La Crypte du Sorcier est le pire livre de la série Défis Fantastiques. Voilà, c'est dit. Je n'ai même pas besoin de lire ou relire la quarantaine de bouquins qui sont sortis après lui pour être capable de l'affirmer. Je peux aussi dire que c'est l'un des pires livres-jeux que je connaisse, et sans doute l'une des pires façons de consommer du papier que je puisse imaginer. Et si vous trouvez que j'en fais trop, c'est que vous ne l'avez jamais lu.


Résumé des épisodes précédents. Ian Livingstone, fondateur de la série avec Steve Jackson, s'est montré de loin le plus prolifique des deux en enchaînant les livres reposant sur une formule simple : des aventures très linéaires, avec de nombreux objets indispensables à la victoire et de tout aussi nombreux combats très difficiles, voire impossibles pour les malchanceux aux dés. L'imagination et le talent d'écriture sont parfaitement facultatifs. Cette formule sentait déjà le réchauffé dans les livres précédents, mais ici, elle vire carrément au rance.


Qu'on en juge. Avec son méchant nécromancien qui veut conquérir Allansia, l'histoire est complètement éculée et n'aura même pas la décence de vous offrir le moindre retournement de situation. Les monstres sont génériques, les PNJ sans saveur et le cadre de la majeure partie de l'aventure, les collines de la Pierre-de-Lune, n'a rien d'affriolant. C'est comme si Livingstone s'était retrouvé coincé avec « collines » parce que c'était la dernière option que lui proposait la table aléatoire de son jeu de rôles préféré après forêt, ville, donjon, jungle, désert froid et désert chaud mais qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'on peut bien trouver dans un environnement de collines. Du coup, il y a semé les péripéties les plus banales qui soient au petit bonheur la chance, et l'éternel héros impavide doit se balader là-dedans, suivant le sempiternel motif livingstonien : « vous arrivez devant une situation qui pourrait tout aussi bien vous tuer que vous fournir un objet indispensable à la victoire, voulez-vous y prendre part ou non ? et n'espérez pas que je vous donne des indications pour que vous puissiez faire un choix éclairé, et puis quoi encore, faut pas déconner non plus ». Il va sans dire que les objets indispensables sont placés sans rime ni raison là-dedans, et la plupart du temps, vous ne saurez même pas qu'un objet est indispensable avant que son absence ne vous conduise à la mort.


Et s'il n'y avait que les objets ! Avant d'affronter le nécromancien Razaak, vous devez réussir l'épreuve que vous impose son bras droit, le squelette Zérodieu. C'est une série de questions, qu'il affirme poser afin de s'assurer que vous êtes bien un serviteur de Razaak. Vous devrez donc lui donner successivement, et je vous jure que c'est vrai :



  • le prix d'une massue au port de Sable Noir ;

  • le chiffre tatoué sur le bras des zombies au service de Razaak ;

  • l'âge du père de Razaak, et, last mais sûrement pas least ;

  • le record du nombre d'oreilles de farfadets mangées lors du concours des trolls.


Il va de soi que toutes les informations indispensables vous sont communiquées au cours de l'aventure de la manière la plus grossière qui soit. Vous voulez un exemple ? La combinaison de la porte de Razaak, dont on a besoin juste après ce navrant échange, est gravée sur une pierre couverte de mousse posée par terre, dehors, au beau milieu de nulle part. De qui se moque-t-on, franchement ?


Du point de vue statistique, c'est aussi un désastre à tous points de vue. Les lancers de dés mortels sont légion : dès le troisième paragraphe de l'unique bon chemin, vous avez 20 % de chances d'y rester ! Les combats contre des adversaires musclés sont nombreux, et Livingstone trouve drôle d'ajouter des règles supplémentaires, comme la mort subite sur un mauvais lancer de dés par exemple. Le boss final possède les statistiques maximales, alors que le héros est déjà bien amoché avant de l'avoir trouvé, et il vous tue net s'il remporte deux tours de combat d'affilée. Et encore après ça, si vous êtes vraiment trop amoché, vous clamsez aussi, parce que Ian Livingstone vous déteste. Encore une fois : de qui se moque-t-on ?


Inutile de répondre, c'était une question rhétorique : c'est clairement du lecteur qu'on se moque ici. Mais le lecteur n'a aucune raison de se laisser faire, surtout pas maintenant qu'il est facile de se renseigner quant à la véritable qualité d'un livre grâce à des choses comme SensCritique. Et la véritable qualité de La Crypte du Sorcier, c'est d'en être parfaitement dépourvu. À fuir comme la peste.

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le 30 août 2016

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Tídwald

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