« Si vous ne connaissez pas le poids des mots, faites-moi le plaisir de refermer ce livre »

Les confessions du monstre s'ouvre sur une injonction au lecteur, une demande brutale de nous complaire dans notre voyeurisme le plus vulgaire. Car c'est un monstre qui nous parle, un monstre, en acte, en paroles, en pensées sans doute – c'est du moins ce qu'il affirme. Élevé par la famille la plus fadasse que la banlieue la plus banale puisse produire, il a suivi un chemin tout tracé, tout droit vers City, une voie faite d'asphalte et de belles voitures, faite de vacances exotiques et de corps parfaitement hygiéniques, dans un société normalisée, aseptisée, contrôlée.

Et c'est alors que, sous la pression de la tyrannie de la norme, il commence à tuer. Peut-être par besoin, en tout cas par pulsion, d'abord de manière confuse, puis sous l'empire d'un besoin qui peu à peu se précise : il lui faut se différencier, ne pas être comme les autres, arrêter de se fondre dans la masse. Écœuré par sa banalité, il se rend abominable pour se présenter face au tribunal : un meurtrier en costume trois-pièces, séduisant et brillant.

Il se réjouit de la gloire des projecteurs, il se prélasse sous le regard des objectifs ; mais bientôt on l'isole et dans la misère de la solitude, il ne lui reste que les mots, que la confession solitaire pour se sortir et surtout, se montrer. Et il y a de la douleur dans cet homme qui n'a pas appris à parler, qui se tord dans sa cellule, brûlant du désir de se mettre en scène.

Et nous, lecteurs, avertis dès l'ouverture du propos de ce roman, nous ne pouvons que nous interroger : que sommes-nous, si cet homme-là, qui a pourtant tout réussi, n'a pu que sombrer dans la folie et la maladie ? Qu'en est-il de notre société de conformisme et d'uniformité ? Que penser de notre obsession pour l'image, notre recherche désespérée de ce Quart d'heure de gloire qui, enfin, ferait de nous ce petit flocon de neige, unique et précieux, que nous désirons être ?

À l'ère de l'individualisme forcené, Les confessions du monstre est un roman salvateur qui,en faisant de l'ordre social lui-même un Dr. Frankenstein des temps modernes, nous lance en plein cœur l'entière gangrène qui accable nos sociétés médiatisées, publicitisées, conceptualisées - détraquées.
Penro
8
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le 26 mai 2014

Critique lue 222 fois

Penro

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