Des douleurs de l'exil et des caprices du destin

Zoé Valdès, sous la forme d'un conte, rend hommage à son grand père chinois devenu cubain avec les circonstances de la vie. Ce Mo Ying devenu Maximiliano Megia apparaissant comme un véritable personnage de fiction pour l'écrivaine, a connu bien des tourments dont il a su tirer de bons moments dans les épreuves. D'abord en quittant la Chine pour retrouver son père parti à Cuba pour nourrir sa première famille. Un long voyage semé d'embûches et pour connaître malgré lui le même destin de déraciné que son paternel. Des douleurs de l'exil... Zoé Valdès, par le prisme de l'écriture, nous dit à demi-mot que son destin de femmes de lettres n'est pas étranger à l'érudition de son grand-père qui aimait tenir des carnets où il se racontait également. Elle s'attache aussi à lui rendre une légitimité, lui qui aura connu les horreurs de l'esclavage pour se sortir de sa condition et s'élever comme avocat à Cuba (en rencontrant plusieurs femmes sur son chemin qui auront fait son bonheur comme son infortune). Des caprices du destin... Un beau travail d'écriture dont le découpage est pourtant assez déroutant. En effet, Zoé Valdès s'inspire de la charade chinoise ( qu'elle rebaptise au passage charade "sino-cubaine" vu la double nationalité de son arrière grand-père et de son grand-père) et chaque chapitre prend le nom d'un animal ou d'une chose dessiné sur un Chinois. Par la même occasion, elle s'est donnée comme exercice de replacer cet animal ou cette chose dans un moment de narration particulier. Cette entreprise stylistique,accessoire paraît superflue tant son récit dense et habité était déjà suffisant. Je me demande donc pourquoi ce jusqu'au boutisme alors que les trente dernières pages de l'éternité de l'instant mettent en perspective le passé honteux de Cuba face à l'esclavage lucratif des Chinois. Une charge tellement énorme dans son exposition et où la présence ultime des éléments de la charade paraît incongrue. On pourra supposer une distraction littéraire pour décharger le lecteur de la pesanteur de la narration mais le résultat d'ensemble est un peu gâché. Ca ne m'empêchera pas de relire Zoé Valdès dont j'apprécie le talent de narratrice et à en voir sa bibliographie, ses multiples points de vue sur Cuba,son pays d'origine, face au monde et à ses enjeux selon les époques.

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le 17 sept. 2016

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