La nuit sans fin, écrite par Thierry Horguelin, se classe dans un genre de fiction peu répandu : le fantastique belge, une littérature non conformiste qui n'a pas son pareil pour évoquer une ambiance de l'étrange.
Thierry Horguelin, né au Québec, vit en Belgique depuis deux décennies. Son amour pour la littérature belge le fait naturaliser par le prix Franz de Wever, et c'est avec La Nuit sans fin qu'il devient lauréat du prix Franz de Wever en 2009.
La nuit sans fin est composée de sept nouvelles dont le fil conducteur semble être un jeu étrange avec l'espace et le temps. Ce jeu est renforcé par un thème que l'on peut distinguer au fur et à mesure de notre lecture, la répétition ; Dans Contretemps, un élément déclencheur entraîne une série d’événements sur le temps d'une journée et se répète le lendemain. Le Grand Transparent lui ne joue qu'avec l'espace lorsque le narrateur est introduit dans une bibliothèque entièrement transparente tout en haut d'une tour. La Nuit sans fin dont le recueil tire son titre met en scène un homme (ou sont-ce des hommes?) du nom de Carter qui s'évanouit et se réveille dans différents lieux et différentes époques de manière répétée. Un homme trop curieux traverse des couloirs souterrains jour après jour en transcendant les époques dans Le Souffleur. L'Affaire Dieltens narre une étrange enquête autours d'un tableau. Le personnage principal de L'Homme à l'anorak jaune est un insomniaque dépressif qui tient un rendez-vous nocturne avec une série TV tous les mardis. Enfin, un paranoïaque fuit son Némésis selon un modèle qu'il a établi dans L’Ennemi. Dans son jeu avec la répétition, Horguelin va encore plus loin : à la fin de la première nouvelle de son recueil, il renvoie le lecteur au début de la nouvelle. Il utilise le même procédé dans la nouvelle qui conclu le recueil, formant ainsi un lien entre la première et la dernière nouvelle, une boucle qui met encore en avant le thème de la répétition.
En plus de cela, chaque nouvelle est liée à un aspect de ce que l'on pourrait appeler « culture de la fiction » : théâtre, littérature, série TV sont une partie importante de notre société. Tout bon ouvrage fantastique efface les limites entre fiction et réalité, et La nuit sans fin n'y fait pas exception. Sauf qu'à la différence d'autres récits du genre, La nuit sans fin procède de manière consciente à un effacement de la frontière fiction/réalité à l'intérieur de l'effacement de la frontière fiction/réalité habituel ; lorsqu'un spectateur regarde une série télévisée, n'est-il pas aspiré dans cet autre monde? Une pièce de théâtre ou un ouvrage de littérature ne traverse t-il pas les âges pour apparaître devant de nouveaux spectateurs ou lecteurs ?
La nuit sans fin, une merveille de la littérature, pourrait-on penser ? Malheureusement, pas de mon point de vue. Un style d'écriture plutôt lourd empêchent les idées magiques de Thierry Horguelin de s'envoler. Des histoires, où les personnages se confondent les uns aux autres et n'attirent pas la sympathie, se succèdent sans se distinguer. Les chutes, souvent prévisibles, laissent le lecteur froid.
Malgré le fait qu'il ne m'ait pas enthousiasmée (ni d'ailleurs repoussée), il est indéniable que Thierry Horguelin a beaucoup réfléchi à la mise en scène intelligente de son recueil, et nous ne pouvons que lui porter de l'admiration pour cela. Une lecture à tenter.