Quatre heures. Seulement quatre petites heures.
C’est le temps qu’il m’a fallu pour découvrir et dévorer Le Mal-Épris, de Bénédicte Soymier.
Impossible à lâcher, j’ai seulement concédé deux petites pauses de quelques minutes à mon cerveau fasciné.


Ce début d’année 2021 nous offre décidément de nombreux premiers romans d’une profondeur, d’une élégance et d’une grâce folles.
Et celui-ci en fait clairement partie.


Paul est laid. Paul souffre.
Paul aimerait tellement être autre.
Paul a subi. Paul a enduré.
Paul aimerait tant avoir été autre.
Vraiment ?
À partir de quand la souffrance passée devient-elle un passe-droit pour les blessures à venir ?


Paul s’explique. S’exprime.
Mais pas trop.
Paul s’accuse. S’excuse.
Mais pas longtemps.
Paul reproduit-il ?
LA fameuse question. Celle qui permettrait de comprendre, de compatir, de pardonner.
Sauf que non. Ça, c’est trop simple, trop réducteur.
Trop facile.
Il n’y a pas de fatalité, seulement des choix.
Et Paul fait les mauvais, encore et encore. En toute conscience.


Paul est une victime, mais Paul est un bourreau.
La première n’excuse pas le second.
Jamais.


Bénédicte Soymier trace cette histoire d’une plume phénoménale.
Précise. Concise. Parfois à l’extrême.
Et c’est parfait ainsi.
Pas de détails superflus, pas de digressions inutiles.
Droit aux faits. Droit au cœur.
Elle nous raconte une histoire terrifiante et banale, qui nous heurte et nous révulse.
Nous alerte et nous questionne.
Elle vise la tête, le ventre et l’âme.
Et fait mouche à chaque fois.


Paul, Mylène, Angélique, Émilie.
Incorrigiblement humains, désespérément faillibles, ils sont multiples, bons ou mauvais, forts ou faibles.
Acteurs ou témoins.
Victimes ou bourreaux.


Ce roman dissèque, transmet, et explique. Mais il n’excuse pas. Rien.
Jamais.
On en ressort essoufflé, fourbu, sonné.
Par l’histoire et le style.
L’une est tragique et l’autre, sublime.
Par le ton et par le rythme.
L’un tranchant, l’autre, hypnotique.


Est-ce qu’il faut le lire ? Oui, cent fois oui.
Et aussi le faire lire. Partout. Par tous.

annesophiebooks
9
Écrit par

Créée

le 5 févr. 2021

Critique lue 67 fois

annesophiebooks

Écrit par

Critique lue 67 fois

D'autres avis sur Le Mal-épris

Le Mal-épris
BrunePlatine
7

Requiem pour un mâl(e)otru

On dit souvent que la première phrase décide de tout le reste, qu’elle donne le la du récit, résume parfois la totalité, la tonalité d’un roman. Celle du premier roman de Bénédicte Soymier, le...

le 23 janv. 2021

1 j'aime

2

Le Mal-épris
Christlbouquine
7

Critique de Le Mal-épris par Christlbouquine

Paul est un homme sans beauté, fade, de ceux que les femmes ne regardent pas, qu’elles évitent même, en tous les cas qui n’inspirent pas l’amour. Paul est un homme rempli de rancœur, de rancune. Paul...

le 6 févr. 2021

Le Mal-épris
annesophiebooks
9

Puissant et délicat.

Quatre heures. Seulement quatre petites heures. C’est le temps qu’il m’a fallu pour découvrir et dévorer Le Mal-Épris, de Bénédicte Soymier. Impossible à lâcher, j’ai seulement concédé deux petites...

le 5 févr. 2021

Du même critique

Les enfants sont rois
annesophiebooks
10

Roman d'utilité publique.

Attention, ce roman est édifiant et hautement addictif ! Avec « Les Enfants sont Rois » Delphine de Vigan nous propose une lecture qui parlera à tous. Parce que ce qu’elle nous narre, c’est notre...

le 30 mars 2021

12 j'aime

Trois
annesophiebooks
10

Delicatesse et profondeur

Trois, c’est le roman de l’amitié, de sa force et de ses failles ; celui des relations humaines, dans ce qu’elles ont de plus beau et de plus sombre ; celui des secrets, de leur nécessité et leurs...

le 3 avr. 2021

8 j'aime

2

Vox
annesophiebooks
9

Absolument génial.

Ce roman devrait beaucoup faire parler de lui. Pour moi en tout ça a été un énorme coup de cœur. Jean est une scientifique spécialisée dans les troubles du langage. Mais elle qui a tant étudié pour...

le 1 avr. 2019

7 j'aime