Cela commence par trois fois rien : l’oubli d’un rendez-vous, d’une date, des achats en plusieurs exemplaires, une certaine confusion qui s’installe. Bien sûr on ne veut pas voir les signes et on en plaisante au début. Et puis un jour il devient impossible de nier plus longtemps et le diagnostic tombe : Alzheimer.
Blandine de Caunes nous raconte l’inexorable déclin de sa mère, Benoîte Groult, dans un texte rempli d’amour et très honnête sur sa propre attitude face à cette maladie qui frappe sa mère.
Est-ce encore pire parce que cette maladie mentale touche une femme brillante, intelligente, combattante ? Probablement pas. La maladie mentale est terrifiante pour tout le monde. Voir une personne qu’on aime perdre pied, ne plus comprendre les choses, bientôt ne plus nous reconnaître est une déchirure.
Blandine de Caunes raconte très bien cela, ces moments où elle oscille entre révolte et résignation, entre amour et envie que tout cela s’arrête pour sa mère mais aussi pour elle-même. Elle nous raconte le combat perdu d’avance d’une femme forte qui se révolte contre la désagrégation de son esprit mais dont le déclin est inexorable.
Benoîte Groult était engagée auprès de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) et le récit de Blandine de Caunes milite clairement pour une vraie réflexion autour de ce sujet.
En parallèle de ce qu’elle vit avec sa mère, Blandine de Caunes doit faire face à un autre drame : la mort de sa fille, Violette, dans un accident de voiture quelques mois avant le décès de Benoîte.
Si le deuil de sa mère était prévisible, celui de sa fille n’est pas dans l’ordre des choses. Pendant que Benoîte lutte encore, Blandine doit trouver la force de se relever de cette terrible injustice aidée en cela par la présence de sa petite-fille, désormais orpheline de mère.
Ce livre est d’une incroyable intensité et à la fois lumineux par la description des relations que Blandine entretient avec sa mère, sa sœur et les membres de sa large famille décomposée/recomposée.
Il est en parfait accord avec l’œuvre et les pensées de Benoîte Groult qui écrivait dans son Journal : « La déchéance physique, passe encore, si l’intelligence reste, sinon intacte, du moins correcte. Mon métier, m’a dignité, c’est de parler et d’écrire. A quoi servirait de végéter en disant des conneries ? »
Il ouvre aussi une vraie voie de réflexion sur la fin de vie à laquelle chacun d’entre nous sera confronté sans être moralisateur ni donneur de leçon. Un bel hommage à une femme engagée et à l’amour filial et maternel.