Darwin, avocat au Barreau de l'Humanité...

Commencé le 17 Juillet 2007
Terminé le 22 juillet 2007

Mon Avis

Un livre extraordinairement bien construit qui mérite largement son Prix Nebula ! L'auteur nous emporte dans de la vraie Science-fiction, au sens littéral du terme, avec des bases scientifiques tout à fait solides, documentées et pertinentes. (Pour ceux qui sont étranger au milieu de la biologie, il y a un glossaire, un petit dictionnaire de termes scientifiques en fin de livre.)

L'auteur n'a pas besoin de recourir au sensationnel ; ce qu'il décrit, jusque dans les réactions gouvernementales, est plausible et cohérent. Les personnages, leur personnalité, leurs motivations, leurs rêves et espoirs les rendent très humains, même quand ils sont du « mauvais » côté. Il n'y a aucun stéréotype ; nul n'est blanc, nul n'est noir... Comme dans la vraie vie !

Nous sommes portés à nous interroger sur les origines de notre espèce, sur la nature de la Vie et, en un sens, notre devenir. A cette lecture, nous sommes pris dans un tourbillon de possibilités et nous prenons conscience de la grandeur de la Nature et de la profondeur de notre ignorance. Il ne faut pas faire l'impasse sur ce livre !

L'Histoire

Dans les alpes trois alpinistes partent à la recherche d'une grotte contenant des restes humains très anciens, dans un état de conservation extraordinaire. Ce groupe est composé d'une autrichienne, Mathilda Berger (Tilde), d'un italien, Franco Maricelli, qui ont fait cette découverte quelques temps auparavant, et pour finir de Mitch Rafelson, scientifique américain licencié pour faute grave du muséum Hayer de Seattle. En effet, lors de fouilles archéologiques, un squelette avait été mis au jour aux USA, "L'homme de Pasco" qui semblait apparenté aux amérindiens lesquels revendiquèrent ses restes afin de les inhumer à nouveau. Mitch avait essayé de soustraire cette découverte scientifique à cette fin tragique en la volant avant d'être rattrapé par la police et voir ainsi sa carrière et sa réputation de scientifique bien compromis.

Mitch a été contacté par Tilde, son ancienne maîtresse, pour ses connaissances anthropologiques. Elle souhaite avoir son avis car elle a trouvé dans une grotte les restes d'un couple humain et de leur bébé. Mitch pense qu'il s'agit de Néandertaliens sensés s'être éteints entre 30 mille et 100 mille ans avant notre ère. La femelle montre une blessure ouverte du côté de la hanche. Les deux individus semblent avoir porté des masques gisant près de leur visage.
Devant un tel évènement Mitch plaide pour déclarer la découverte aux autorités, ce qui n'enchante pas ses compagnons. Il prélève des échantillons de peau en prenant soin de ne rien déranger mais, pris d'une violente crise de migraine, il doit sortir de la grotte, laissant Tilde à l'intérieur. Celle-ci en profite pour subtiliser la momie du bébé !

Hélas, au moment de redescendre dans la vallée une forte tempête de neige se lève ; Franco et Mathilde n'y survivront pas contrairement à Mitch qui, de son lit d'hôpital, devra rendre compte à la police du curieux paquet récupéré par le groupe.
Il reçoit la visite de scientifiques autrichiens menés par le professeur Brock lequel l'informe que la dépouille de l'enfant ne possédait pas les caractéristiques des Néandertaliens montre une plaie certainement mortelle au niveau du cou. Mitch rentre aux USA avec les précieux échantillons de peau prélevés sur les cadavres et commande une vieille revue scientifique traitant de la découverte de "Otzi" aussi appelé "Hibernatus" en 1991. Il y découvre un petit article affirmant que, en Georgie, des femmes enceintes et leurs maris ou compagnons auraient été amenés dans une région proche de Gordi pour y être exécutés d'une balle dans le ventre suite à une "épidémie" de naissances monstrueuses...

A 34 ans Kaye Lang dirige avec son mari Saul Madsen l'entreprise EcoBacter Research qui tente un rapprochement avec l'institut Eliava de Tbilissi, en Georgie afin d'obtenir un partenariat sur les bactériophages, ces virus qui ne s'attaquent qu'aux bactéries. En effet cela pourrait se révéler d'une importance capitale dans la lutte antibactérienne en évitant le recours aux antibiotiques. C'est à sa formation de médecin légiste que Kaye doit d'être appelée d'urgence par l'ONU sur un charnier mis à jour près d'une petite ville géorgienne du nom de Gordi. Sur place, Kaye est persuadé que ce charnier a moins de cinq ans ce qui autoriserait l'ONU à enquêter sur d'éventuels crimes contre l'humanité. Mais les autorités géorgiennes soutiennent qu'il s'agit d'un charnier ancien datant de l'époque de Staline bien qu'aucune disparition ou massacre n'aient jamais été rapportés dans la région. Deux cadavres de femme sont présentés à Kaye qui note avec surprise qu’elles étaient enceintes.

Mais avant de pouvoir pousser ses investigations plus avant les représentants de l'ONU sont sommés de rentrer chez eux. Kaye et Lado Jakeli - le scientifique de l'institut Eliava qui est son contact - retournent à Tbilissi où Kaye rencontre Christopher Dicken, un américain travaillant pour le Centre National des Maladies Infectieuses (Center of Infectious Deseases ; CID) qui lui demande de confirmer que les femmes exhumées du charnier étaient bien enceintes. Une fois cette vérification effectuée il disparaît sans plus d'explications.
Dicken recherche un virus qui déclencherait des avortements. La particularité de ce virus est d'être intimement lié à l'ADN humain. Il s'agirait d'un des multiples brins d'ADN étranger intégré au fil des générations dans notre patrimoine génétique. Ce virus "interne" s'est donc réveillé ; il faut comprendre à quoi cela est dû. Dicken parcourt le monde tel un détective car il pense que pour la première fois des nations cherchent à dissimuler une épidémie, quitte à faire disparaître physiquement les personnes infectées. Cette épidémie venue du fond des âges a reçu le nom de "Grippe d'Hérode". La nouvelle est rendue publique et plusieurs milliers de cas sont déclarés aux USA alors que les pays de l'ancien bloc de l'Est fond la sourde oreille.
Kaye est reconnue pour ses travaux car elle a décrit il y a plusieurs années ces virus endogènes potentiels. Que sa théorie soit confirmée d'une façon si médiatique la met en bonne place parmi les scientifiques pour recevoir un prix tel que le Nobel !

Ce nouveau virus nommé SHEVA ne s'attaque qu'aux femmes en âge de procréer et Kaye Lang, avec l'aide de son ancienne directrice de thèse tente de déterminer son mode opératoire. Il entraînerait un avortement si la femme est enceinte lors de son infection et déclencherait une ovulation forcée. D'ailleurs, dans ses recherches épidémiologiques, Dicken trouve des cas de femmes tombées enceintes de façon complètement inexplicable après avoir été infectées par SHEVA, dont une qui n'a jamais eu aucun rapport sexuel.
Les hypothèses se succèdent. Kaye pense que le virus pourrait avoir un lien avec l'évolution des espèces en déclenchant des transformations à partir des quantités importantes d'ADN non-codant présent dans notre patrimoine génétique. Cela remet au goût du jour les théories "saltationnistes" qui penchent pour une évolution des espèces par "bonds" et non par une évolution lente et progressive.
Christopher Dicken et son supérieur Mark Augustine mettent sur pied, avec le ministère la santé et la présidence de la république, une cellule de crise pour gérer l'épidémie qui s'étend. Le public est informé et le recensement des cas d'avortements dans les hôpitaux américains s'effectue. Il pourrait y avoir plus de deux millions d'avortements à l'année !

Les fœtus avortés sont analysés ; ils ont des malformations telles qu'elles leur auraient interdit toute viabilité mais leur développement même est des plus singuliers. En effet, ils contiennent tous un corps folliculaire, tel un ovaire énorme dont entre un et trois ovules auraient été libérés. Les femmes qui avorteraient de ces fœtus le feraient sans aucune souffrance et garderaient leurs caractéristiques de grossesse !

Quand son mari Saul se suicide et que des repreneurs viennent réclamer les clefs d’EcoBacter Research pour la liquider, la vie de Kaye s'écroule. L'entreprise n'avait pas réussi à intéresser des investisseurs privés car elle n’a jamais déposé aucun brevet exploitable. Mais le département de la santé vient lui proposer d'intégrer la "brigade" qui tente de trouver un moyen d'endiguer la "Grippe d'Hérode" au moment même où la présidente d'Americol, Marge Cross, lui offre un pont d'or pour l'embaucher dans le but avoué de trouver un vaccin au SHEVA et d'en toucher les bénéfices...

De son côté Mitch donne ses échantillons de peau a un ami scientifique qui travaille pour une université américaine. Comble de chance, son laboratoire vient de recevoir d’Autriche un prélèvement de peau du bébé à fins d'analyses. Il s'avère que le patrimoine génétique de l'enfant est très proche de celui de l'homme moderne et donc diffère de beaucoup de celui des deux adultes, même si la parenté est incontestable.

C'est alors que Mitch est appelé par une anthropologue, Eileen Ripper qui a mis à jour des momies en territoire indien. Le spectre d'un deuxième "homme de Pasco" plane sur la mission car les Indiens réclament les restes humains bien que Eileen leur aie affirmé, sans être crue, qu'il ne pouvait en aucun cas s'agir d'un de leurs ancêtres ! Mais la "Grippe d'Hérode" apparaissant dans la tribu, le conseil du village décide de laisser travailler les scientifiques.
Lors d'un congrès organisé par le ministère de la santé conjointement avec Américol, Kaye Lang, Christopher Dicken et Mitch Rafelson se rencontrent et échafaudent des hypothèses. Il serait possible que SHEVA ne soit pas un agent infectieux mais bel et bien un messager de l'évolution à l'échelle d'une espèce. La "Radio de Darwin" ! Les bébés générés lors de la deuxième grossesse issue d'un ovule de la "fille intermédiaire" - les fœtus avortés -, seraient les représentants d'une nouvelle espèce humaine qui succèderait à l'Homo Sapiens Sapiens.

Dans les hôpitaux du NIH, des femmes volontaires sont coupées de leur famille et attendent d'accoucher de leur "deuxième" grossesse alors qu'au Mexique, une femme donne naissance à un monstre mort-né. Il s'avère que le bébé a été touché pendant son développement par le virus de l'Herpes qui, normalement, ne peut infecter un bébé humain "classique" qu'au moment de la naissance. Mais les dégâts sont là ; des manifestations et des émeutes éclatent un peu partout sur la planète. Des extrémistes vont jusqu'à prôner la séparation des hommes et des femmes pour juguler l'infection et certains gouvernements, tels la France, facilitent l'accès à des traitements abortifs comme la pilule RU 486.

Mais bientôt les chercheurs découvrent une nouvelle variante du SHEVA, ce qui sème la confusion notamment chez Dicken déjà déstabilisé par la relation amoureuse qui vient de commencer entre Kaye et Mitch. En effet, s'il est capable de mutation c'est que SHEVA est bien un virus pathogène et non un "messager" de l'évolution.
Mise en minorité, Kaye démissionne de la "Brigade" et d’Americol. Elle part retrouver Mitch qui vient de rencontrer grâce à un milliardaire américain fan d'anthropologie le professeur Brock de Innsbruck. Ils s'étaient déjà rencontrés lors de son hospitalisation en Autriche. Brock leur apprend qu'il est convaincu que l'hypothèse "saltationniste" est la bonne, que le bébé est bien un Homo Sapiens Sapiens né d'un couple de néandertaliens ! Mais il sait aussi que son gouvernement va affirmer publiquement que l'enfant a été placé là des milliers d'années après la mort du couple et qu'ils n'ont aucun lien entre eux.

Kaye apprend que les femmes volontaires pour mener à terme leur deuxième grossesse ont abandonné et sont rentrées chez elles après avoir absorbé une pilule abortive RU486. Seule Mme Hamilton a gardé cette pilule par de vers elle avant de rejoindre son domicile. Mais elle décide de ne pas l'utiliser et d'avoir son bébé.

Kaye et Mitch vont se réfugier dans l'appartement de Mitch à New-York et passent rendre visite aux parents de ce dernier. Chemin faisant ils décident de se marier et Kaye veut tomber enceinte immédiatement afin de devenir son "propre laboratoire".

Le couple rencontre sur la route trois jeunes gens, un garçon et deux jeunes filles, qui font du stop. Les situations engendrées par la "Grippe d'Hérode" sont très difficiles. Une des jeunes filles a eu un bébé de deuxième stade, mort-né, comme ceux des deux cent mille grossesses de ce type menées à terme jusqu'à présent. Elle a le visage marqué suite au détachement d'un véritable "masque de grossesse", comme toutes les mères et certains pères. Le garçon est mis à l'écart par les deux filles qui pourtant ont besoin de lui. Ils quittent Kaye et Mitch une fois nourris et nettoyés...
C'est alors qu'on apprend que le président des USA vient d'être tué par un attentat dans lequel Mark Augustine et Christopher Dicken sont grièvement blessés et mutilés. L'état d'urgence est décrété ; le pays sombre peu à peu dans le chaos. 15000 femmes enceintes sont tuées, des sacrifices humains sont rapportés et les centres de santé ont perdu la trace de la plupart des femmes devant accoucher d'un bébé de deuxième stade sans savoir si elles se font avorter clandestinement ou ont décidé de mener leur grossesse au bout. Des groupes de "sécurité sanitaire" voient le jour dans certains états. Bientôt les femmes enceintes sont obligées de se faire recenser et ficher.
Kaye et Mitch sont recueillis par les Indiens de la réserve des Cinq Tribus au moment où le shérif du comté vient les arrêter pour les mettre dans un camp "sanitaire". Les Indiens ont décidé d'aider le couple sur l'avis de l'anthropologue Eileen Ripper devenue leur amie.
C'est dans la réserve indienne que Kaye accouche d'une fille vivante. Le cas n'est plus isolé ; l'état a déjà la charge de 24 bébés SHEVA. Mais le gouvernement doit faire face à des maladies virales mortelles consécutives à certains accouchements, confirmant une des craintes majeures de la "brigade", justifiant ainsi les mesures coercitives mises en place. Les cas sont rares mais existent bien.
La fille de Kaye est nommée "Stella Nova" (nouvelle étoile). Elle possède sur le visage des tâches appelées "mélanophores". Ce sont des tâches capables de changer de couleur dont certains animaux sont porteurs à l’état naturel. Quand les "masques de grossesse" des deux parents tombent, ils ont exactement les mêmes tâches ! D'autres modifications se font jour pour eux tel une capacité olfactive accrue. Stella se trouve aussi capable de parler dès la naissance et chantonne des mélodies extrêmement complexes impossibles à vocaliser pour un humain "normal".
Hélas le conseil des Cinq Tribus, sous la pression de certains membres réactionnaires, demande à la nouvelle petite famille de quitter la réserve, ce qu'elle fera pour s'installer dans l'Arizona.

Trois ans plus tard, Stella est une petite fille que ses parents tentent de préserver du monde extérieur. Elle échappe une après-midi à leur vigilance pour jouer avec des enfants dans la rue, lesquels se rassemblent de plus en plus nombreux à ses côtés comme s'ils répondaient à un appel irrésistible. Tous jouent ensemble dans une harmonie et un bonheur parfait. C'est alors que Stella trouve un garçon de son espèce et communique de façon nouvelle avec lui. A ce moment que Kaye et Mitch la retrouvent ; les autres parents inquiets de l'attitude de leurs enfants appellent la police.
Il faut abandonner l'Arizona pour rejoindre la frontière la plus proche ; le Mexique. Dans la voiture, Stella dit à ses parents que le petit garçon rencontré faisait "partie d'elle" et demande s'il y en a d'autre comme lui. Mitch lui dit qu'il y en a environ 100 mille !

Stella émet le souhait de leur parler à tous.