La main d'oubliés
Fiche technique
Auteur :
Sophie NauleauGenre : EssaiDate de publication (pays d'origine) : Parution France : mai 2007Éditeur :
GalileeISBN : 9782718607405Résumé : Extrait du livre :«Vanité des vanités, tout n'est que vanité», prétend le rouleau de l'Ecclésiaste. Au Louvre, face aux vulnérables enroulements des gaufrettes, je n'ai perçu ni désenchantement, ni défaut d'orgueil, ni sujet vain. Juste la merveilleuse fragilité d'une image peinte à deux millénaires de la première fête des Tabernacles. ÿ l'évidence, l'artiste avait voulu représenter une invite et non une vanité, ou alors une buée des buées comme aiment à le dire les Hébreux. Car rien chez Baugin n'a encore commencé. Il n'y a ni miettes, ni insectes, ni sablier. Pas plus que d'épluchures, rongeurs, huîtres béantes ou fruits tavelés. Nulle morsure du temps. Nul indice putréfié. Juste l'éphémère d'un dessert intact, et qui dure. Ainsi un homme patient, il y a bien longtemps, avait fait de quelques chatteries beurre frais le sujet d'une peinture. Je scrutais ces deux cent treize centimètres carrés qui lui ont survécu, mais dont on sait si peu de choses. J'allais de l'huile sous verre à son nouveau cadre en poirier noirci piqueté de trous d'envol. Et du cadre au cartel : «Lubin Baugin, Le Dessert de gaufrettes, vers 1630-1635».Ce sont ces gaufrettes en plein musée qui m'ont mis la puce à l'oreille. ÿ force de les examiner, je m'en remettais à l'expression parfaite de coquille d'oeuf qui dit le blond, la douceur et le bris de la cassante coquille. Insensiblement, Baugin me ramenait aux souvenirs d'écolière. Et du fond terne du tableau, telle la queue sombre d'une corneille, je dérivais jusqu'à Calimero, ce petit poussin noir de dessins animés qui porte sa coquille en guise de chapeau. Ces gaufrettes enfantines me rappelaient aussi le jaune du pain perdu que maman le dimanche nous faisait tremper à main nue, dans le lait puis dans l'oeuf, avant de le passer à la poêle. J'aurais voulu que le bout de mes doig