Cevdet Bey et ses fils est le premier roman (750 pages) d'Orhan Pamuk. Il a été publié en Turquie en 1982 - et traduit en français seulement en 2014 - alors que l'auteur a exactement 30 ans. 30 ans, c'est aussi l'âge de beaucoup des protagonistes du livre. Le livre est construit en 3 parties inégales. La première concerne Cevdet Bey, la seconde ses fils, mais surtout l'un d'eux, Refik, et la troisième le petit fils de Cevdet, le fils de Refik qui s'appelle Ahmet.

Le livre commence avant la République, à l'époque des pachas. Cevdet est un marchand d'ampoules qui a fait suffisamment fortune pour se marier avec une fille de pacha : Nigan Hanim. Cevdet Bey est un homme ordinaire, sinon ennuyeux, à l'intelligence moyenne. La première partie du livre se concentre donc autour de lui, et raconte une de ses journées à la Ulysse de Joyce (le talent en moins - point d'interrogation !). De l'union de Cevdet Bey et Nigan Hanim naitront Osman, Refik et Ayşe. Osman est plutôt comme son père, il suit la même voie et ne se pose pas trop de questions, alors que Refik est plus tourné vers l'occident, insatisfait, il se pose des questions, il cherche un sens à sa vie.

Il a deux amis proches Ömer, un ambitieux qui veut devenir riche et projette d'épouser non pas une fille de pacha comme Cevdet Bey, mais une fille de député (l'époque a changé) et Muhittin qui veut devenir poète et se suicider à 30 ans s'il n'y parvient pas. Il est plus question dans le livre de Refik et ses amis que de Cevdet Bey et ses fils de sorte qu'Orhan Pamuk aurait mieux fait de l'intituler Refik et ses amis. Les trois amis ont un point commun : leur insatisfaction. Ils ne sont pas heureux, et se supportent de moins en moins. Refik va se marier avec une belle jeune femme Perihan qui va lui donner une petite fille Melek, mais malgré cela il ne sera pas heureux. Muhittin qui est laid, et qui apparemment n'a pas vraiment de talent poétique ne veut pas d'une vie ordinaire, mais au final n'a pas de vie du tout et va être séduit par l'idéologie nationaliste tendance Loups Gris. Ömer veut devenir riche et le deviendra à la fin, mais à part ça n'a pas vraiment de raison de vivre. Bref ils se posent tous des questions sur le sens de la vie et n'en trouvent pas vraiment. Mais la palme d'Or des personnages les plus insupportables (des 3) revient sans nul doute à Muhittin qui m'a beaucoup rappelé (mais Refik et Ömer aussi) le personnage du film de Ceylan vu récemment Le Poirier sauvage. Son virage Loups Gris fait d'ailleurs également penser au personnage de Hasan dans La maison du silence.

Dans la dernière partie, bien plus courte, Ahmet, le fils de Refik et Perihan qu'ils ont eu après Melek est peintre. Il aime son métier, mais est attiré par les idées politiques de gauche et se sent coupable de s'adonner à la peinture au lieu de faire autre chose mais quoi ? Participer plus, en tout cas à la vie politique. Lui a trouvé un sens à sa vie, même s'il continue à s'interroger dessus et à culpabiliser du sens qu'il a trouvé à sa vie. Il s'en confie à sa petite amie Ilknur qui va bientôt partir à l'étranger, mais il ne veut pas qu'elle parte et lui propose de l'épouser.

Alors que dire de ce premier roman ? Il y a d'abord beaucoup, mais alors beaucoup de répétitions, comme dans malheureusement beaucoup d'autres romans de Pamuk : les personnages se lamentent sur le sens de la vie et répètent toujours les mêmes choses. Leurs raisonnements sont très simples et peu intéressants, ce qui fait que ça devint lassant sinon horripilant. Refik, lors de la phase où il part à Kemah retrouver Ömer et laisse femme et enfants peut faire penser au personnage d'Oblomov, d'ailleurs le chef d'œuvre de la littérature russe est cité, mais rien à voir avec Oblomov, je veux dire au niveau du génie. dans Oblomov, il y a un concept, de véritables raisonnements solides, des sentiments ... Ici nous avons affaire à des personnages creux, et il ne se passe rien. Dans Oblomov il ne se passe rien non plus, et pourtant on ne s'y ennuie pas une seule minute. Ici, beaucoup. Cet ennui, cette recherche du sens de la vie, ces répétitions incessantes, on les retrouve souvent dans les mauvais romans de Pamuk comme le Livre noir ou les Nuits de la Peste, La vie nouvelle ou la dernière partie (très longue) du Musée de l'innocence.

Je dois le dire, j'ai été très déçu par ce premier roman de Pamuk, j'en espérais beaucoup plus. Cependant, c'est un premier roman, et il convient d'être indulgent. Il s'améliora grandement par la suite. On lui préférera les bien meilleurs Mon nom est rouge, La femme aux cheveux roux, Cette chose étrange en moi et Le musée de l'innocence. Et pour ma part, alors que je termine de rédiger cette critique, il me reste Neige, Le château blanc et Istanbul à lire avant d'en avoir terminé avec Pamuk (jusqu'à ce qu'il écrive un nouveau livre ?).

Hunkarbegendi
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le 10 sept. 2023

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