Ma première rencontre avec Montague Rhodes James eut lieu il y a bien longtemps, du temps de ma grande jeunesse, au détour d'un recueil Librio dédié aux histoires de fantômes (il y avait vraiment du bon dans cette collection, et j'ai découvert plein de trucs par ce biais). Sa nouvelle "The Mezzotint" (du nom d'un type de gravure ; oui, un des péchés mignons de l'auteur, c'est qu'il aime bien les titres technico-mystérieux) m'avait saisi à l'époque et vraiment fait frissonner...Du coup, au moins 20 ans plus tard, voilà que je tombe dans ma bibliothèque municipale sur un recueil (le 2e de 2 tomes) penguin de ces nouvelles de fantômes (l'auteur est quasiment introuvable en français, même s'il y eut jadis des recueils de publiés, ai-je entendu dire), le tout préfacé par S.T. Joshi (soit le grand spécialiste américain de H.P. Lovecraft). Ni une ni deux, je me lance dans l'intégrale (pour l'anecdote, je ne trouverai jamais le tome 1 dans cette collection en bibliothèque - ouais ils avaient acheté que le 2... -, mais je dénicherai une intégrale plus ancienne dans une autre bibliothèque parisienne) ; j'y ai découvert un auteur aussi intéressant qu'attachant, très méconnu en France, alors même qu'il est sans doute considéré en Angleterre, avec Dickens, comme l'auteur le plus connu de nouvelles de fantômes, en tout cas multi-adapté pour les fameux "films de fantômes de noël" diffusé sur la BBC, une tradition bien sympathique de ce pluvieux pays, qu'il a eu une revue quasiment uniquement destinée à l'étude de ses œuvres (Ghosts & Scholars) et de celles de ses héritiers directs, qu'il a eu un podcast (drôle et intéressant) dédié, etc.
A la décharge des Français, il s'agit d'un auteur "Anglais jusqu'au bout des ongles", enseignant-chercheur à l'université (comme Lewis Carroll), célibataire endurci (là encore comme Lewis Carroll...), spécialiste notamment des livres saints, de l'anglicanisme, de l'architecture des églises...Eléments omniprésents dans toutes ses nouvelles (à côté de ses travaux universitaires, M.R. James n'a produit que des nouvelles de fantôme, jamais de format long), le tout mêlé à une passion pour les terroirs et la topographie des différentes régions anglaises, il est vrai que le lecteur étranger se sent alors vraiment étranger à l'univers culturel de l'auteur, autant je pense, en certains passages, qu'en lisant des nouvelles japonaises ou d'autres pays tout aussi exotiques pour nous. Bref, ces nouvelles sont extrêmement datées et localisées et en jouent souvent longuement (longues descriptions de paysages, de styles architecturaux, d'églises les nombreuses fois que des protagonistes se retrouvent en de tels lieux, discussions savantes sur l'histoire de l'église anglaise et/ou sur Shakespeare - une autre grande passion de l'auteur -, plaisir de l'auteur à retranscrire des patois locaux lors des dialogues - dans un anglais donc parfois difficile pour le non-agrégé, etc.) ; il y a donc un certain coût d'entrée (culturel) pour se plonger dans ces nouvelles ; ces éléments de contexte aux différentes histoires font bien souvent tout leur sel (et permettent il faut le dire parfois, par leurs seules variations, de recycler des schémas narratifs récurrents chez l'auteur), mais pourront je l'imagine lasser les moins motivés (mais bon, j'imagine difficilement un Français "non-motivé" tomber de par hasard sur ces textes, donc bon...).
Mais à côté de cette dimension quasi-ethnographique de l'oeuvre, qui a son charme mais également ses facilités, M.R. James est aussi (et surtout) un très efficace auteur de nouvelles surnaturelles, qui parvient véritablement (en tout cas avec moi) à filer la chair de poule (ce qui n'est pas si courant)! Pour reprendre les catégories et analyses de Denis Mellier, le fantastique de l'auteur est avant tout orienté vers la confrontation avec le surnaturel, et non vers l'interprétation et la problématique (todorovienne) de l'indécidabilité des phénomènes présentés ; James ne laisse guère planer le doute sur la réalité des phénomènes surnaturels qu'il met en scène (les doutes que peuvent exprimer les personnages, sceptiques comme il se doit, souvent intellectuels et / ou savants, sont souvent là uniquement "pour la forme"). L'intérêt de ses nouvelles porte alors sur la mise en place progressive de la confrontation avec le fantôme et sur le mode opératoire, parfois surprenant, de ce dernier. Les nouvelles de M.R. James sont ainsi souvent des histoires de rencontre fortuite entre des domaines, celui des vivants et celui des morts, qui co-existent en notre monde, même s'ils ne communiquent que rarement.
Une autre spécificité de M.R. James est le côté quasi-systématiquement indirect des récits présentés, que les récits soient rapportés par des interlocuteurs tenant eux-mêmes le récit d'une connaissance, ou que les faits soient reconstitués à partir d'une enquête sur de vieux documents ou sur des échanges épistolaires. En effet, M.R. James aime à mettre en avant dans ses histoires des bibliophiles, des antiquaires, des savants (tout le milieu social dans lequel sans aucun doute il évoluait lui-même dans son quotidien) qui vont avoir affaire aux forces surnaturelles dans le cadre de leur passion / travail : en allant mener des fouilles, en allant visiter de vieilles églises, en fréquentant des bibliothèques, etc. Ainsi, de manière très parlante, le titre du premier de ses 4 principaux recueils de nouvelles (1905, 1911, 1919, 1925) s'intitule "Ghost Stories of an Antiquary".
Par contre, l'homme n'a que très peu produit de textes "théoriques" sur sa vision du fantastique, et dans le peu dont on dispose, celui-ci se montre malheureusement tristement conservateur, argumentant en faveur d'une esthétique "tempérée", très axée sur la construction d'un contexte vraisemblable, sur la retranscription d'une réalité quotidienne, ne tombant pas trop dans des effets extrêmes, et en particulier refusant largement le gore (même si lui-même ne se prive pas dans certains textes) et encore plus le sexe (dimension totalement absente chez lui), critiquant notamment tout le mouvement des pulps américains "de très mauvais goût".
En fait, son texte "théorique" le plus intéressant, permettant la plongée la plus profonde dans son esthétique de l'horreur nous est fourni sous la forme de sa dernière (et très belle) nouvelle, espèce de testament littéraire, "A vignette" (1935) écrite 1 an seulement avant sa mort, où il nous relate une expérience d'inquiétante étrangeté de son enfance, croyant alors discerner d'étranges présences menaçantes dans les haies du parc faisant face à la maison où il résidait.
Bien entendu, le niveau de la 40taine de nouvelles fantastique qu'il a produit au cours de son existence n'est pas toujours homogène ; si certains textes sont clairement anecdotiques (mais sans être jamais ennuyeux ou vraiment mauvais, ce qui doit être souligné), d'autres constituent par contre de véritables chefs-d'oeuvre dont je conseille vivement la lecture. Vous trouverez ci-dessous un avis détaillé pour chacune. Mais si je devais ne vous en conseiller que 5 ou 6, je dirais: "The Mezzotint", "Number 13", "The stalls of Barchester Cathedral", "A neighbour's landmark", "A Warning to the Curious", "The treasure of Abbot Thomas" et éventuellement "Oh, whistle and I'll come to you, my lad" (qui n'est pas forcément une de ses toutes meilleures, mais en tout cas l'une des plus connues).
Notation des nouvelles:
*=intéressante
**=très intéressante
Recueil intégrale:
Canon Alberic's scrap-book=une histoire archi-classique de fantôme "à la M.R. James" (a posteriori car c'est a priori la première qu'il ait écrite); un Anglais visite une église française dans le sud de la France, se porte acquéreur d'un ouvrage a priori maudit et se fait agresser par un démon. Histoire basique donc, mais MR James fait déjà montre de tout son talent (je trouve) pour décrire avec une grande efficacité horrifique des apparitions fantomatiques / démoniaques.
Lost Hearts*=dans ce récit, MR James mêle les deux principales branches de son imaginaire horrifique, soit les récits de fantômes et les récits de cultes païens / sataniques. Ici, le mélange est réussi, le tout nous étant relaté du point de vue d'un enfant. Le tout reste cependant sans doute un peu trop classique pour en faire un véritable chef-d'oeuvre à **, et il y a une ou deux facilités narratives prises par l'auteur que j'ai trouvé peu vraisemblables:
(1) le fait que le "sorcier sataniste" ait déjà fait disparaître 2 enfants auparavant selon le même procédé, sans éveiller a priori aucun soupçon, sinon de la police, du moins de son entourage;
(2) le fait qu'il se soit également senti obligé, dans un papier découvert après sa mort, de décrire "en détail" ses intentions et modes opératoires...de mon point de vue, la nouvelle jusqu'à ce passage se tenait très bien en elle-même, et le lecteur un peu attentif était normalement déjà arrivé aux conclusions que ce bout de papier "salvateur" ne fait que confirmer de façon un peu lourde.
C'est dommage, parce qu'il aurait suffi je pense à l'auteur, même en conservant ces éléments narratifs, de les introduire de façon un peu plus subtile ou justifiée pour éviter tout à fait cet écueil.
The Mezzotint**=une des nouvelles les plus (justement) célèbres de l'auteur (et celle par laquelle je l'ai découvert il y a cela de très nombreuses années dans un volume de la collection Librio), qui m'avait fait son petit effet à l'époque et que je trouve toujours aussi originale et horrifique aujourd'hui. La structure très maline se centre avant tout sur les réactions des personnages principaux au "comportement" insolite d'une gravure anglaise (le "mezzotint" qui donne son titre à la nouvelle). Le suspense et l'horreur naît de 3 visions successives (et tout en suggestion, la gravure demeurant par nature "immobile", figée au moment où on la regarde) de cette même gravure. On peut peut-être regretter (j'avais complètement occulté ce point dans les souvenirs de ma première lecture) que, comme dans la nouvelle précédente (cf.supra), MR James n'ait (sans doute) pas encore assez confiance dans la puissance simple de sa narration et de sa construction initiale et se sente une nouvelle fois obligé de nous fournir (un peu artificiellement encore une fois) une explication détaillée de la "malédiction" derrière les évènements qui nous ont été dépeints ; je trouve que, en laissant le lecteur dans l'ignorance du détail de l'affaire, la force horrifique de la nouvelle n'en aurait été que plus grande. Par ailleurs, l'auteur ouvre un instant une piste narrative qui aurait été intéressante à explorer
("et si les événements auxquels nous sommes en train d'assister via la gravure ne s'étaient pas encore produits...").
Mais je chipote, car il s'agit déjà en l'état d'une nouvelle extrêmement inspirante, en plus d'être en quelque sorte un condensé du style, de certaines des obsessions et de l'originalité de son auteur.
The ash tree*=histoire ultra-classique de sorcellerie, dans la lignée d'autres nouvelles qu'a pu écrire l'auteur, où une vieille femme accusée de sorcellerie revient se venger de la famille dont le témoignage l'a emmenée au gibet; l'originalité et l'intérêt de la nouvelle repose dans le mode opératoire de la sorcière, qui donne naissance à d'affreuses colonies d'araignées à la piqûre mortelle dans un frêne planté juste à côté de la maison de la famille objet de sa malédiction. On découvre également dans la nouvelle une forme de divination amusante, consistante à ouvrir au hasard les saintes écritures et à considérer comme un présage la première ligne qui nous tombe sous les yeux. MR James s'amuse ici de cette pratique en donnant des présages que, bien entendu, les victimes seront incapables de comprendre. On retrouve également le côté "polyphonique" et testimonial de l'écriture de l'auteur, qui va continuellement d'une source, d'un témoignage à un autre sur les évènements qui nous sont présentés (en profitant au passage pour nous infliger l'anglais oral tel que pratiqué il y a quelques siècles!)
Number 13**=une nouvelle passablement flippante et vraiment intéressante narrativement, tout d'abord par son déroulé où brille, j'ai trouvé, tout le talent de MR James pour une horreur "opératoire", où les effets horrifiques se concentrent avant tout sur le mode d'action du "revenant" (mais au final rien n'est vraiment tranché sur la nature de la créature à laquelle les protagoniste ont affaire): ici, une mystérieuse chambre 13 fait son apparition chaque soir dans un hôtel danois - en mordant sur les chambres 12 et 14 voisines -, avec un occupant au comportement plus qu'étrange...J'ai également apprécié que MR James prenne le contrepied de ses précédentes nouvelles, qui étaient un peu trop explicatives à mon goût, en refusant d'une part de nous révéler le fin mot de l'histoire, mais en allant jusqu'à se jouer d'autre part du lecteur en l'aiguillant sur de fausses pistes qu'il se permet (telle une blague de garçon taquin) de balayer d'un revers de main à la fin de son récit! Une réussite incontestable.
Count Magnus(*): à noter que des éléments de cette nouvelle ont été repris plus tard dans d'autres textes plus tardifs de James: An episode of cathedral history, The uncommon prayer book (un fantôme en lien avec une église), The experiment (le fait que le protagoniste se retrouve traqué par le défunt); on apprécie le côté un peu lovecraftien avant l'heure de l'apparence (tentaculaire) d'un des monstres / démons rencontrés dans la nouvelle. Plus que l'histoire en elle-même, qui reste assez classique, on apprécie surtout la capacité de l'auteur à construire et développer son contexte et son protagoniste principal (ici, comme dans la nouvelle précédente, Number 13, qui se déroule dans un pays nordique).
Oh, whistle and I'll come to you, my lad*(*)=légèrement déçu par cette nouvelle qui était pourtant annoncée comme un des sommets de la carrière horrifique de l'auteur ; on se retrouve face à une histoire "de plage / d'hôtel hantés" (cadres récurrents chez James) efficace, mais très simple dans sa structure: un professeur trouve un sifflet étrange sur une plage, qui a pour propriété d'appeler un revenant, qui va "s'installer" dans un des lits de sa chambre. Encore une fois, l'histoire fait mouche dans la façon plus qu'inquiétante et difficilement prévisible d'agir de son fantôme (mouvements aberrants...). Néanmoins, dans des styles proches, j'ai trouvé des nouvelles plus tardives comme "Rats" et surtout "A warning to the curious" plus réussies. Et je trouve que le retour de balancier est trop fort par rapport à ce qu'était le principal défaut des nouvelles précédentes: ici, l'auteur ne cherche plus du tout à contextualiser son fantôme ou à lui donner une "explication" (il y a sans un juste milieu à trouver, car ici on se sent un peu frustré de ne pas avoir davantage d'explications sur ce sifflet bien étrange).
The treasure of Abbot Thomas**: MR James reprend ici quelques éléments à sa nouvelle "Count Magnus" (le monstre d'aspect lovecraftien) mais, il m'a semblé, en beaucoup plus réussi. En effet, là où la dernière nouvelle citée avait un côté un peu "forcée", ici tout coule admirablement bien, le récit étant notamment porté par une enquête menée par le protagoniste principal pour décoder une énigme retorse laissée par un religieux allemand ou hollandais du XVIIe siècle, censée mener à un hypothétique trésor dissimulé ; on suit cette enquête avec intérêt, et la conclusion est des plus glaçantes. Comme dans "The experiment" ou "A warning to the curious" (nouvelles plus tardives), on retrouve cette obsession pour un être surnaturel qui vient réclamer "son dû", y compris pour cela à distance du lieu où a été contractée la malédiction.
A school story(*): une histoire des plus classiques dans l'ensemble (avec cette obsession Jamessienne à propos de revenant venant se jucher sur le bord des fenêtres de leurs futures victimes), épicée par le contexte scolaire, un peu trop explicative sur la fin (même si l'image finale des deux corps enlacés dans un puits est vraiment frappante!). En fait, j'ai surtout apprécié les toutes premières pages où les deux protagonistes évoquent des histoires de fantômes qui circulaient dans leurs écoles respectives (vraiment les légendes urbaines avant l'heure!).
The rose garden: pas vraiment convaincu par celle-là ; une histoire de revenant /sorcier / démon dérangé dans son "sommeil" et qui revient mettre du bazar + des apparitions / visions dans les rêves des protagonistes, comme il y en a beaucoup chez MR James et qui ne se distingue pas particulièrement du reste de la production.
The Tractate Middoth(*): une bonne déception pour cette nouvelle qui était pourtant annoncée comme un des sommets de l'oeuvre de MR James...Clairement, en l'état, le récit semble insatisfaisant, laissant, une fois n'est pas coutume, trop d'éléments sans explications, pour emballer et convaincre le lecteur. On ne saura ainsi rien des motivations profondes de la créature surnaturelle qui nous est présentée, ce qui donne à ses mésactions un côté trop arbitraire (en particulier dans un récit avec une dimension enquête importante)...En l'état, beaucoup de coïncidences insuffisamment explicitées rendent la nouvelle peu crédible: à moins d'être manipulé par l'entité mystérieuse, ce que suggère tout de même le texte, on ne voit pas par quel miracle le protagoniste principal pourrait tomber par un simple hasard successivement sur les deux personnages intéressés par cette histoire d'héritage.
Je peux néanmoins comprendre une des raisons du succès de cette nouvelle, car, en l'état, celle-ci reste ouverte à toutes les spéculations, hypothèses (même les plus audacieuses).
Casting the runes*: une nouvelle bien menée et intéressante, qui m'a un peu fait penser, au niveau de l'ambiance, au Rendez-vous avec la peur de Tourneur, avec son méchant vraiment très méchant et un peu magicien (la scène où il fait peur aux enfants vaut son pesant de cacahouètes!). Pour autant, il ne s'agit pas là, selon moi, d'un des sommets de la carrière de MR James; le tout reste quand même assez classique avec cette histoire de vengeance et cette invocation de démons.
The Stalls of Barchester Cathedral**: une nouvelle assez parfaite dans son genre, où l'on voit un personnage sombré peu à peu dans la terreur à travers son journal intime ; le contexte est bien amené et cohérent. Un immanquable de MR James!
Martin's close*: si cette nouvelle ne brille pas particulièrement par ses qualités horrifiques (quoique, le passage dans l'auberge est réussi), on retient surtout le dispositif narratif intéressant puisque l'on suit pendant toute la nouvelle les échanges d'un procès pour meurtre (bien entendu, on aura deviné que l'accusé est en même temps persécuté par la jeune fille qu'il a assassiné!).
Mr Humphreys and his inheritance*: une nouvelle intéressante, à défaut d'être absolument géniale; si tout le développement autour du labyrinthe est finalement assez décevant, avec quelques éléments dispensables (tout le truc autour des buissons et des bosquets autour de la maison), la scène "du sermon" est assez mémorable avec sa structure mystico-cauchemardesque et l'irruption du "fantôme" est pour le coup amené de façon originale, tirant quasiment vers le psychédélique. Par ailleurs, il s'agit d'une nouvelle assez chargée au niveau de la symbolique religieuse (ayant donné lieu à des articles intéressants sur la secte hérétique des Caïnites!)
Recueil Penguin:
The residence at Whitminster*= histoire de sorcellerie en deux parties à deux époques distinctes, avec une conclusion agréablement déceptive (le propriétaire qui refuse finalement d'ouvrir les possessions de l'ancien sorcier mort dans des circonstances assez horribles) et bien amenée;
The diary of Mr Poynter= le cadre de l'histoire a du potentiel mais est, en l'état, trop tordu et complexe (autour d'un morceau de tissu trouvé dans un livre), du coup le fantôme (chevelu) m'a semblé plus ridicule qu'autre chose, et l'effet horrifique donc assez désamorcé;
An episode of cathedral history=histoire assez basique autour d'un fantôme qui n'apprécie pas d'être dérangé dans le cadre de la rénovation d'une église;
The story of a disappearance and a appearance*=cette histoire vengeance horrifique, somme toute assez basique, vaut surtout par une séquence onirico-horrifique de haute-volée et bien amenée, le tout étant centré autour des spectacles de "punch and judy";
Two doctors= une histoire de pratiques occultes qui a assez mal vieilli: en effet, elle suppose connu du lecteur le fait que voler à un cadavre des morceaux de son linceul ou de ses objets funéraires serait susceptible de favoriser les mauvais sorts; du coup, sans les notes associées, il aurait été assez difficile, face à un récit "à énigme" de connaître le fin mot de l'histoire;
The haunted doll's house= étonnamment, cette histoire (qui reprend grosso modo le thème d'une autre nouvelle de James -beaucoup plus réussie d'ailleurs- autour d'une gravure hantée [titre?]), finalement assez mal tournée, m'a fait beaucoup moins peur que le contexte même de sa production: garnir une bibliothèque de maison de poupée pour la reine d'angleterre de l'époque...Glauque et flippant!
The uncommon prayer book*=une nouvelle intéressante, surtout flippante dans sa première partie avec ces livres qui s'ouvrent spontanément toujours à la même page; la conclusion m'a semblé quelque peu étrange, avec ce fantôme qui surgit d'un coffre-fort ; en tout cas, ça ne m'a pas glacé de terreur;
A neighbour's landmark**= le mode de manifestation du fantôme (qui pousse un cri déchirant à quelques cm des oreilles de celui qui s'aventure sur son territoire) est flippant au possible ; une des toutes meilleures nouvelles du recueil (même si le titre tout à fait cryptique en dit long sur l'appétence de James pour les références bibliques);
A view from a hill*=le principe de cette nouvelle est excellent (quelqu'un qui peut voir le passé au travers de lunettes ayant appartenu auparavant à un sorcier), mais il n'est cependant sans doute pas assez exploité à mon goût - se concluant simplement sur le compte-rendu d'une vengance fantômatique à l'égard du sorcier responsable de la fabrication de cet artefact;
A warning to the curious**= le chef-d'oeuvre du recueil, qui a inspiré plus que directement (on peut presque parler de pompage) le jeu auquel j'avais joué il y a quelque temps, "The lost crown"; la nouvelle surfe brillamment sur une espèce de légende locale à propos de couronnes enterrées et de fantômes devant empêcher quiconque de s'en emparer; le mode d'apparition du fantôme (toujours dans les recoins du champ de vision, jamais de face) déclenche lui aussi quelques frissons! ;-)
An evening's entertainment: magie noire et sorcellerie avec deux gars inséparables qui finissent par s'entretuer; l'histoire m'est surtout restée en fait pour son cadre narratif assez comique puisque le narrateur est une grand mère qui raconte une histoire d'horreur (et sanguinolente!) à ses petits-enfants!
There was a man dwelt by a churchyard*: une histoire de revenant assez classique mais bien menée, avec un fantôme de vieille plutôt flippant; James continue une histoire de fantôme amorcée (par la phrase qui donne son titre à la nouvelle) dans un livre de Shakespeare;
Rats*: un vacancier découvre qu'il y a une chambre hantée dans son auberge; le fantastique s'immisce dans les contextes les plus communs;
After dark in the playing fields: une "fantaisie" shakespearienne qui ne parlera pas à ceux qui, comme moi, ne sont pas vraiment familiers de l'auteur....
Wailing well*(*): une autre nouvelle qui part d'un point de départ quasi comique (toutes les scènes autour des scouts) pour aller vers l'horreur pure; des fantômes converge, dans un champ, vers un puits et finiront par s'emparer d'un jeune homme vraiment trop téméraire;
The experiment*: peut-être une des meilleures histoires de sorcellerie de James; une mère et son fils "ressuscite" leur mari décédé pour savoir où il a planqué son blé; "l'expérience" tourne mal...
The Malice of inanimate objects: une histoire assez oubliable où un fantôme manipule des objets quotidiens pour s'en prendre à un ancien ennemi;
A vignette**: incroyable dernière histoire écrite par James qui constitue une espèce de testament esthétique, puisqu'il nous y donne les grandes clés de sa vision de l'horreur (le territoire des morts et celui des vivants qui se chevauchent et parfois se rencontrent; l'inquiétante étranger de lieux pourtant banals, voire même familiers).
The Fenstanton witch: une histoire a priori pas complètement achevée de sorcellerie.
Le recueil propose aussi 12 histoires médiévales de fantômes, qui présentent un véritable intérêt historique, en montrant notamment comment la tradition païenne est demeurée vivante au sein du catholicisme du XVIe S. et comment l'église manipulait les croyances populaires pour faire son beurre.
Le recueil se conclut ensuite sur plusieurs introductions / textes divers que James a signé, où il cite notamment ses auteurs préférés, où il daube notamment sur les "américains" (qui, vraiment, n'ont aucune "retenue" dans leurs effets horrifiques), et fait preuve d'une vision finalement assez étriquée du genre (refusant le sexe...); M.R. James est donc un classique de la littérature fantastique dans le bon comme dans le mauvais sens du terme...
Dans son introduction intéressante, Joshi souligne que les conceptions horrifiques de James sont (paradoxalement) dans la droite ligne de l'horreur américaine "à la Stephen King", qui met énormément l'accent (parfois trop) sur le cadre et les personnages banals qui donnent leur contexte à l'histoire, avant le débarquement du fantastique en tant que tel.