Nous sommes dans les années qui suivent la fin, en 1975, de l’empire colonial portugais en Afrique. Comme déposés pêle-mêle par la vague du temps, les personnages historiques qui ont fait la grandeur et la fierté du Portugal, grands navigateurs, auteurs et poètes d’antan, reviennent à Lisbonne. Les y attend le destin pathétique des rapatriés coloniaux, qui ont tout perdu dans la débâcle et qui découvrent une métropole inconnue et misérable, indifférente à leur sort.


Dans un style baroque où les phrases courent sur plusieurs pages, sautant d’un narrateur à l’autre en cours de route, multipliant les allusions et les métaphores dans un jeu qui rend indispensables les annotations des traductrices pour les lecteurs non familiers des figures mythiques portugaises, l’auteur superpose allégrement la gloire passée du pays et sa piteuse décadence au lendemain d’une guerre coloniale qui a finit par faire chuter son régime dictatorial. Le contraste n’en est que plus cruel et permet à Antonio Lobo Antunes de dénoncer les manipulations politiques qui ont pu abuser tout un peuple, lui faisant croire en des chimères qui ne le menèrent qu’à une crise majeure.


Fond et forme du récit s’allient dans la volonté de l’auteur de secouer la société portugaise : au-delà de sa portée politique et historique, le texte rompt avec le schéma rédactionnel classique, et emporte le lecteur dans un délire aux apparences déstructurées et absurdes. Au début bluffée et séduite par cette audace et cette originalité, j’ai assez rapidement trouvé ce parti-pris lassant et fatigant, prise par une impression de répétition un peu lourde et la sensation frustrante de parfois passer à côté des nombreuses références typiquement portugaises.


Cette œuvre audacieuse et engagée, sans doute un peu datée, mais à son époque d’une portée politique et sociale considérable, m’a permis de découvrir une facette essentielle de la culture et de l’histoire portugaises, en même temps qu’un grand nom de la littérature lusitanienne. Le récit, noir et désespéré, et surtout si délibérément en rupture avec les conventions littéraires habituelles, s’est néanmoins transformé pour moi en une véritable épreuve de lecture.


https://leslecturesdecannetille.blogspot.com

Cannetille
4
Écrit par

Créée

le 10 mai 2020

Critique lue 63 fois

Cannetille

Écrit par

Critique lue 63 fois

D'autres avis sur Le Retour des caravelles

Le Retour des caravelles
Cannetille
4

Une oeuvre audacieuse et engagée

Nous sommes dans les années qui suivent la fin, en 1975, de l’empire colonial portugais en Afrique. Comme déposés pêle-mêle par la vague du temps, les personnages historiques qui ont fait la grandeur...

le 10 mai 2020

Du même critique

Veiller sur elle
Cannetille
9

Magnifique ode à la liberté sur fond d'Italie fasciste

En 1986, un vieil homme agonise dans une abbaye italienne. Il n’a jamais prononcé ses vœux, pourtant c’est là qu’il a vécu les quarante dernières années de sa vie, cloîtré pour rester auprès d’elle :...

le 14 sept. 2023

19 j'aime

6

Le Mage du Kremlin
Cannetille
10

Une lecture fascinante

Lui-même ancien conseiller de Matteo Renzi, l’auteur d’essais politiques Giuliano da Empoli ressent une telle fascination pour Vladimir Sourkov, « le Raspoutine de Poutine », pendant vingt ans...

le 7 sept. 2022

18 j'aime

4

Tout le bleu du ciel
Cannetille
6

Un concentré d'émotions addictif

Emile n’est pas encore trentenaire, mais, atteint d’un Alzheimer précoce, il n’a plus que deux ans à vivre. Préférant fuir l’hôpital et l’étouffante sollicitude des siens, il décide de partir à...

le 20 mai 2020

17 j'aime

7