de la Belle Époque. C’est la construction d’une solitude qui est racontée, à travers une pâte où les délicates teintes pastel et les tâches de lumières dans les sous-bois du passé ne cachent rien d’une société bâtie sur les sables mouvants des rapports d’argent, pourrie par les valeurs réactionnaires de l’ordre bourgeois, soumise aux feux de la contestation anarchique, et où l’usurpation cynique est la règle. Sa réjouissante férocité, la séduction de sa forme et de ses interprètes (en particulier du gynécée papillonnant autour de Belmondo) concourent à l’ironie savoureuse de cette fable dont la légèreté voile à peine l’amertume.
Le Souffle au cœur (1971)
1 h 58 min. Sortie : 28 avril 1971. Comédie dramatique
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Difficile aujourd’hui de comprendre pourquoi ce film choqua autant. Car s’il y dépeint, à la toute fin et avec une neutralité tranquille, la violation d’un tabou, celle de la découverte de l’amour incestueux par un jeune garçon, c’est surtout à une évocation enjouée de l’adolescence et de ses rites d’initiation qu’il nous invite. La peinture de la vie bourgeoise et du collège catholique, bien que gentiment égratignée, est elle-même adoucie par l’élan de sérénité, l’appel au "carpe diem" que chaque personnage (les grands frères complices et licencieux, la mère joyeusement adultère) semblent promouvoir. Malle ricoche ainsi d’une anecdote à une autre, d’un détail cocasse à une notation savoureuse, adoptant une tonalité insouciante et radieuse qui assure une belle fraîcheur à sa chronique de l’éveil.
Lacombe Lucien (1974)
2 h 18 min. Sortie : 30 janvier 1974. Drame, Romance, Guerre
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
La collaboration selon Louis Malle. D’une neutralité presque détachée, son regard s’attache aux détails, aux paysages, aux comportements du quotidien, et colle aux basques d’un salaud ordinaire dont la trajectoire semble mue par l’innocence. C’est la revanche d’un enfant sauvage perverti par des gens cultivés, saisi dans un engrenage qui le dépasse, manipulé par des petits chefs sans chagrin ni pitié et qui, longtemps humilié, succombe à ses pulsions barbares et à la griserie de la puissance. De cet ébranlement des certitudes, de la remise en perspective d’une époque troublée dont tirent parti des profiteurs sans conscience et une bourgeoisie veule, le film suscite un certain malaise, car il montre comment le hasard peut, dans des circonstances historiques particulières, l’emporter sur l’idéologie.
La Petite (1978)
Pretty Baby
1 h 50 min. Sortie : 24 mai 1978 (France). Drame
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Chronique du quotidien dans une maison close de la Nouvelle Orléans, au début du siècle : vision charnelle et saine d’un temps qui s’étire dans les accents du jazz, d’une existence désuète où le commerce de la chair n’est rien de plus qu’une péripétie sacralisée. Le film trouble et indispose à la fois dans son refus de toute dramatisation et sa volonté à peine déguisée de glamouriser la situation des pensionnaires, qui y trouvent épanouissement et raison de vivre. L’absence de tout jugement moral de la part du cinéaste, le ton détaché qu’il emploie, et évidemment le très jeune âge de son héroïne (12 ans) confèrent un cachet assez singulier à ce film difficile à cerner, où Malle confirme sa propension à laisser son intelligence plaider pour le droit à l’ambigüité. J’en suis resté un peu distant.
Atlantic City (1980)
1 h 45 min. Sortie : 3 septembre 1980. Drame, Policier, Romance
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
À Atlantic city, cité de vices qui se lézarde au bord d’un océan gris et où l’on joue plus qu’on ne s’amuse, un ex-mafioso miteux et mytho s’éprend d’une croupière qui lui prendra son argent (mal gagné), son cœur (bien usé) et ses (dernières) illusions avant de s’élancer, seule, vers un avenir meilleur. Entre le film policier et le commentaire social, Malle trouve un équilibre assez harmonieux et plonge dans le labyrinthe de stupre, de luxure et de décadence qu’est la mythique station balnéaire, en la montrant du côté des minables, des truands et des loosers, tous mus par de misérables ambitions. Sur les motifs du déclin (de la ville, des personnages), de la vieillesse et de la dernière chance, il dessine une balade crépusculaire et nostalgique, joliment emmené par Burt Lancaster et Susan Sarandon.
Au revoir les enfants (1987)
1 h 43 min. Sortie : 7 octobre 1987. Biopic, Drame, Guerre
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
L’un était juif, l’autre ne l’était pas. L’un mourut à la guerre, l’autre s’en souviendra. D’une inguérissable blessure d’enfance est née une poignante cantate contre l’oubli, faite de pudeur et de probité, un miroir réfléchissant d’autres histoires, celles, indélébiles, qui impriment à jamais la pellicule encore vierge de la mémoire et donnent aux petits garçons des regards d’hommes avant l’âge. Restituant le climat d’antisémitisme ambiant de l’Occupation, Malle adopte le point de vue de deux enfants confrontés à l’incohérence du monde pour mettre en relief le trouble d’une époque douloureuse. Ce très beau film historique et psychologique brille à tous les niveaux : sa facture classique, sa retenue, sa justesse, son humanité, la naturel de ses comédiens et l’évidente sincérité autobiographique de son réalisateur.
Milou en mai (1990)
1 h 42 min. Sortie : 24 janvier 1990 (France). Comédie romantique
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Une famille bourgeoise se réunit dans le sud-ouest de la France, en mai 1968. Les événements déclenchent un vent de panique à la lisière de l’absurde, catalysant rancœurs, amertumes et frustrations longtemps réprimées. Si Malle prend la parole vingt ans près, ce n’est pas pour sonner l’heure des bilans ni procéder à de plaintives réévaluations, mais plutôt pour le plaisir de conter, l’incitation à laisser déborder son imaginaire et sa fantaisie, et une grande abondance de pittoresque dûment estampillé et garanti d’origine. Tenant presque de l’analyse balzacienne, l’étude de comportements se fait à la fois grave et caustique, vire de la partie de campagne ensoleillée au jeu de massacre au vitriol, et développe un humour grinçant et ironique ponctué de quelques envolées tendres ou mélancoliques.
Fatale (1992)
Damage
1 h 51 min. Sortie : 9 décembre 1992 (France). Drame, Érotique, Romance
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 3/10.
Annotation :
Le cinéaste voulait sans doute parler des ravages et des fulgurants bonheurs de la passion avec une austérité que ne seraient venues briser que de silencieuses et sauvages étreintes entre les amants. Pas de pot, cette espèce de thriller psychodramatique aux effets et aux intentions particulièrement lourds est filmé sans mystère ni subtilité. Racontant une liaison dangereuse et passionnelle dans le milieu de la haute diplomatie britannique, le film s’embourbe dans des explications psychologisantes à la mord-moi-le-nœud et vire régulièrement au ridicule dans ses effusions érotico-toc, sans chair ni émotion. Et s’il résiste courageusement à la tentation du happy end, si le propos va jusqu’au bout de la dissolution d’une famille bourgeoise (au centre de toute l’œuvre de Malle), le verdict est sans appel : c’est raté.
Vanya, 42ème Rue (1994)
Vanya on 42nd Street
2 h. Sortie : 25 janvier 1995 (France). Comédie dramatique
Film de Louis Malle
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Drôle de pari : interpréter la pièce de Tchekhov au sein d’un immense théâtre désaffecté de New York, à l’occasion de l’ultime répétition. Avec une table et trois chaises, Malle et ses comédiens nous entraînent aussi loin que le dramaturge et sa Russie nostalgique, dans un hommage aux planches américaines et à leur vérité immédiate, quotidienne. Les acteurs sont en col roulé et gros velours, le décor est mangé d’ocres et d’ombres, la lumière naturelle cède la place à la lampe de la datcha tandis que s’éteignent au même rythme les bruits de la rue. S’il faut un certain temps pour dompter l’exercice, celui-ci finit par imposer ses puissants courants de mots couverts et de non-dits, et à exprimer la douleur et la force de beaux personnages qui, parlant à cœur ouvert, ont tous beaucoup à défendre.