Le monde et ma caméra

Résumé : Comment l'arrivée d'Hitler au pouvoir fait d'une jeune sociologue exilée une photographe bientôt mondialement célèbre, c'est ce que Gisèle Freund nous raconte ici. Photographe des écrivains, grand reporter, elle s'intéresse avant tout aux individus, aux visages. Avec son outil, qui nous apparaît aujourd'hui d'une modernité inégalée, elle devance toujours d'une longueur son époque.Des années 30 aux années 60, émaillé d'anecdotes, de paysages, de portraits de célébrités ou d'inconnus, ce texte est l'histoire d'un des regards les plus éveillés du XXe siècle.Née à Berlin, Gisèle Freund (1908-2000), d'abord sociologue, fuit le nazisme en 1933. Elle s'installe à Paris, où elle se lie à Adrienne Monnier et photographie les personnalités artistiques et littéraires. Dans l'après-guerre, reporter pour l'agence Magnum, elle devient l'un des très grands noms de la photographie.Extrait du livre :L'automne avançait rapidement. Il commençait à faire froid. Les arbres du jardin du Luxembourg avaient perdu leurs feuilles et les marchands de marrons s'installaient aux coins des rues. Devant les cafés, l'étalage des vendeurs d'huîtres avait remplacé les tables. C'est à cette époque que je fus témoin d'une de ces tragédies obscures, si fréquentes dans une grande ville comme Paris.La pluie n'avait pas cessé de la nuit. L'eau trouble de la Seine avait beaucoup monté durant ces derniers jours et coulait avec violence. Je traversais le pont des Arts quand j'aperçus un groupe de badauds penchés sur le parapet. Ils regardaient deux hommes s'affairer dans une petite barque amarrée au quai. Je les vis soulever ce qui me sembla être un lourd paquet de vêtements mouillés. Ils le posèrent soigneusement par terre. Un agent accourait. Je me glissai au centre du cercle silencieux qui s'était formé. C'était une jeune fille. Elle par