Le monde sans moi

Quel drôle de livre, et quelle drôle de rencontre - moi à quatre pattes chez le libraire à chercher un truc dans ma chaussure qui me démangeait atrocement, l'oeil qui part sur la droite et qui rencontre le titre, qui me parle, parce que je pense à quelqu'un - Je crois que vous me plaisez. Je prend le livre, je le lis d'un coup et je ne comprend rien.
Il y a beaucoup de périodes de lecture où l'on a précisément envie qu'on nous parle à l'oreille de nous, et pas d'autre chose. On a parfois envie dans les livres de retrouver sa vie dans les plus petits détails et de se voir écrire quelque chose qui ne nous appartient pas. Je crois que j'avais envie qu'on me parle d'amour, mais pas comme d'habitude, parce que d'habitude je lis Kafka et Milena et c'est l'amour pur, non, j'avais envie qu'on me parle de l'amour à la con, celui de tout les jours. Des sites de rencontre. Des filles qui ne rappellent pas. Des fêtes où l'on va déguisé pour oublier qu'on se déguise déjà tous les jours.
Je crois que vous me plaisez n'est pas bien écrit et pourtant il y a des pages d'une puissance rare, parce qu'elle n'est pas littéraire. La rage d'aimer et d'être aimé qui transpire tout au long des 85 petites pages est un sentiment violent, à fleur de peau, écrit d'une traite comme on écrit dans sa tête, dans son journal, pour se rappeller qu'un jour tout ce cirque passe.
Désaxé, égocentrique et profondément seul, ce petit je qui se dessine au fil du livre est si douloureusement proche de nous. Rien n'est passé sous silence, rien n'est laissé de côté. L'amour du rien et le vide sont là, assourdissants, et le futur est incertain, ces filles sont incertaines, c'est une page de vie. Je pensais, bêtement - c'est quelque chose d'organique.
Comme un poisson hors de l'eau qui remue encore.